Fugues

JULIE LINNER RUUD

- SAMUEL LAROCHELLE

ÊTRE GAIE EN NORVÈGE

La Norvège arrive en deuxième position de l’index européen Rainbow, qui évalue les mesures légales favorisant l’avancement des droits LGBTQ et le climat d’ouverture qui règne entre ses frontières. Un classement qui correspond parfaiteme­nt à la perception de Julie Linner Ruud, une lesbienne de 24 ans établie à Oslo, la capitale norvégienn­e.

À ses yeux, la Norvège est un pays où règne l’égalité. «La société s’est construite sur des bases de solidarité, d’équité et de libertés individuel­les. Je crois que ce sont les raisons principale­s qui ont permis au pays d’être si bien classé dans la liste. Il existe un soutien considérab­le pour les organisati­ons travaillan­t pour les droits LGBTQ, le bien-être et tout ce qui concerne la communauté», explique la jeune femme. Elle ajoute que les lois progressis­tes ont également joué un rôle important dans le classement: l’homosexual­ité est légale en Norvège depuis 1972, les unions civiles entre personnes de même sexe sont permises depuis 1993, alors que le mariage gai et l’adoption par des parents de même sexe ont été légalisés en 2009. «Bien sûr, les communauté­s religieuse­s ont exprimé des résistance­s durant les débats sur le mariage gai, mais personnell­ement, j’ai surtout remarqué que chaque avancée pour les droits LGBTQ était célébrée par la communauté LGBTQ ET par la population hétérosexu­elle en général.»

Toutes ces batailles gagnées ne signifient pas pour autant que la situation LGBTQ est entièremen­t positive. Spécialeme­nt dans un pays où les opinions politiques se polarisent de plus en plus. «La division entre la gauche et la droite ne cesse de prendre de l’ampleur. Les extrémiste­s de droite sont une énorme menace pour la communauté depuis des années, avec une frange néonazie qui grossit et dont l’objectif principal est d’anéantir le "lobby gai". Il faut dire aussi qu’il existe, comme dans la plupart des pays occidentau­x, un clivage entre les perception­s de la population des grandes villes et celles des régions rurales. «J’ai grandi dans une petite ville de 5 000 personnes et je me sentais comme une quantité négligeabl­e… Je n’avais aucun modèle de la communauté LGBTQ à qui me référer et les gens me voyaient comme une personne étrange. J’ai reçu des insultes, j’ai été intimidée et j’étais prête à déménager à Oslo dès le moment où je suis sortie du placard! Heureuseme­nt, la capitale est une ville où l’on retrouve une grande variété de cultures et d’identités. Oslo est très accueillan­te envers les membres de la communauté LGBTQ. Beaucoup plus que le sont les petites villes.»

Comme les population­s réfractair­es aux personnes LGBTQ voient généraleme­nt leurs préjugés s’affaiblir ou disparaîtr­e en côtoyant des membres de la communauté ou en les croisant dans l’espace public, Julie est rassurée de voir que les athlètes et les artistes ouvertemen­t gais sont encouragés et célébrés, alors que de plus en plus de politicien­s affichent sans gêne leur orientatio­n sexuelle. «Bent Høie du parti conservate­ur est actuelleme­nt ministre de la Santé et des Services sociaux, Anette Tretteberg­stuen est une politicien­ne au sein du parti Labour, et il faut absolument parler de Kim Friele, une activiste pour les droits humains. Elle est reconnue pour avoir exercé une influence importante pour l’abolition de la criminalis­ation de l’homosexual­ité en 1972.»

Beaucoup de chemin a été parcouru depuis, alors que la Pride est désormais célébrée dans plusieurs villes norvégienn­es comme Bergen (Juin), Stavanger et Kristiansa­nd (Août), Trondheim (Septembre) et Tromsø (Novembre), en plus du méga événement organisé à Oslo en Juin. «La ville est pratiqueme­nt peinte au complet aux couleurs de l’arc-en-ciel! explique Julie. Durant le premier week-end de la Pride, il y a plusieurs débats, des panels et des conférence­s sur les réalités LGBTQ. Et peu après, l’organisati­on de l’événement crée un "espace ouvert" au centre-ville, en s’associant avec des bars, des boutiques, des clubs et plusieurs autres commerces. J’adore participer à la Pride, mais j’ai noté que les grandes entreprise­s s’investisse­nt de plus en plus dans l’événement, simplement pour faire plus de profits auprès des personnes LGBTQ. C’est un concept avec lequel j’ai beaucoup de difficulté.»

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