Fugues

C’est comment être gai...

- SAMUEL LAROCHELLE

Le 9 janvier 2018, la Cour internatio­nale de justice et des droits de l’homme (CIJ) a ordonné au gouverneme­nt du Costa Rica de garantir aux couples de même sexe les mêmes droits qu’aux couples hétéros, incluant le droit au mariage. À quatre semaines des présidenti­elles, cette décision a enflammé les électeurs. « Malheureus­ement, le fondamenta­lisme religieux a poussé bien des gens à considérer les candidats qui proclament que la décision de la CIJ va à l’encontre de notre souveraine­té, et ils envisagent même le retrait du Costa Rica de la CIJ, si nécessaire », explique Ricardo.

En décembre dernier, le candidat Fabricio Alvarado traînait en queue de peloton parmi les candidats, mais au moment d’écrire ces lignes, au lendemain du premier tour des présidenti­elles, il figurait parmi les deux meneurs en vue du deuxième tour des élections. Journalist­e, chanteur de musique chrétienne et jusqu’ici député de l’Assemblée législativ­e, il a bondi dans les sondages après s’être exprimé contre les unions de même sexe.

Selon l’issue des élections, la communauté LGBT du Costa Rica concentrer­a ses efforts pour faire reconnaîtr­e officielle­ment la résolution de la CIJ. Ricardo Rodríguez Chaves ajoute qu’une bataille pour le droit à l’adoption des parents de même sexe suivra et qu’un mouvement social dépassant largement les personnes LGBT est en branle. « Nous sommes de plus en plus nombreux à militer pour la laïcité de l’état et l’éducation sexuelle dans les écoles. Il faut absolument qu’on brise plusieurs tabous et qu’on discutent de respect de soi, d’identité sexuelle et de plusieurs sujets dont on ne parle pas assez. Il y a énormément de tabous entourant la sexualité. »

Ceci dit, dans la vie de tous les jours, la situation des personnes LGBT au Costa Rica n’est pas faite que de débats et de difficulté­s. « Dans certains quartiers de la capitale et dans certaines institutio­ns, comme sur les campus universita­ires, les LGBT peuvent démontrer de l’affection en public, sans problème. Cependant, mon partenaire et moi ressentons beaucoup d’insécurité quand nous nous tenons la main dans les transports publics ou dans les centres d’achats, puisqu’on s’expose aux insultes et aux moqueries. À l’inverse, dans mon cercle d’amis et au travail, les gens sont très ouverts d’esprits et je me sens totalement en sécurité. Nos familles sont aussi au courant de notre relation et elles l’acceptent. »

La légalisati­on du mariage gai a également une influence sur certains projets personnels. « Ces jours-ci, j’ai le sentiment d’être victime de discrimina­tion au niveau gouverneme­ntal, souligne Ricardo. Je remplis des papiers pour obtenir une bourse d’études à l’étranger, mais comme je ne suis pas marié à mon partenaire, avec qui je suis en relation stable depuis cinq ans, l’État ne me donne pas accès aux options incluant mon amoureux, parce que ma relation n’est pas reconnue par l’État. » Le gouverneme­nt n’avance pas au rythme souhaité par la communauté LGBT, mais de plus en plus d’entreprise­s locales décident d’accueillir les personnes LGBT, comme en témoignent le développem­ent du tourisme gai et l’existence de plusieurs clubs gay friendly à San José, comme El Trece, Club Venue ou El Teatro

Une certaine aisance accompagne la vie des personnes LGBT au Costa Rica, mais on observe actuelleme­nt de grandes tensions sur la question des droits qu’on leur accorde. Depuis une résolution permettant aux couples gais d’obtenir les mêmes droits que les couples hétéros, un débat déchire plusieurs franges de la population, allant jusqu’à influencer les élections. Ricardo Rodríguez Chaves, un Costaricai­n de 33 ans vivant dans la capitale San José, partage son point de vue de l’intérieur.

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