Ma maison
Lorsque mes parents m’ont appelée Julie en 1984, ils ne se doutaient pas qu’ils étaient, comme la grande majorité des parents au moment de la naissance de leur enfant, en plein dans l’air du temps. Ils ont été témoins de mes premiers pas et ont apaisé mes premières coliques sans se douter que je ferais mon entrée à l’école, quelques années plus tard, aux côtés de trois autres Julie et de multiples Stéphanie, Maxime et Jonathan. Ainsi s’appelaient légion de petits Québécois nés dans les années 1980...
D’ailleurs, je m’étonne encore de l’homogénéité du quartier montréalais dans lequel j’ai grandi. Malgré mon prénom archi commun, j’avais quasiment l’air exotique, avec mon nom de famille allemand, et je ne compte plus le nombre de fois où l’on m’a demandé d’en préciser la prononciation. (Un peu difficile à écrire phonétiquement, mais dans sa version francisée, je privilégie quelque chose comme «bu-ching-guerre».)
Je suis très fière de mes origines allemandes, mais pas moins fière de mes racines québécoises – j’ai grandi ici et mon français reflète l’accent chantant, aux mille sonorités, de la belle province. Et de toute façon, le sentiment d’appartenance ne repose pas seulement sur l’accent, l’origine, le nom ou la couleur de la peau. Prenez notre cover-girl du mois, Mariana Mazza: elle incarne la diversité de notre culture et la richesse de nos talents.
«On n’est jamais aussi bien que chez soi.» Qu’est-ce qui fait d’un pays, d’une ville, ou d’un simple lieu notre maison? On dit que les jeunes saumons, une fois prêts à migrer vers les eaux salées de la mer, mémorisent le goût et l’odeur de la rivière dans laquelle ils sont nés et ont grandi. Le moment venu, ces braves poissons parcourent des milliers de kilomètres, parfois à contrecourant, pour retourner s’y reproduire. C’est fascinant. N’est-ce pas que l’odeur d’un endroit familier, où l’on a été heureux, ne trompe pas?
Vous me direz que j’anthropomorphise le saumon (c’est bien vrai), mais l’idée me plait: ma maison, celle vers laquelle je reviendrais intuitivement, a l’odeur de la neige qui tombe sur le fleuve Saint-Laurent, de la rue SainteCatherine au printemps et de la grève de Saint-Joachim, à l’automne, lorsque les oies descendent vers le sud.
Pour toutes celles qui partagent notre attachement au Québec, nous avons conçu ce numéro, qui fait la part belle à la province, en proposant des produits mode et déco d’ici, des portraits inspirants de créateurs et entrepreneurs locaux, sans oublier un reportage qui met en lumière des femmes ayant marqué notre histoire.
Bonne lecture!