LA BANALISATION DU VIH MÈNE À LA FERMETURE
Une rumeur circulait depuis un certain temps à l’effet que la Fondation d’Aide directe Sida-Montréal (FADSM) allait mettre la clé sous la porte. Si la plupart des rumeurs demeurent non fondées, celle-ci était, hélas, bel et bien réelle. Sans aide financière supplémentaire et de dons suffisants, l’organisme créé en 1991 n’était plus apte à continuer ses opérations et la dernière redistribution alimentaire s’est effectuée à la fin du mois d’août… Le mois d’octobre clôture ainsi plus de deux décennies et demie de redistribution alimentaire aux personnes séropositives et vivant souvent sous le seuil de la pauvreté. Le local de la rue Panet doit être ainsi vidé alors que les usagers sont redirigés vers d’autres ressources.
Des pâtes, du riz, des denrées non périssables, mais aussi de la viande, et d’autres produits alimentaires ainsi que des produits d’hygiène de base étaient offerts par la Fondation d’Aide directe Sida-Montréal. Avec un généreux panier durant la période des Fêtes. Devant la demande grandissante, la FADSM avait élargi sa mission, depuis 2012, pour inclure les personnes infectées par l’hépatite C, et ce, pour la durée de leurs traitements. Si la Fondation recevait encore des subventions du gouvernement du Québec, il y a longtemps que les fonds fédéraux avaient disparu, de même que plusieurs donateurs.
Chaque année, on perdait 10 000 $, 15 000 $ et même jusqu’à 20000$, explique Claude Langlois, le directeur général de la FADSM depuis trois ans. Le loyer seul coûtait 3 000 $ par mois, alors que les taxes mensuelles s’élevaient à 600 $. Si vous ajoutez à cela les dépenses pour la cuisine, le camion pour aller chercher les dons alimentaires, tout cela finit par s’accumuler très vite et, à la fin, on ne pouvait plus payer. Tout augmentait sauf les dons. On ne le fait pas de gaieté de coeur, mais c’est la réalité… On n’avait plus le choix que de fermer. »
« C’est triste de voir cela fermer ainsi et c’est regrettable. Vous savez, de nos jours, on ne meurt plus véritablement du VIH, mais on meurt de cancers, de maladies cardiaques ou autres qui sont sans doute reliées au fait que la personne vit avec le VIH-sida depuis des années… Ou alors, ces personnes sont plus affaiblies et ont besoin d’aide et de nourriture, d’où le fait qu’elles venaient à la Fondation », commente Hubert Legault, qui fut bénévole à la Fondation durant plusieurs années.
Lorsque la Fondation a ouvert ses portes, il y avait jusqu’à 2 000 personnes qui y étaient inscrites. Selon le rapport d’activités de 2016, 297 usagers étaient enregistrés à la FADSM. « Avec les traitements, et heureusement d’ailleurs, les gens vivent mieux et plus longtemps, ils se trouvent un emploi, donc ils ne reviennent plus. Cet été, on ne recevait parfois que sept personnes par jour. Les usagers avaient beaucoup diminué avec le temps ou alors étaient déjà inscrits à d’autres banques alimentaires », dit Claude Langlois qui a donné 23 ans de sa vie à la Fondation, de bénévole à membre du conseil d’administration et, pour finir, directeur après le départ de Michel Parenteau, le cofondateur de la FADSM. « À 56 ans, je dois maintenant me trouver un emploi », rajoute-til tristement.
« Je me rappelle que, dans le temps de Noël, au moins 15 personnes par jour venaient chercher leurs paniers. Je voyais qu’il y avait quand même des gens pour qui la Fondation était nécessaire. Cela fait toujours mal au coeur de voir de telles fermetures », ajoute Hubert Legault, qui est aussi bénévole à ACCM (Sida Bénévole Montréal), au club de nourriture, et qui a été à la Maison du Parc pendant 15 ans. Avec Marie-Ève Delaney, il avait publié Plaisirs de manger, un livre proposant des recettes saines destinées aux personnes séropositives.
« La cause du VIH-sida a été banalisée au même titre qu’une maladie ‘’chronique’’. Collectivement, on est donc moins sensibilisé au VIH, il s’agit d’une perte d’intérêt face à cette maladie. Il y a des conséquences à ça, plusieurs des donateurs, qui ont aidé la FADSM pendant dix ans, vont maintenant vers d’autres causes... On perd ainsi d’importants donateurs », de conclure Claude Langlois.