Fugues

Tatouage par tatouage

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Guerre du Golfe

Un autre tatouage retient mon attention sur la peau de Ron : le prénom Bethany. « C’est le nom de ma fille », s’empresse-t-il de préciser. Comme bien d’autres comme lui, Ron a aussi un passé hétérosexu­el. C’est dans les cours de soins esthétique­s et capillaire­s donnés par ma mère que Ron rencontre celle qui allait devenir sa femme. « Quand elle est tombée enceinte, on a dû se marier, car je viens d’une famille très catholique et il n’était pas question que j’aie un enfant hors mariage. » Bébé Bethany est arrivée en 1987.

C’est aussi dans les mêmes années que Ron s’inscrit dans la réserve militaire aux États-Unis. Le conflit avec l’Iraq bat son plein, c’est la guerre du Golfe. Ron est appelé à participé à l’opération Bouclier du désert (Desert Shield) suivi, peu de temps après, par la Tempête du désert (Desert Storm). Après quelques mois au Moyen-Orient, Ron retrouve sa petite famille. « À mon retour, la relation avec ma femme s’est détériorée. Je suis parti. »

Il quitte aussi la US Navy et tourne la page sur ce chapitre de sa vie. Même le tatouage qu’il s’était fait en entrant dans la marine américaine, une ancre de bateau, est maintenant caché par un autre tatouage. Mais le mot Bethany, lui, reste gravé à jamais sur sa peau et dans sa mémoire, malgré le décès rapide et imprévu de sa fille d’un cancer fulgurant, en 2014. « Son nom est tatoué sur moi pour que je puisse le voir tous les jours. »

Dans la peau

Ses autres tatouages sont autant d’histoires de la vie de Ron. Ici, des vagues bleues et vertes lui rappellent ses années passées près de la mer à Virginia Beach et à Norfolk, en Virginie. Plus loin, des flammes ont été gravées sur sa peau en l’honneur de toutes ces années à conduire des motos Harley Davidson. Sur la main droite, un loup : « Dans la communauté gaie, je m’identifie plus au wolf qu’à un bear. » Et sur sa jambe, un personnage de l’artiste québécois Patrick Fillion qui se spécialise dans les dessins érotiques gais. « J’ai choisi de me faire tatouer Deimos, un gars hyper musclé et, disons-le, très bien membré! Le tatouage n’est pas encore complété, mais c’est certain que vous ne pouvez pas le manquer, à la condition que je vous laisse voir ma cuisse! »

Le Québec est aussi tatoué sur le corps de Ron. Bien en vue sur sa poitrine, la fleur de lys s’affiche fièrement. Plus discrète est la grenouille qu’il s’est fait tatouer quelque temps auparavant : « C’était pour me rappeler de mon premier chum québécois que j’ai fréquenté pendant quelques mois. On m’avait dit que le surnom d’un Canadien-français, c’était un frog, alors…!» Depuis, Ron a rencontré un autre Québécois, Louis-François, avec qui il s’est marié à Washington, en novembre 2014. Cette année-là, 2014, restera marquée à jamais dans la vie de Ron. C’est l’année de son divorce, du décès de sa fille, de ses ennuis financiers et de son déménageme­nt au Québec. « C’est fascinant de voir à quel point ma vie a changé rapidement dernièreme­nt! » Il reste encore de nombreux endroits non tatoués sur la peau de Ron. D’autres histoires suivront, c’est certain.

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BRUNETTE PATRICK

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