ÉCHANGE ÉTUDIANT : IL SONT ALLÉS À BEYROUTH... POUR ÉTUDIER
Chaque année, de nombreux étudiants francophones (des français surtout, mais aussi des québécois) choisissent d’effectuer un échange universitaire à Beyrouth, ville francophone, dynamique et festive, mais aussi perçue comme «gay friendly». Une exception au sein d’un monde arabe conservateur, où les homosexuels sont particulièrement persécutés et où des lois punissent de peine de mort les relations dites «contre-nature». Des étudiants homosexuels intéressés par le monde arabe, désireux d’apprendre cette langue et ne voulant pas cacher leur orientation sexuelle racontent leur expérience libanaise.
«J’étais et je suis intéressé homosexuel. par le Parmi monde les arabe, possibilités je voulais au un Moyen-Orient, pays où l’arabe le choix est parlé du Liban s’est imposé à moi», raconte Lorenzo, étudiant en droit. Le jeune homme, qui a passé douze mois à l’Université américaine de Beyrouth, explique que son choix s’est porté sur cette ville car elle représentait «l’endroit le plus sûr pour [lui] dans ce coin du monde. Dans n’importe quel autre pays du monde arabe, j’aurai dû cacher mon homosexualité», témoigne-t-il. Dans la plupart des pays musulmans voisins, l’homosexualité est considérée comme un crime passible d’emprisonnement (jusqu’à 14 ans au Qatar, au Soudan du Sud et en Égypte), voire d’emprisonnement à perpétuité et de peine de mort (au Yémen, au Soudan, aux Émirats Arabes Unis et en Arabie saoudite). Des vagues de répressions envers les LGBT sont souvent dénoncées par les ONG humanitaires dans ces différents pays. En septembre dernier, en Égypte, 76 personnes ont été arrêtées, dont sept pour avoir brandi des drapeaux arc-en-ciel lors d'un concert de Mashrouh Leïla, un groupe libanais dont le chanteur est ouvertement gai. Au ville sein tolérante du monde envers arabe, les homosexuels», le Liban fait figure témoigne d’exception. Lorenzo. «Beyrouth «Personne est une n’a jamais cherché à savoir si j’étais gai à l’université, tout le monde le savait», ajoute-t-il. «Dans les milieux universitaires, c’est considéré comme tout à fait normal, complète Maël, étudiant en commerce qui a lui aussi passé une année à Beyrouth, mais ce n’est pas le cas partout ou dans tous les milieux». Pourquoi ces différences? D'abord, parce que les progrès sur le plan juridique se font attendre. L’homosexualité est toujours considérée comme un crime par le Code pénal libanais de 1943, modifié en 2003, qui stipule dans son article 534 que «les relations sexuelles contre nature sont punies d'emprisonnement pour une durée entre un mois et un an, et d'une amende entre 200000 et un million de livres libanaises». Cela dit, grâce au travail des militants et défenseurs des droits LGBT, la société libanaise semble tendre vers plus de tolérance sur ces questions. En 2004, Helem, premier groupe de défense des LGBT du monde arabe, a été lancé dans le pays. En 2013, la société libanaise de psychiatrie a déclaré que trouble l’«homosexualité mental». Par ailleurs, n’était plusieurs pas un décisions juridiques sont venues créer une brèche dans l’article 534: des juges ont refusé de criminaliser l’homosexualité en se fondant sur les dispositions de la constitution qui garantit «l’égalité entre tous les Libanais»; et sur la résolution, non contraignante pour le Liban, du Conseil onusien des droits de l’homme du 17 juin 2011, prévoyant la «lutte contre les atteintes aux personnes sur base de leurs orientations sexuelles». Des décisions qui font jurisprudence. Malgré les difficultés, la communauté gaie s’agrandit depuis l’implantation d’associations LGBT au Liban: à Beyrouth, les bars et les clubs de nuit accueillant une clientèle LGBT se multiplient et font partie du paysage nocturne, au point de devenir un argument touristique pour la ville. Lorenzo et Martin, étudiant en architecture évoquent des clubs gais très connus du centre de Beyrouth, où tout le monde vient faire le party. «L’un des grands bars gais, le Bardo, est aussi l’un des endroits où on mange très bien», raconte Martin. «Il y a une communauté gaie visible et il existe des établissement, des clubs gay-friendly, où on sait que l’on peut aller. Il y a même une clinique pour la santé sexuelle, appelée Marsa, c'est un centre de dépistage quis’adresse plus spécifiquement aux homosexuels», précise Martin . Cette clinique, ouverte en 2011, est située dans le quartier de Hamra et fournit des services médicaux à tous, quels que soient le sexe et l’orientation sexuelle. Les visiteurs restent anonymes et peuvent accéder à des tests VIH gratuits, des consultations médicales et psychologiques. Si des initiatives comme celles-ci invitent à l'optimisme, Lorenzo confie tout de même qu'il «ne s'est jamais promené main dans la main avec [s]on copain libanais dans les rues de Beyrouth…». Une retenue qui n'est d'ailleurs pas exclusivement le fait des couples homosexuels, explique Lorenzo: «Même les couples hétéros ne s’embrassent pas dans la rue, ici, ça ne se fait pas». Maël nuance à son tour : «Quand la nuit est tombée, tu peux quand même t’habillé de manière extravagante, mais certainement pas de jour». Malgré une façade de liberté, les gais sont tout de même forcés de se faire discret, dans une société où le dogme religieux et la famille restent puissants. «Il y a deux mondes, explique Maël. Celui de la classe supérieure, qui a les moyens d’aller dans des endroits un peu luxueux où chacun peut assumer son homosexualité, et, en parallèle, le monde des moins nantis, des personnes issues de familles avec peu d’instruction, très religieuses, au sein desquelles avouer son homosexualité est impossible». Le jeune homme ajoute que «ces deux mondes se rencontrent rarement, sauf sur Grindr.» Les trois jeunes hommes interviewés s’accordent à dire que leur année au Liban était une expérience inoubliable, que les hommes étaient superbes. Lorenzo se dit prêt à retourner à Beyrouth «s’il en a la possibilité, pour y travailler ou y vivre». Martin et Maël ne sont pas aussi enthousiastes. «Y voyager très certainement, mais pas y vivre», explique Martin. «Quand on a les moyens, un très bon salaire, on peut vivre une vie plaisante et aller dans des endroits où assumer son homosexualité est facile», nuance Maël. «Mais il faut accepter de vivre assez discrètement quand on sort de son cercle de connaissances». ROBERT MARTIN