Fugues

Controvers­e

- PATRICK BRUNETTE

Et ton père, comment il a pris ça?

Je ne le sais pas. Mes parents m’aiment inconditio­nnellement comme bien des parents parents, je pense pense. Ce qu’ils pensent vraiment, pour nous protéger, on ne le saura peut-être jamais. Je ne m’aventurera­i pas à entrer dans sa tête. Il m’a toujours aimé et m’a toujours supporté.

Je suis curieux : leur as-tu fait lire ton manuscrit avant de le publier? Oui. D’ailleurs, mes parents, comme mon chum, ne voulaient pas que j’expose ça sur la place publique. Ils disaient : « les autres font pas ça, pourquoi tu le ferais? » Eux ont peur d’être victimes de représaill­es, j’imagine. Ou ils ont peur pour moi, que je me fasse attaquer. Au Québec, on a de la difficulté avec la polémique. On n’est pas en France où c’est institutio­nnalisé et où c’est normal de débattre. Ici, il faut penser pareil car on n’aime pas la chicane.

Dans ton livre, tu écris « gay » en anglais? Pourquoi? Parce que « gai » en français, ça peut avoir une double significat­ion. Alors que lorsqu’on écrit « gay » avec un « y », c’est clair de quoi on parle. En France, ils utilisent le terme « gay ». ••• Dans la dédicace de son livre, quatre prénoms masculins : Hugo (son « premier chum sérieux » quand il était à l’université), Robbi (un Juif rencontré en Irak), Mark (un gars de la Colombie-Britanniqu­e) et François, son chum depuis six ans. Éric me demande de ne pas dévoiler son nom complet ni son métier.

Tu me disais que ton chum, François, t’a aussi demandé de ne pas publier cet essai. Ça a dû amener de bonnes discussion­s de couple? C’est sûr que ça a amené des discussion­s. Mais j’aurais pas publié mon livre s’il ne m’avait pas donné le GO. Un autre exemple : mon chum ne veut pas que je fasse de politique, alors je ne ferai jamais de politique, ça c’est clair!

La partie de ton livre qui m’a le plus fait sourire, ce sont les pages où tu décris avec minutie le fonctionne­ment d’un sauna gai. On dirait un guide pratique, un « Sauna pour les nuls »! Je voulais faire un chapitre historique. J’avais écrit quelque chose sur le mouvement gai au Québec mais je trouvais ça plate à lire. Alors je me suis dit que j’étais pour regarder l’évolution du mouvement gai au Québec à travers les yeux d’Yvon Pépin, ex-propriétai­re de bars gais à Québec et aussi du sauna Hippocampe. C’est mon chapitre qui s’appelle « de marginal à normal ». M. Pépin a vécu toute l’évolution des 50 dernières années. Quand j’ai fait lire le livre à mes amis straights, ils ne comprenaie­nt pas c’était quoi un sauna gai, n’ayant jamais mis les pieds làdedans. Tu spécifies dans ton livre que t’as jamais mis les pieds dans un sauna! Donc, se faire expliquer comment ça marche par quelqu’un qui n’est jamais allé, c’est un peu étrange… Je suis allé visiter les locaux physiqueme­nt car je représenta­is M. Pépin, alors propriétai­re du sauna, dans un litige qui l’opposait à la ville de Québec. Je l’ai vu le sauna, mais pas pour aller baiser. (…) À Québec pour les gais, M. Pépin (qui a maintenant plus de 80 ans) n’est pas très connu, mais c’est quand même l’homme le plus important. Lui, il a vraiment été un pionnier. Il ouvrait des bars alors que les gars avaient pas le droit de se toucher sur le plancher de danse et que les policiers surveillai­ent ça.

M. Pépin a fait avancer des choses au Québec à sa façon. Y en a-t-il d’autres? Quand je nomme dans mon livre Daniel Pinard, Dany Turcotte et Michel Girouard, je dis qu’ils ont fait avancer, à leur façon, les mentalités au Québec. Pis ils le prennent mal. Mon livre ne les trashe pas, ils se sentent attaqués. Je dis qu’ils ont contribué à l’avancement des droits, mais je veux juste pas être dans leurs souliers.

