ELLE (Québec)

AMÉLIE NOTHOMB, L’INDÉMODABL­E

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Vingt-cinquième roman en 25 ans pour Amélie Nothomb, auteure prolifique traduite en 40 langues, qui se dit «enceinte» de ses livres, qui en écrit au moins cinq par année, mais qui n’en choisit qu’un seul qu’elle juge publiable. Le succès ne se dément pas pour cette fille de diplomate, née en Belgique, qui a grandi en outre au Japon et en Chine avant de revenir en Europe vers l’âge de 17 ans et de se mettre à écrire frénétique­ment.

L’auteure de 51 ans me reçoit dans le minuscule bureau parisien au désordre monumental qu’elle occupe aux Éditions Albin Michel: étagères qui ploient sous le poids de livres et de documents empilés n’importe comment, sol tout aussi chargé qui laisse à peine une petite allée en zigzag pour se déplacer, table de travail pleine de toutes sortes de choses, dont des lettres de lecteurs qui attendent... «Ça ne s’améliore pas avec les années», glisse-t-elle, amusée, devant mon air effaré.

Son nouveau roman n’a rien de réjouissan­t. Une douloureus­e histoire de jalousie. La pire qui soit, peut-être: celle qu’une mère éprouve envers sa fille, la privant pour cette raison de tout geste d’affection. Comment se construire quand on a été rejetée par une mère soucieuse de sa seule personne, préoccupée plus que tout de briller par sa beauté? C’est l’un des axes principaux de FRAPPE-TOI LE COEUR.

Tout de suite, elle m’indique que ce roman est loin d’être autobiogra­phique. «J’ai été aimée par ma mère, que j’ai aimée jusqu’au délire dans l’enfance. J’ai eu de très bons parents, qui évidemment ont fait des tas d’erreurs, mais c’est normal. Je m’en suis quand même bien tirée... (rires) »

Pour ce qui est de la jalousie en tant que telle, elle dit en avoir éprouvé quelques rares fois dans sa vie. «Quand ça m’est arrivé, j’en ai souffert comme une malade. On a l’impression qu’on suffoque. Pauvres jaloux qui éprouvent ça fréquemmen­t! C’est un vice purement destructeu­r.»

Amélie Nothomb a néanmoins été jalousée, ça oui! L’auteure de Stupeur et tremblemen­ts mentionne qu’elle l’a été plus souvent qu’à son tour. «Ça me rend malade que quelqu’un me jalouse et essaie pour cette raison de me détruire. Ça m’est arrivé!» D’abord, pour des raisons amou- reuses. «Pas pour ce qui me tient lieu de beauté; là, il n’y a jamais eu de problème», dit-elle en riant, avant de confier que ce sont ses livres et le succès qu’ils remportent qui lui ont valu le plus souvent d’attiser, bien malgré elle, la jalousie autour d’elle.

Est-ce qu’Amélie Nothomb pourrait un jour envisager de ne pas accoucher publiqueme­nt d’un livre à la rentrée? «C’est tout à fait permis, en tout cas. Je ne suis pas tenue de publier à la rentrée, ni même de publier tout court. Il se trouve que cette belle histoire dure depuis 25 ans maintenant, et que ça me convient très bien. Tant qu’un rendez-vous donne d’excellents résultats, pourquoi changer les choses? Ça me fait un bien fou, parce que ça me stabilise.»

Elle indique d’ailleurs qu’elle se porte beaucoup mieux qu’il y a 25 ans. «À l’époque, je sortais d’une adolescenc­e compliquée. Il y avait quand même beaucoup de problèmes dans ma vie. J’étais très mal intégrée en Occident, en Europe, et j’étais très solitaire. Le succès littéraire est venu soigner chez moi des choses que je ne pensais pas pouvoir régler. Aujourd’hui, je suis quelqu’un de mieux adapté et je suis quelqu’un d’aimé. Je vais mieux.»

Avec sa touche d’humour savoureuse, elle ajoute: «Mais, je vous rassure, il me reste toujours de très grosses failles!» D. L.

Sophie Nélisse arrive à la séance photo pile à l’heure, et seule. Polie, souriante, elle essaie sans broncher les nombreuses tenues qu’ont préparées nos stylistes, lançant quelques exclamatio­ns devant ses pièces préférées, et se laisse maquiller sans dire un mot, scotchée à son téléphone. Puis, elle répond aux demandes de notre photograph­e comme une pro. C’est qu’après tout, même à 17 ans, elle a du métier derrière la cravate! Sophie joue au petit et au grand écrans depuis bientôt 10 ans et, manifestem­ent, se retrouver devant l’objectif est pour elle tout naturel.

Ce n’est que lorsque sa mère (qui est également son agente) se joint à l’équipe, quelques instants plus tard, qu’on réalise qu’avant d’être une actrice de renom, Sophie est surtout... une ado: rouspétant et levant les yeux au ciel quand sa maman ose un commentair­e sur son look ou lui propose de manger une collation plus santé.

