Johanne Seymour: elle a atteint son but
LE GOÛT DE
POUR SON ROMAN
L’ÉLÉGANCE, JOHANNE SEYMOUR A CHOISI D’EXPLORER UN AUTRE GENRE LITTÉRAIRE QUE CELUI QU’ON LUI CONNAÎT HABITUELLEMENT. EN EFFET, L’AUTEURE A DÉLAISSÉ LE POLAR POUR ENTRAÎNER SES LECTEURS DANS UNE FABLE RÉJOUISSANTE.
Johanne, pourquoi avez-vous choisi un autre genre littéraire que celui auquel vous avez habitué vos lecteurs?
Ce n’est pas un polar, ça, c’est certain! Je pense que le mot fable est venu du fait qu’il y a un peu de magie dans ce roman. Une magie que je trouvais essentielle à la narration du récit, parce que même si la vie de mon personnage est heavy, je ne voulais pas que le roman le soit. Je désirais que les lecteurs sortent de cette histoire en se disant: «Wow! Même quand ça va vraiment mal, il y a des pistes de solution. On n’est pas tout seuls.» J’ai écrit un roman qui dit: «Serrez-vous les coudes, tout le monde, parce qu’à la fin, il y a une lumière au bout du tunnel.» Je trouve ça étonnant, avec tout ce qui se passe en ce moment. Parfois, on écrit des choses qui traitent d’un sujet, mais finalement ça couvre beaucoup plus large que ce qu’on imaginait au départ. Vos huit romans précédents sont des polars. Qu’est-ce que ça exige pour une auteure, autant dans la construction du récit que dans les émotions des personnages, d’aller vers un genre différent?
Que ce soit un polar ou un autre genre, ça demeure de la littérature. En partant, il faut avoir une bonne histoire et de bons personnages complexes. Il faut aussi qu’il y ait une part de soi dans ces personnages, pour que les gens les aiment et soient emphatiques envers eux. Même dans mes polars, il y a des parts de moi. Il y a aussi des parts de gens que je connais intimement et dont je suis capable de ressentir les émotions. Le polar est une forme qui a ses exigences en matière de rythme et de dévoilement d’indices, mais ça demeure un
contenant. Quand j’ai écrit mes huit premiers romans — à l’exception de Wildwood, qui est un roman unique dans lequel le polar est en toile de fond —, les idées que j’avais envie de véhiculer se mariaient bien avec le contenant qu’est le polar. Quand j’ai eu cette envie du roman Le goût de l’élégance, ce n’était plus possible pour moi d’aller vers le même genre littéraire. Un jour, il y a peut-être quelqu’un qui écrira un truc qui véhiculera les mêmes choses que moi dans un polar et ça fonctionnera, mais moi, je ne trouvais pas cette voie. Je me suis donc dit que j’irais ailleurs.
Est-ce que ç’a été difficile de trouver la bonne voie pour Le goût de l’élégance?
Le chemin n’a pas été difficile pour décider de le faire autrement, mais il l’a été pour trouver comment je le ferais. Ça m’a pris trois ans: deux ans avant de trouver comment j’allais véhiculer cette idée et une année pour mettre ça en branle et l’écrire. Au début, je réfléchissais et je parlais à des gens que je connais. Un jour, un professeur de littérature à la retraite m’a parlé d’un roman canadien-anglais dont le titre et l’auteur m’échappent malheureusement, et m’a dit: «C’est assez extraordinaire: dans ce roman, un personnage se lève un matin et il y a plein de papillons dans son village. À partir de ce moment, toute une histoire se développe, mais les papillons sont secondaires. Cet événement est magique.» C’est à ce moment que m’est venue l’idée. Je me demandais comment on écrivait ça, l’histoire d’une fille qui a son voyage de tout. Comment parler des gens qui se répondent en malades sur les réseaux sociaux? Comment parler des gens qui sont agressifs? Comment parler du fait qu’on perd le goût de l’élégance, des sentiments et des mots? Ç’a été difficile. Comment? Comment? Comment? Après que cet ancien professeur m’a parlé, je me suis posé des questions. Mes réflexions des deux premières années ont commencé à s’emboîter et le roman est né. Quand j’ai commencé à écrire, j’ai eu énormément de plaisir. Je n’ai pas accouché de ce livre dans la douleur.
Vous êtes-vous demandé si vos lecteurs allaient vous suivre dans ce nouveau genre littéraire?
J’ai fait beaucoup de métiers dans ma vie. J’ai été comédienne pendant plus de 20 ans, j’ai fait de la réalisation, j’ai écrit pour la scène, j’ai produit... J’avance avec mes coups de coeur. Si j’ai envie de faire quelque chose, je le fais. Je ne pense pas à mon plan de carrière. Peut-être que la moitié ou même les trois quarts des lecteurs de polars ne me suivront pas dans ça, mais il y a un nouveau lectorat qui, lui, va vouloir me suivre.
Parlez-nous maintenant de l’histoire de votre roman, Le goût de l’élégance.
C’est l’histoire de Simone Vendredi, une femme ordinaire comme bien d’autres, qui n’est pas immensément riche. Quand le roman débute, elle travaille dans un magasin à grande surface, mais elle est fatiguée et tannée. Elle n’aime pas son patron. Elle a eu la vie dure et son lot de ruptures difficiles. Simone est dans un moment difficile de sa vie. Elle ne sait plus comment se réinventer. Puis un élément magique se produit, ce qui amène Simone à se faire jeter à la porte d’où elle travaille. On découvre le parcours de cette femme qui est rendue à un moment dans sa vie où elle flirte avec la mort, où elle ne voit pas de lumière au bout du tunnel. On découvre donc le cheminement qu’elle fera pour revenir vers la lumière et retrouver le goût de vivre. C’est un récit plein de poésie et d’espoir, dans lequel on rencontre une foule de personnages: des collègues de Simone aux clients de la librairie où elle travaille. Ils sont aussi colorés qu’elle, dans le sens qu’ils ont tous leurs failles.
Quels commentaires vous a-t-on faits sur votre roman jusqu’à maintenant?
Les gens ont été touchés par le personnage de Simone, et ils ressortent de leur lecture avec une impression de réjouissance. Je suis contente de constater que ce que j’ai voulu faire fonctionne. En général, mon roman est bien reçu, comme je désirais qu’il le soit. Je pense que j’ai atteint mon but d’une certaine façon.
«J’ai écrit un roman qui dit: “Serrez-vous les coudes, tout le monde, parce qu’à la fin, il y a une lumière au bout du tunnel.”»