Encore dans ton livre, tu critiques les porteparol­es de la communauté qui parlent publiqueme­nt de certains enjeux. Tu écris : «On ne m’a pourtant jamais demandé ce que je pense du mariage gay, des toilettes pour trans ou de l’adoption chez les conjoints de même sexe ». Moi je vais te le demander ! Que penses-tu du mariage gai? J’ai rien contre. C’est un choix.

C’était correct de changer la loi pour mettre le mariage gai et l’adoption? Oui, c’est réglé. Oui, c’est une avancée.

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T’as déjà pensé avoir des enfants? J’y ai pensé. Mais je suis rendu trop vieux. J’en avais parlé, juste avant ma quarantain­e, avec mon chum de l’époque. Parce que pour moi, 40 ans, c’était ma barrière psychologi­que. Mais mon ex conjoint n’en voulait pas.

Et tu penses quoi des toilettes pour les trans? Je suis contre. Je comprends pas! Je pensais que les trans voulaient être acceptés comme des femmes ou des hommes à part entière et là, ils veulent se marginalis­er pour une troisième toilette. Je comprends pas la logique.

Le monde est moins binaire que tu sembles le concevoir… À ce moment-là, faisons des toilettes unisexes comme dans nos maisons!

J’ai l’impression que tu minimises le travail des activistes, du mouvement gai, en lisant ton essai. Quand j’écris dans mon livre que j’étais dans un parti ultraconse­rvateur avec Stockwell Day et la droite religieuse, je pense que j’ai fait avancer les droits des gais plus que les activistes activistes. Si tu parlais à Stockwell Day aujourd’hui, il te le dirait. À l’ADQ, c’était un parti de droite et c’est moi qui écrivais les politiques làdessus et j’ai fait avancer mes idées beaucoup. Pas mal plus que si j’avais été à Québec Solidaire, parce qu’ils auraient pas eu besoin de moi pour faire avancer ces idées-là eux-autres.

Donc, on devrait te remercier pour les avancées en matière de droits des gais? Non, t’as pas à me dire merci. Je cherche pas à avoir des louanges. Je te dis juste que moi, quand j’arrivais avec mon chum à la résidence officielle du chef de l’opposition pour une réception ou n’importe quoi, je le présentais comme mon chum. On faisait pas de manifestat­ion. En fait, les activistes gais étaient toujours contre nous autres. Moi ce dont je me rends compte et encore aujourd’hui avec la réaction du lobby gai, c’est que pour des activistes, l’homosexual­ité, c’est une idéologie, ce n’est plus une question d’orientatio­n sexuelle. Et moi, j’adhère pas à cette idéologie-là. Sur Fugues.com, vous écrivez que j’aurais pas dû faire ma sortie du placard, que le placard aurait dû rester fermé (lire article « Parfois je me dis qu’il y a des portes de placard qui devraient rester fermées... » de Denis-Daniel Boullé). Connais-tu beaucoup d’organismes gais qui disent à un gai qui fait son coming out de rester dans le placard? Ça va pas à sens contraire du discours officiel depuis un demisiècle du lobby gai? Penses-y! Pensais-tu voir ça un jour qu’un gars gai sorte du placard et que le lobby gai lui tombe dessus alors que ce sont des gars straights de Beauce qui prennent sa défense? Auraistu pensé vivre ça un jour? Ça démontre à quel point le lobby gai est déconnecté! Les gens qui m’ont défendu sont ceux qui, normalemen­t sur ces enjeuxlà, ne défendent pas les gais et ceux qui m’attaquent sont ceux qui normalemen­t les défendent.

Es-tu en train de me dire que t’es une victime du lobby gai ? Ben non je ne suis pas une victime. Je le savais dans quoi je m’embarquais en publiant ce livre! ••• La tempête Duhaime a frappé le Québec le 20 mars provoquant quelques sorties de route et des dérapages. Pendant quelques journées, ça virevoltai­t de tout bord, de tout côté. Mais les tempêtes de neige qui nous tombent dessus au printemps s’effacent rapidement et laissent peu de trace. Que retiendron­snous de la tempête Duhaime une fois l’été arrivé?

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