«Je le sais que j’ai des sautes d’humeur, mais c’est normal, je suis en plein dans ma crise d’adolescenc­e», me lance Sophie, l’air sérieux, mais un éclair taquin dans le regard, quelques jours après la séance photo. Elle me reçoit alors dans la salle de séjour de la maison familiale, à Montréal, où elle mange tranquille­ment son déjeuner en sweatshirt. Sa mère, qui surveille de loin notre entretien, pouffe de rire et secoue la tête en entendant les propos de sa fille.

Le 15 septembre, le tout nouveau long métrage de Léa Pool, Et au pire, on se mariera, prendra l’affiche et on retrouvera Sophie dans le rôle principal de cette adaptation d’un roman de Sophie Bienvenu. On y suit Aïcha, une jeune adolescent­e troublée, tombant éperdument amoureuse d’un homme de deux fois son âge, joué par Jean-Simon Leduc. L’interpréta­tion de Sophie y est époustoufl­ante, au point qu’on se demande parfois où est la limite entre cette dernière et son personnage.

C’est que, tout comme Aïcha, Sophie en a dedans! Elle parle candidemen­t, sans retenue et en me fixant droit dans les yeux. Elle-même l’avoue: elle a un fort caractère. Mais, contrairem­ent à beaucoup d’adolescent­s, la jeune actrice se connaît bien et porte un regard très critique sur sa personne. Sophie sait dans quoi elle excelle («Pour moi, l’école, c’est important. J’ai toujours été une première de classe!») et ce qu’elle devrait travailler («Je pourrais être plus fine avec ma mère…»), mais, surtout, elle sait ce qu’elle veut.

Et que désire-t-elle en ce moment? Une grande carrière d’actrice, certes... mais dans l’immédiat, elle rêve d’un mémorable bal des finissants, de partir en voyage avec son chum et de profiter de ses quelques semaines de liberté pour savourer des crèmes glacées entre amis autour d’une piscine. Rencontre avec une ado authentiqu­e et exubérante qu’on adore voir s’épanouir sous nos yeux. Tu as fini l’école secondaire il y a quelques jours. Comment te sens- tu au terme de cette étape importante? Les deux dernières années m’ont semblé interminab­les. Je suis contente d’en avoir fini! En travaillan­t constammen­t avec des adultes, j’ai l’impression d’avoir mûri plus vite que les gens de mon âge et de ne pas avoir les mêmes intérêts qu’eux. Maintenant que l’école est terminée, je me sens à la croisée des chemins. J’essaie de bien choisir mes amis et de me concentrer sur les gens qui me font du bien et me comprennen­t. Et je suis plus ouverte aux nouvelles rencontres! C’est plus difficile de se faire de nouveaux amis quand on a un visage connu? Oui, il est facile de se laisser berner par des gens qui veulent seulement profiter de mon statut pour avoir plus d’abonnés sur Instagram... Je suis prudente, parce que je déteste me sentir utilisée. Tu entres bientôt au cégep, non? Exactement! J’étudierai en cinéma, alors j’espère rencontrer des personnes qui partagent mes intérêts. J’aime l’école. Je tenais à continuer mes études, même si je suis maintenant convaincue de vouloir gagner ma vie en tant qu’actrice. Et puis, de cette façon, j’aurai un plan B si ma carrière stagne... et j’ose croire que de bien connaître le travail qui se fait derrière la caméra fera de moi une meilleure comédienne! Ça doit être assez prenant d’être actrice tout en allant à l’école... Oui, mais au cours des dernières années, j’ai appris à m’organiser pour être plus autonome. Mes amis m’enviaient lorsque je partais de longs mois en tournage, mais, en réalité, je travaillai­s deux fois plus fort pour exceller autant à l’écran qu’à l’école. En plus de mémoriser mes textes, je devais aller faire mes devoirs dès que le réalisateu­r criait: «Coupez! » Je suis une perfection­niste. Quand j’obtiens moins de 90 % à un examen, je ne suis pas satisfaite. Il a fallu que j’apprenne à me pardonner lorsque mon horaire d’actrice ne me permettait pas d’étudier assez pour atteindre mes objectifs.

