JUSQU'AU 11 MARS 2018 , DHC/ART
Gaspard de la nuit
À 27 ans, Lucas Debargue est un pianiste intrigant, et le fait qu’il ait des mains disproportionnées n’arrange rien à l’affaire. Il est anticonformiste, doué, forte tête, sensible, du genre écorché vif. Il n’a rien du virtuose traditionnel; il a commencé à jouer du piano à 11 ans, a délaissé le clavier entre 17 et 20 ans pour bifurquer vers des études de lettres et a repris le piano à fond à 20 ans.
Devenu pianiste professionnel, le talent de Debargue éclate en pleine lumière au Concours Tchaïkovski de Moscou en 2015. En dépit de sa quatrième place, son jeu musclé et intelligent, ainsi qu’un don intensément poétique et lyrique pour le phrasé, lui valurent le prix fort convoité de l’Association des critiques musicaux de Moscou en tant que «pianiste dont le talent, la vision artistique et la liberté créatrice incroyables ont impressionné le public autant que la critique». Il fut le seul musicien, toutes disciplines confondues, à le remporter. Depuis sa notoriété explose et il reçoit des engagements d’un peu partout, en Allemagne, à Seattle, Tokyo, en Chine et évidemment en Russie où il est un habitué. En 2016, il fait paraître coup sur coup deux albums, où se côtoient Bach, Scarlatti, Beethoven, Chopin, Liszt et Ravel. Pourtant il déclare : «C’est pendant les concerts que je travaille le plus.» Il ajoute : «Il n’y a plus “je”, il n’y a plus moi, il n’y plus de différence entre le corps et l’extérieur, on est le son lui-même.»
Choc en perspective pour son passage à Montréal, où vous pourrez remarquer son jeu mid-tempo, rehaussé par des attaques sèches et une douceur inattendue. Lors des récents récitals, on dit qu’il s’est surpassé dans la Polonaise héroïque de Chopin donnée en bis, magnifique de brio. À l’occasion des célébrations de son 10e anniversaire, DHC/ART Fondation pour l’art contemporain présente l’exposition thématique L’OFFRE. L’exposition propose une série d’oeuvres qui s’intéressent au concept complexe de don et aux notions qui lui sont associées telles que l’échange, la réciprocité, la valeur, l’effort, la trace, le rituel, la gratitude, l’altruisme, l’obligation, la générosité et l’attachement.
Les mélomanes montréalais pourront enfin voir le pianiste français Lucas Debargue en récital à la Maison symphonique le 9 décembre prochain. Il interprètera des oeuvres de Scarlatti, Chopin, Fauré et le fameux de Ravel qui l’a rendu célèbre.
Par la pratique séculaire de l’échange, nous sommes confrontés à une gamme d’émotions et de questions qui se complexifient sous l’influence du système dominant de l’économie de marché. La personne qui donne est assaillie par une multitude de questions, notamment: qu’est-ce qu’un cadeau approprié, qu’est-ce qu’un cadeau excessif ou insuffisant, et qu’est-ce qui serait utile au destinataire?
Parmi les oeuvres présentées, notons : de Sonny Assu, qui évoque la cérémonie du potlatch, une composante essentielle de l’identité et des pratiques culturelles des Kwakwaka’wakw, qui a été interdite par le gouvernement canadien de 1884 à 1951; l’installation de Phil Collins qui intègre les photos que des inconnus lui ont fait aprvenir ; de Dora Garcia, consiste en une centaine de copies d’un livre qui documente onze de ses projets de performance récents; pour Simryn Gill demande à ses amis intimes de lui donner leur livre favori. Elle en extrait ensuite les pages et confectionne des perles à partir de celles-ci pour en faire un collier qu’elle rend par la suite à ses donateurs; quant à Sergej Jensen, il utilise de vieux sacs d’argent comme surface picturale, tout en intégrant leurs inscriptions dans ses oeuvres; Lee Mingwei, qui s’intéresse particulièrement aux relations et aux interactions humaines, présente deux oeuvres dans l’exposition: la série photographique qui représente des objets ayant servi de base à un échange particulier et dans laquelle Mingwei utilise la musique comme don transformateur. Dans le fameux livre dont cette exposition tire son cadre théorique, Lewis Hyde étudie en profondeur la notion de don qui, lorsqu’il se traduit dans une oeuvre d’art, peut servir d’«agent de transformation». Quand le don de l’artiste se manifeste, c’est dans cet esprit que s’inscrit L’OFFRE.