Dan Bigras: encore sous haute surveillance
De retour avec un 28e Show du Refuge
DEPUIS PRÈS DE TROIS DÉCENNIES, DAN BIGRAS ORGANISE CHAQUE AUTOMNE UN SPECTACLE-BÉNÉFICE UNIQUE POUR SOUTENIR FINANCIÈREMENT LE REFUGE DES JEUNES DE MONTRÉAL. APRÈS UNE ANNÉE DIFFICILE SUR LE PLAN DE SA SANTÉ, LE CHANTEUR REVIENT PLUS FORT QUE JAMAIS. IL EST EN PLEINE FORME ET JONGLE AVEC DIFFÉRENTS PROJETS.
Quand il évoque son engagement auprès du Refuge des jeunes de Montréal depuis 28 ans, Dan Bigras est tout d’abord étonné. «C’est ma job la plus stable. Je n’ai aucune relation qui a duré aussi longtemps dans ma vie, même pas celle avec mon fils, puisqu’il a juste 22 ans.»
Sans se mettre de pression, Dan Bigras consacre beaucoup de temps à l’organisme, certaines années plus que d’autres. «Mon vrai métier est de faire de la musique et d’écrire des choses. Mais ma job de porte-parole est aussi importante, tout comme Le Show du Refuge.»
Pour ce spectacle-bénéfice unique, qui représente environ 25 % du budget annuel de l’organisme, le chanteur commence à approcher les artistes vers la fin de l’été, ayant toujours en tête le souci de provoquer des surprises. «Je ne peux pas toujours inviter les mêmes, le public va finir par se tanner. Chaque année, je découvre de nouveaux artistes, je tripe dessus et je les invite. Je tisse des amitiés avec eux. J’invite aussi des artistes qui sont capables de jouer avec d’autres. J’essaie de faire des matchs intéressants, et une fois que j’ai mis tout le spectacle en place, ils viennent mettre le bordel. (rires) Ce sont des artistes, ils arrivent avec leurs idées et leurs envies, et je comprends ça. Ce n’est pas moi le plus flyé de la gang!»
En participant au Show du Refuge, plusieurs chanteurs ont envie de se mesurer à de la nouveauté, de faire des duos improbables, voire impensables. «Je me souviens d’une année où Marie-Josée Lord et Samian étaient présents. Je n’imaginais pas pouvoir mettre ensemble une chanteuse lyrique et un rappeur, mais MarieJosée m’a dit qu’elle voulait faire un rap avec lui. On a monté le numéro, et ça a fonctionné. Je cherche aussi cette folie-là chez les artistes que j’invite.»
Le chanteur peut aussi compter sur la présence rassurante de ses fidèles, comme Lulu Hughes. Depuis plus de 30 ans, il est un ami intime de la chanteuse et partage beaucoup de souvenirs avec elle. «On est un peu passés par les mêmes endroits. On a fait des bars, on a joué du blues, on a ensuite fait nos propres disques... Dernièrement, on est tous les deux passés par le cancer et on s’en est plutôt bien sortis. Lulu fait partie de mes “tueuses”, ces amies qui viennent sur mes shows et qui sont capables de t’arracher le coeur avec leurs voix. Lulu est capable de tout et, instinctivement, comme je suis son ami et que je l’aime, je sais ce qu’elle n’aimerait pas chanter.»
Outre Lulu Hughes, Marie-Josée Lord, Émile Proulx-Cloutier, Yama, René Simard, Guylaine Tanguay, Dramatik, Étienne Cousineau et QW4RTZ feront partie du 28e Show du Refuge, qui aura lieu le 22 novembre, à la salle Wilfrid Pelletier de la Place des Arts.
DERNIÈRE RESSOURCE
Le Refuge des jeunes de Montréal est cher au coeur de Dan Bigras, parce qu’il sait que c’est le dernier rempart de l’humanité pour les jeunes dans la rue. «Ceux qui viennent au Refuge ont souvent été bardassés depuis leur enfance; la moitié vient des Centres jeunesse. L’idée que les enfants viennent au monde égaux et avec les mêmes droits est un mensonge. Il y a des jeunes auxquels on ne laisse aucune chance. Tant que ce sont des enfants, ils sont cutes et on est émus. Aussitôt qu’ils deviennent des ados, ça devient leur faute s’ils sont dans cette spirale. Mais ce sont pourtant les mêmes enfants.»
Selon lui, l’amour, la compensation et l’écoute sont les principaux outils pour les aider à se
reconstruire. «Tous les jeunes dans la rue se demandent pourquoi personne ne les aime. La réponse qui leur vient le plus facilement est qu’ils ne le méritent pas. Ils ont été élevés avec ce schéma en tête. Ça prend un intervenant qui va prendre le temps de les écouter, tout en leur manifestant de l’importance. Quand quelqu’un les écoute, une enfance indigne connaît un début de dignité, et c’est le début de la reconstruction.»
DES PROJETS SECRETS
En plus de poursuivre sa tournée
25 ans, 25 chansons, Dan Bigras travaille actuellement sur de nouveaux projets. «J’ai beaucoup de choses à écrire dans les prochains mois, mais je ne peux pas vous dire ce que ça va être. Étant donné que je suis TDA, j’ouvre trois projets dans mon ordinateur. Je travaille sur un, il y a une mouche qui passe, et je finis par écrire sur le deuxième. À un moment donné, je finis simplement celui qui est le plus abouti. J’écris en ce moment, mais je ne sais pas encore ce que ça donnera.»
Vu l’état du marché du disque, il n’a pas forcément envie d’investir dans la production d’un nouvel album ni de faire un retour comme comédien récurrent dans une série. «Ma priorité en ce moment, c’est l’écriture. Si c’est juste de faire une apparition dans un film ou dans quelques épisodes dans une série, je vais prendre le rôle parce que j’adore jouer. Mais je n’accepterais pas un gros rôle dans un gros projet.»
L’AVENIR EN QUESTION
Le diagnostic de cancer qu’il a reçu l’an passé lui a fait prendre conscience qu’il n’était pas immortel et qu’il était temps de trouver un successeur pour assurer la pérennité du Refuge. «Je suis en train de revenir à la réalité, car j’aurais pu mourir de ce cancer. Les chances de m’en sortir étaient bonnes, mais je me suis posé des questions. Je n’avais jamais envisagé qu’à un moment donné quelqu’un devrait peut-être me remplacer pour Le Show du Refuge. J’ai beaucoup réfléchi à ce sujet. J’en parle beaucoup avec France Labelle, la directrice.»
En attendant, la santé de Dan Bigras est plutôt au beau fixe. «J’ai juste pris du bide. Mon médecin m’a expliqué que si je prends du poids, c’est que tout va bien. Je suis encore sous haute surveillance. Je vois mon oncologue assez régulièrement. Je suis quand même à 40 % de possibilité de rechute, mais je suis surveillé de près. C’est beaucoup moins angoissant.» Il avoue être un patient assez patient et discipliné. «Ça m’énerve un peu d’avoir pris du ventre. La forme revient graduellement; ça peut prendre jusqu’à deux ans. Je ne suis pas pressé, je m’entraîne pour me garder en forme, mais dans le respect de l’âge de mon corps.»
«Il y a des jeunes auxquels on ne laisse aucune chance.»