La rage au ventre, le coeur en charpie
Faut-il prendre au second degré ce roman provocateur, hyper mordant, qui sort résolument du lot? Dans ce deuxième ouvrage qu’il publie après Zora,uncontecruel, prix Robert-Cliche 2013, Philippe Arseneault prête sa voix à un drôle de zigoto.Chiant, méprisant, fort en gueule, il crache sur tout ce qui bouge. Sur le peuple québécois en particulier. Un exemple? «En réalité, les Québécois sont seuls et déprimés.Ils sont misérables. Pourtant, quand je pense à eux, je suis incapable de ressentir de la pitié. Tout ce qui monte, c’est de la haine.» Originaire de La Tuque, Roé Léry, professeur de droit, vit enChine depuis près de 15 ans.Il débarque à Montréal, à reculons, le temps de régler quelques affaires. Les médias s’intéressent à cet exilé qui a publié, un an auparavant, un romanP, utrescenceStreet. Écrit pour faire un coup d’argent, rédigé en franglais, ce livre se veut «montréaliste», c’est-à-dire, aux yeux de son auteur, «précis, tassé, snob.Rempli de tout ce qu’aiment les Montréalais (des niaiseries)». Arpentant les rues de la métropole où il se sent étranger, il se fait ethnologue de ses compatriotes, ces «casques de bain coloisnés» qui malmènent leur langue et font dans la moutonnerie.Il ne cesse de déblatérer contre leur inculture, leur illettrisme, leur vulgarité.
Ma soeur chasseresse pourrait n’être que ça: un livre-crachat, un roman-scalpel, un miroir grossissant. Mais il y a aussi dans cet ouvrage qui en mène large une quête du passé, par le biais de la figure de Jeanne Mance, cofondatrice de Montréal. Il y a surtout, sous l’armure du narrateur misanthrope, un romantisme insoupçonné.C’est là sa faille. Même une fois largué par sa belle restée en Chine, notre héros mal léché ne peut s’empêcher de s’attendrir: «Mais je n’arrêtais pas de l’aimer, et c’était, en vérité, une chose extraordinaire, intime et cruelle que cette éruption du coeur qui échappait à mon contrôle.» (QuébecAmérique) danielle laurin, chroniqueuse livres