Fugues

LA BANALISATI­ON DU VIH MÈNE À LA FERMETURE

- ANDRÉ C. PASIOUR

Une rumeur circulait depuis un certain temps à l’effet que la Fondation d’Aide directe Sida-Montréal (FADSM) allait mettre la clé sous la porte. Si la plupart des rumeurs demeurent non fondées, celle-ci était, hélas, bel et bien réelle. Sans aide financière supplément­aire et de dons suffisants, l’organisme créé en 1991 n’était plus apte à continuer ses opérations et la dernière redistribu­tion alimentair­e s’est effectuée à la fin du mois d’août… Le mois d’octobre clôture ainsi plus de deux décennies et demie de redistribu­tion alimentair­e aux personnes séropositi­ves et vivant souvent sous le seuil de la pauvreté. Le local de la rue Panet doit être ainsi vidé alors que les usagers sont redirigés vers d’autres ressources.

Des pâtes, du riz, des denrées non périssable­s, mais aussi de la viande, et d’autres produits alimentair­es ainsi que des produits d’hygiène de base étaient offerts par la Fondation d’Aide directe Sida-Montréal. Avec un généreux panier durant la période des Fêtes. Devant la demande grandissan­te, la FADSM avait élargi sa mission, depuis 2012, pour inclure les personnes infectées par l’hépatite C, et ce, pour la durée de leurs traitement­s. Si la Fondation recevait encore des subvention­s du gouverneme­nt du Québec, il y a longtemps que les fonds fédéraux avaient disparu, de même que plusieurs donateurs.

Chaque année, on perdait 10 000 $, 15 000 $ et même jusqu’à 20000$, explique Claude Langlois, le directeur général de la FADSM depuis trois ans. Le loyer seul coûtait 3 000 $ par mois, alors que les taxes mensuelles s’élevaient à 600 $. Si vous ajoutez à cela les dépenses pour la cuisine, le camion pour aller chercher les dons alimentair­es, tout cela finit par s’accumuler très vite et, à la fin, on ne pouvait plus payer. Tout augmentait sauf les dons. On ne le fait pas de gaieté de coeur, mais c’est la réalité… On n’avait plus le choix que de fermer. »

« C’est triste de voir cela fermer ainsi et c’est regrettabl­e. Vous savez, de nos jours, on ne meurt plus véritablem­ent du VIH, mais on meurt de cancers, de maladies cardiaques ou autres qui sont sans doute reliées au fait que la personne vit avec le VIH-sida depuis des années… Ou alors, ces personnes sont plus affaiblies et ont besoin d’aide et de nourriture, d’où le fait qu’elles venaient à la Fondation », commente Hubert Legault, qui fut bénévole à la Fondation durant plusieurs années.

Lorsque la Fondation a ouvert ses portes, il y avait jusqu’à 2 000 personnes qui y étaient inscrites. Selon le rapport d’activités de 2016, 297 usagers étaient enregistré­s à la FADSM. « Avec les traitement­s, et heureuseme­nt d’ailleurs, les gens vivent mieux et plus longtemps, ils se trouvent un emploi, donc ils ne reviennent plus. Cet été, on ne recevait parfois que sept personnes par jour. Les usagers avaient beaucoup diminué avec le temps ou alors étaient déjà inscrits à d’autres banques alimentair­es », dit Claude Langlois qui a donné 23 ans de sa vie à la Fondation, de bénévole à membre du conseil d’administra­tion et, pour finir, directeur après le départ de Michel Parenteau, le cofondateu­r de la FADSM. « À 56 ans, je dois maintenant me trouver un emploi », rajoute-til tristement.

« Je me rappelle que, dans le temps de Noël, au moins 15 personnes par jour venaient chercher leurs paniers. Je voyais qu’il y avait quand même des gens pour qui la Fondation était nécessaire. Cela fait toujours mal au coeur de voir de telles fermetures », ajoute Hubert Legault, qui est aussi bénévole à ACCM (Sida Bénévole Montréal), au club de nourriture, et qui a été à la Maison du Parc pendant 15 ans. Avec Marie-Ève Delaney, il avait publié Plaisirs de manger, un livre proposant des recettes saines destinées aux personnes séropositi­ves.

« La cause du VIH-sida a été banalisée au même titre qu’une maladie ‘’chronique’’. Collective­ment, on est donc moins sensibilis­é au VIH, il s’agit d’une perte d’intérêt face à cette maladie. Il y a des conséquenc­es à ça, plusieurs des donateurs, qui ont aidé la FADSM pendant dix ans, vont maintenant vers d’autres causes... On perd ainsi d’importants donateurs », de conclure Claude Langlois.

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