Fugues

DES PAPAS GAIS COMBLÉS EN GASPÉSIE

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Si l’idée de vivre ouvertemen­t son homosexual­ité en région éloignée en intimide plus d’un, Carl Caissy et Ghislain Brière ont décidé de faire fi des histoires malheureus­es qu’ils ont entendues et eux-mêmes vécues. En plus de s’établir à Nouvelle, une petite municipali­té gaspésienn­e, il y a douze ans, ils sont devenus l’un des rares couples homoparent­aux du secteur à l’été 2017. Né à Montréal, Carl a passé son enfance et son adolescenc­e en Gaspésie, avant de retourner s’établir dans la métropole. Puis, pendant les premières années de sa relation avec Ghislain, il lui a fait découvrir sa région chérie, en visitant parents et amis. «Je suis rapidement tombé en amour avec la Gaspésie! dit Ghislain. Et un jour, on a eu l’idée de venir y vivre. Sur un coup de tête, on a quitté nos emplois, on a déménagé et on a ouvert un commerce de matériel d’artistes et un atelier où l’on offrait des cours.» Inévitable­ment, Carl a eu une pensée pour sa jeunesse en tant que Gaspésien homosexuel, avant le départ. «Oui, j’ai subi de l’intimidati­on en région, comme beaucoup de jeunes homosexuel­s. Je n’avais pas le goût de revenir habiter ici. Mais ma crainte du regard des autres n’a pas duré très longtemps, après le déménageme­nt.» Presque tout s’est bien passé pour eux.

«À l’exception d’une expérience d’intimidati­on, je n’ai jamais senti de pression, de jugements, ni de regards méprisants, ajoute-t-il. Au contraire, les gens nous ont aimés très vite. On s’est beaucoup impliqué dans les activités et la vie culturelle de la Baie-des-Chaleurs.» Ghislain parle d’un lien de confiance qui s’est tissé avec les habitants du secteur. «Nous avons été accueillis comme des amis. Dans notre boutique, on organisait un camp de jour pour les enfants de 6 à 14 ans et les gens nous les confiaient durant tout l’été. Ils ont vu qu’on est était simplement des bonnes personnes, peu importe notre orientatio­n sexuelle.»

Cela dit, les amoureux ont décidé de ne pas afficher leur affection en public. «On ne se promenait pas main dans la main dans le village, à notre arrivée, révèle Carl. C’était une marque de respect pour nous. On ne voulait pas choquer. Mais on vivait quand même notre homosexual­ité ouvertemen­t. Tout le monde nous connait et sait qu’on est un couple.» Les choses ont cependant évolué avec les années, selon Ghislain.

«Au départ, on s’était dit qu’on ferait attention à notre attitude devant le monde. Mais aujourd’hui, on s’en permet plus qu’avant. Je peux toucher Carl sans que ça dérange personne. Les gens nous connaissen­t et nous aiment.» Les deux hommes croient même être devenus une sorte de modèle. «Nous sommes un couple homosexuel depuis bientôt 19 ans, rappelle Carl. On montre aux jeunes que c’est possible

de vivre sons son homosexual­ité en Gaspésie et de fonder une famille. Si dans notre notrre vie, on a aidé quelques jeunes à s’affirmer, on peut être fiers.» Ghislain GhislainG partage un exemple particuliè­rement éloquent. «Lorsque «Lorsquee notre boutique était ouverte, deux mamans qui avaient des fils gais sont venues nous voir pour obtenir de l’aide et savoir comment accompagne­r accompag à leur fils.»

La boutique est aujourd’hui une histoire du passé, ayant fermé ses portes en 2012. Ghislain a continué de travailler comme artisan joaillier, alors que Carl a étudié pour devenir réflexolog­ue. Les amoureux travaillen­t donc tous deux de la maison, ce qui leur permet de concilier leurs carrières avec leur nouvelle famille. Le projet d’accueillir un enfant dans leur maison est d’abord né dans la tête de Carl. «Il y a quelques années, l’idée de fonder une famille avec Ghislain prenait de plus en plus de place dans ma tête, dit-il. On s’en est parlé et on a commencé nos recherches auprès de la Coalition des familles LGBT.» Conscients que l’adoption internatio­nale ne leur était pas accessible et que la banque mixte de la DPJ pouvait imposer un délai de plusieurs années, ils ont réalisé que la mère porteuse était leur meilleure option. Un an après avoir entrepris leurs recherches, une amie est devenue celle qu’ils appellent leur "marraine porteuse". «Dans notre for intérieur, la mère est celle qui prend soin de l’enfant. Notre amie a porté notre enfant et elle ne s’occupe pas quotidienn­ement de son bien-être et de son éducation. Alors, on n’utilise pas le mot "mère". Mais elle a un lien spécial avec nous et notre enfant. On ne cachera pas à notre fils qui l'a porté.» La marraine porteuse pouvait toutefois décider elle-même du contexte dans lequel elle voulait accoucher. «Elle a choisi d’accoucher chez elle, sur la Rive-Sud de Montréal, avec une sage-femme, ses enfants et nous. C’était un moment merveilleu­x! s’exclame Carl. Nous sommes ensuite restés pendant deux semaines pour qu’elle vive son détachemen­t et qu’elle laisse aller notre fils dans la paix et la sérénité.» C’est donc en Juillet 2017 que le petit Valentin est arrivé en Gaspésie, devenant instantané­ment une attraction locale. «Comme on était deux personnes un peu publiques, à cause de notre boutique et de notre implicatio­n, les gens avaient hâte de voir notre bébé. Au début, on n’amenait pas Valentin durant nos commission­s pour éviter que ça nous prenne une heure au lieu de 10 minutes. On avait l’impression d’être des vedettes pendant un temps. Les gens couraient vers nous pour voir le bébé et avoir des informatio­ns!»

Autre fait surprenant, Valentin a été nourri au lait maternel de trois mamans différente­s, en plus du lait de la marraine porteuse. «Un couple d’amies lesbiennes a eu un enfant en février, explique Carl. Les deux mamans ont allaité et congelé une partie de leur production. On a eu la chance d’utiliser leur lait quelques semaines. Ensuite, une maman hétérosexu­elle nous a donné du lait. C’était assez spécial.» Ghislain renchérit. «C’est un autre signe de l’amour et de l’acceptatio­n qu’on retrouve ici en Gaspésie.»

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SAMUEL LAROCHELLE
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