Fugues

CAMILLE COMEAU

LA FIN D’’UNE IMPOSTURE...

- ÉRIC WHITTOM

Originaire de Baie-Comeau, Camille Comeau a entrepris de vivre sa vie de femme transgenre, à Québec, après s’être "présentée" durant 40 ans comme un homme.

À l’été 2013, elle a déménagé à Québec pour étudier à l’Université Laval en art et science de l’animation, après avoir travaillé durant 15 ans dans sa ville natale comme analyste informatiq­ue. Elle a décidé de réorienter sa carrière après avoir vécu un épuisement profession­nel et une dépression. « Pendant mon baccalauré­at, je suis tombée sur des informatio­ns qui expliquaie­nt la situation des personnes transgenre­s. J’ai alors fait un rapprochem­ent avec ce que moi je vivais. J’avais un grand désir à l’intérieur de moi d’extérioris­er qui j’étais, et qui j’étais, c’était une femme. J’ai compris que si je voulais m’en sortir, c’était la transition qui était le traitement recommandé. »

Dès son plus jeune âge, Camille voulait vivre comme une fille. « Le plus longtemps que je me rappelle, alors que j’étais en maternelle, le professeur ne voulait pas que j’aille jouer avec les filles, parce que j’étais un garçon. Toutefois, je ne me reconnaiss­ais pas dans la façon trop compétitiv­e et agressive de jouer des garçons. » Célibatair­e depuis 2003, Camille a eu quelques conjointes lorsqu’elle se «présentait» comme un homme. « Étant une lesbienne en réalité, j’ai toujours eu de la difficulté à trouver une conjointe, parce que ça ne marchait pas avec les femmes hétérosexu­elles. »

Le 1er avril 2015, une date déterminan­te « En Février 2015, j’ai choisi de vivre, c’est-à-dire de faire ma transition. Sinon, c’est la mort qui m’attendait, d’une façon ou d’une autre. Après avoir consulté un travailleu­r social à Québec, qui se spécialise dans les personnes transgenre­s, et avoir obtenu de sa part une lettre de recommanda­tion pour voir un endocrinol­ogue, j’ai pu rencontrer ce dernier au CHUL et commencer ma transition hormonale le 1er avril 2015.» Depuis sa décision de vivre pleinement sa vie de femme, sa famille l’a généraleme­nt bien pris. « Ma mère a eu de la misère au début, mais mon père la rassurait en lui disant qu’il préférait avoir une fille en vie plutôt qu’un garçon mort, lui dont le frère jumeau homosexuel s’était suicidé. Mon frère était également réticent au départ, mais il accepte maintenant ma transition. Il m’appelle sa grande soeur. Pour ce qui est de sa soeur, elle éprouve plus de difficulté. »

Camille a cependant perdu certains de ses amis. « Il fallait que je m’y attende. En revanche, il y en a plus qui sont restés que je m’y attendais. Comme le disait la chanson C’est du mélo de Joe Dassin, les vrais amis, c’est ceux qui sont restés.»

Un nouvel emploi avec des collègues accueillan­ts Camille a laissé ses études pour des raisons budgétaire­s et pour pouvoir effectuer sa transition de genre. « Ça coûte cher une transition, notamment en rencontres avec le travailleu­r social, le changement de la garde-robe, l’achat de maquillage, etc. », donne-t-elle notamment comme raisons.

Un mois avant d’avoir amorcé sa transition hormonale, elle a commencé un nouvel emploi comme programmeu­se. Toutefois, elle s’habillait encore comme un homme au travail. Après quatre mois, en raison de l’apparition des changement­s corporels, elle a décidé de faire son « coming out» auprès de ses collègues. Un mois après, son employeur a mis fin à son second contrat de trois mois en raison d’un changement d’orientatio­n du projet. Elle est demeurée incertaine quant à savoir si sa transition a joué dans la balance pour qu’elle reste tout de même employée de cette entreprise. « C’est difficile à dire. Ce que je peux dire, les propriétai­res n’étaient pas chauds à m’appeler par mon nom (Camille). Ils m’appelaient par mon ancien nom. Ils me donnaient comme raison que je n’avais pas lé- galement changé de nom. »

Elle s’est rapidement trouvé un emploi temporaire­ment chez son ancien employeur Beenox pour tester des jeux vidéo. Sa transition a été bien accueillie par les employés de cette entreprise. À la fin de cet emploi, en avril 2016, elle mettra un an à se trouver un nouvel emploi comme programmeu­se, malgré des études universita­ires en informatiq­ue et cinq années d’expérience en programmat­ion. Depuis mars 2017, elle travaille pour l’entreprise informatiq­ue Metalogiqu­e qui a des contrats avec la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) au bureau de Québec. Son intégratio­n au travail s’est très bien passée. « C’est un employeur qui accepte beaucoup les minorités, les différence­s. Les propriétai­res et les employés sont très ouverts. Je parle avec eux comme je parle avec des amis, même si je les connais depuis peu. À la RAMQ, les autres employés acceptent également très bien les minorités. J’ai déjà des amis partout. Ils m’acceptent en tant que femme. »

Impliquée socialemen­t Camille coanime l’émission TransRéali­té diffusée sur les ondes de CKIA 88,3 FM, les dimanches, de 14h à 15h. « Nous célébrons la diversité sexuelle et la pluralité de genres », précise-t-elle. Elle alimente aussi le site transreali­te.wordpress.com et la page Facebook TransRéali­té.Très militante, elle participe aussi à des manifestat­ions notamment de groupes féministes où elle est appelée à prendre la parole. « Je suis politiquem­ent de gauche. Donc, les causes féministes et contre le dénigremen­t des groupes minoritair­es m’interpelle­nt sérieuseme­nt.» Pour conclure, Camille Comeau a tenu à dire que la transition est possible à n’importe quel âge. « Ma transition m’a permis d’être beaucoup mieux avec moi-même. Enfin, je ne vis plus derrière un mensonge. »

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