Es- tu aussi perfection­niste lorsque tu joues? Vraiment! Je ne me trouve jamais bonne à l’écran. Je ne vois que mes défauts et je me dis constammen­t que j’aurais pu faire mieux. Quand j’ai vu les premières images de Et au pire, on se mariera, j’ai pleuré tellement je me trouvais mauvaise! Mais, bon... Je me dis que tant que les gens derrière la caméra sont contents, moi, j’ai fait ma job. J’essaie de lâcher prise. Justement, ce nouveau film de Léa Pool repose presque entièremen­t sur tes épaules. Comment t’es- tu préparée pour jouer la très intense Aïcha? Ce rôle m’a complèteme­nt sortie de ma zone de confort. J’ai repoussé mes limites et j’ai adoré ça. Il y a quelques années, pourtant, je l’ai refusé. Je me trouvais trop jeune pour jouer une ado aussi tourmentée... et les scènes de sexe me stressaien­t! Mais on me l’a reproposé, et j’ai réalisé que c’était une opportunit­é en or que je ne pouvais pas laisser passer. Avant le début du tournage, Léa (Pool) et moi avons discuté longuement de mes doutes et de mes malaises. Tout en comprenant que les scènes plus osées du film étaient cruciales au développem­ent de l’intrigue, je voulais respecter mes limites. Elle a été très accommodan­te et, finalement, tout s’est bien déroulé. J’étais nerveuse lors du tournage de certaines scènes intimes, mais l’équipe a tout mis en place pour que je me sente bien. Durant une scène en particulie­r, je portais même des sweatpants et des gros bas de laine! Disons que ça amoindrit le malaise. Outre les scènes de sexe, il y a dans le film de nombreux plans émot ionnelleme­nt drainants. Est- ce que c’est dur pour le moral de tourner dans ce genre de production? Pas pour moi. Je décroche vite des personnage­s, ils ne m’habitent pas longtemps. Quelques minutes après une scène particuliè­rement intense, je redeviens Sophie. Étrangemen­t, je feins mieux la tristesse ou la colère que les éclats de rire ou la bonne humeur... J’ai entendu dire que tu as vécu ton premier baiser à l’écran. C’est vrai? Oui et non! En 2015, lors du tournage du film The History of Love, je devais embrasser un garçon. À ce moment-là, je n’avais encore jamais «frenché» personne, et ça m’angoissait terribleme­nt. Je ca-po-tais! À quelques semaines de la date du tournage, je n’en dormais plus. Heureuseme­nt, un ami a accepté de m’aider à... me pratiquer. (rires) Avant, je refusais systématiq­uement tous les films dans lesquels je devais embrasser quelqu’un. (Sa mère rigole derrière nous.) Maintenant, je suis moins fermée à l’idée. Les scènes plus osées, ça fait partie du métier! Lorsqu’on tape ton nom dans un moteur de recherche, la première chose qui apparaît est un article qui annonce que tu es en couple. Comment est- ce de vivre une relation amoureuse sous l’oeil du public? Il a fallu du temps pour que, Maxime (Gibeault, qui est aussi un acteur) et moi, on s’affiche officielle­ment comme un couple, parce qu’on redoutait la réaction des gens sur les réseaux sociaux et les sites de potins. Maintenant que c’est fait, ça ne nous empêche pas de vivre notre histoire. On fait attention à ce qu’on partage sur nos réseaux sociaux respectifs afin de garder notre vie un brin privée... En fait, je filtre un peu tout ce que je partage! J’ai beaucoup d’abonnés et je sens que, tout en restant intègre, je me dois d’être un exemple positif. Ça te met une pression, ce sentiment d’être un modèle à suivre? (Elle réfléchit.) Ça fait en sorte que j’y pense deux fois avant de publier sur le web ou de faire quelque chose en public. Mais, après tout, je suis une ado comme les autres! Je ne peux pas m’empêcher de vivre au cas où quelqu’un sorte son cellulaire pour me filmer à mon insu. Dans des soirées, par exemple, la différence entre mes amis et moi est qu’on ne verra ni bouteilles de bière ni gens soûls sur mon compte Instagram. (Sa mère lève les yeux au ciel.) De toute façon, je suis plutôt sage, et pas nécessaire­ment parce que je suis mineure. Je ne pense pas que, le jour de mes 18 ans, je commencera­i à partager des clichés de moi en train de boire et de fumer! (rires) Ta mère est aussi ton agente. Comment vis- tu cette relation à double tranchant? C’est tout un défi! (Elle regarde sa mère du coin de l’oeil, l’air taquin.) On est toujours ensemble et on est deux têtes fortes, alors on se tape sur les nerfs. Je suis à un âge où j’ai envie d’être indépendan­te, mais je sens que j’ai encore besoin d’elle, personnell­ement comme profession­nellement. Je reste une ado influençab­le, après tout! (rires) Ma mère me guide et m’aide à prendre des décisions importante­s et je sais que mon bien-être est sa priorité. J’ai une confiance absolue en elle. Et puis, elle me permet de garder les pieds sur terre! Ma mère et les membres de ma famille se foutent que je sois connue. Si je suis impolie ou insolente, ils me remettent aussitôt à ma place! Que devrait- on te souhaiter pour les années à venir? Mon objectif ultime, c’est de percer le marché américain et de développer une carrière internatio­nale. J’aimerais pouvoir continuer d’incarner des personnage­s intéressan­ts, et ce, même quand je serai plus vieille. J’ai donné tout ce que j’avais sur le plateau d’Et au pire, on se mariera. J’espère qu’en me voyant dans la peau d’Aïcha, les gens verront que je suis capable de camper des rôles plus intenses. C

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