TROIS DÉCENNIES DE MISES EN IMAGES DE NOUS-MÊMES
Du 23 novembre au 3 décembre prochain, le Festival de cinéma LGBTQueer de Montréal Image + Nation présente sa 30e édition, célébrant par le fait même trois décennies de mises en images de nous-mêmes. Discussion autour de la programmation et des enjeux lié
30 ans de cinéma, d’hier à aujourd’hui
« Nous sommes parmi la première vague de festivals de cinéma établis à Montréal et nous sommes toujours là », appuie fièrement d’entrée de jeu Charlie sur la question de la pérennité d’Image + Nation. Celle qui débute à la programmation du festival en 1991, constatera au fil des décennies des changements thématiques et esthétiques quant aux films présentés : «À l’époque c’était pratiquement un cinéma expérimental. Aller voir un film devenait un moment de rassemblent pour tous, afin de se voir à l’écran, le temps d’une projection. Il y avait aussi beaucoup de liberté d’expression, de par la démocratisation de la vidéo. Les films ne suivaient pas nécessairement de formule et étaient tout à fait solides dans ce qu’on appelait à l’époque le cinéma indépendant.» Par ailleurs, il y a eu l’époque où beaucoup de films pornos féminins étaient présentés, se rappelle Charlie: « Les salles étaient pleines, je me souviens de la projection de One Night Stand (Émilie Jouvet), on ne savait plus où mettre le monde, avions dû ouvrir une deuxième salle… C’était le fun de voir les filles participer comme ça!»
Par ailleurs, avec le temps et les changements technologiques, on a vu l’arrivée d’une formule, explique Charlie: « On voit de moins en moins de cinéma off, dans le sens qu’il pose des défis, c’est challenging. Aujourd’hui, je m’ennuie un peu des gens qui prennent des chances pour faire quelque chose de off, mais en même temps nous avons, si l’on veut, un cinéma de plus grande qualité avec l’arrivée du digital et des thématiques toujours plus diversifiées ».
Conséquemment, Charlie mentionne que les thématiques filmiques suivent les courants sociaux et certains films programmés, cette année, n’y font pas exception à commencer par le mariage des couples de même sexe avec la coproduction Puerto Rico/Venezuela, Extra terrestrials (Carla Cavina), les notions ethniques et culturelles avec Signature Move (Jennifer Reeder, États-Unis) et The Wound (John Trengrove) en provenance de l’Afrique du Sud. Du côté documentaire, deux incontournables; Grace Jones: Bloodlight & Bam (Sophie Fiennes, Royaume-Uni) et Chevala (Catherine Gund/Daresha Kyi, États-Unis) sur la chanteuse mexicaine Chevala Vargas, figure de proue de la musique Ranchera. Mentionnons aussi le film d’ouverture Call Me by Your Name (Luca Guadagnino, Italie/France) ainsi que le film de clôture God’s Own Country (Francis Lee) surnommé par certains le « Brokeback Mountain britannique ».
Toujours du côté des films de fiction, Charlie recommande aussi, Alaska is a Drag (Shazz Bennett, États-Unis), Center of my World (Jakob M. Erwa, Allemagne/ Autric
he), Ma vie avec James Dean (Dominique Choisy, France), Nobody’s Watching (Julia Solomonoff, Argentine), puis le film irlandais A Date for Mad Mary (Darren Thornton), sur la notion universelle de l’évolution vers la vie adulte: «Nous sommes gâté(e)s cette année», précise Charlie, alors troquez votre sofa pour les salles de cinéma.
D’hommages et d’événements
Grâce à la collaboration du Consulat Général des États-Unis à Montréal, se tiendra le ProLab qui « en plus de jeter un coup d’oeil sur les 30 ans, a comme objectif d’explorer les nouvelles opportunités d’expression disponibles en 2017 », des séries web, aux médias sociaux, en passant par les jeux vidéos, explique Charlie.
Le festival présentera d’ailleurs le documentaire américain Behind the Curtain: Todrick Hall (Katherine Fairfax Wright), sur ce chanteur et YouTuber afro-américain ayant pavé sa voie/voix en tant qu’homme gai. «Au niveau des divers modes d’expressions, la websérie a été une belle fenêtre pour les femmes, notamment. Sans compter les services tels Netflix et des séries diversifiées, comme Transparent ».
En plus de ProLab, qui sera présenté en formule table ronde afin d’ouvrir la discussion entre participants et professionnels pour susciter la réflexion, mentionnons aussi le programme Queerement Québec, projeté au Centre PHI, un programme créé par Image + Nation, afin de faire valoir les court-métrages produits au Québec « et nous proposons régulièrement ces films à des festivals étrangers alors ça fait voyager notre cinéma. Ça permet à ces voix, des films sublimes, de se faire entendre à travers le monde. »
À savoir qu’Image + Nation est présent de façon annuelle en organisant des projections au Musée des Beaux-Arts, à la Cinémathèque québécoise et au Centre Phi. Une belle occasion d’investir la salle obscure, pour se retrouver au grand écran. «On n’est pas juste gai, dix jours par année!», conclue Charlie. 6 JULIE VAILLANCOURT