CINÉMA : MARVIN / EXPO DE PAT CANTIN
Né «Marvin Bijou», Martin Clément a toujours été en fuite… Il a fui sa famille, son père tyrannique, sa mère docile et son village. Il tente aussi d’échapper à l’intolérance, au rejet et au harcèlement parce qu’il est considéré comme «différent». Il trouve en la directrice de son école, le soutien qui l’incite à découvrir le théâtre. Il y a aussi Abel Pinto, un modèle de gentillesse, qui encourage Martin à se libérer en racontant son histoire sur scène. Marvin, devenu Martin, risque tout en créant une performance théâtrale très personnelle. Contrairement à ce qu’on avait d’abord annoncé il y a un an, le nouveau film d’anne Fontaine n’est pas l’adaptation littérale du roman à succès d’Eddy Louis mais une source d’inspiration parmi d’autres. La réalisatrice et son coscénariste, Pierre Trividic ont aussi puisé dans l’oeuvre autobiographique d’Annie Ernaux et dans RetouràReims de Didier Eribon. Rappelons que le bouquin de Louis évoquait le parcours douloureux d’un jeune issu d’un milieu pauvre que ses «manières efféminées» avaient transformé en pestiféré aux yeux des autres, en premier lieu à ceux de sa famille. Il y a de cela dans Marvin ou la belle éducation puisque le héros, Marvin Bijou (patronyme aussi clinquant qu’Eddy Bellegueule…), est harcelé à l’école par des homophobes et qu’il ne peut pas s’appuyer sur ses parents, des gens sans éducation, pour se protéger. Les ressemblances entre les deux oeuvres sont évidentes : la description sordide d’un milieu défavorisé, acculturé et brutal; la bienveillance des enseignants; la rémission par l’art… Là où le regard d’Anne Fontaine diffère, c’est dans le traitement. Le livre était chronologique, le film adopte, lui, une structure plus éclatée qui mélange le passé lointain (celui de l’enfance), le passé récent (entourant le départ vers à Paris) et le présent (la préparation d’une pièce de théâtre, mettant en vedette isabelle Huppert sous sa vraie identité). Ce récit d’un jeune homme qui assume son orientation sexuelle et fait le deuil d’un passé douloureux prolonge en outre des élément naguère abordés par la réalisatrice. «J’aime l’idée que des êtres puissent échapper à leur condition, que rien n’est jamais joué, jamais foutu, et qu’il est possible de transformer les obstacles en quelque chose de fort. Cela me guide depuis toujours», déclarait Anne Fontaine en novembre dernier. Marvin est en effet dans la lignée de l’obscur objet du désir incarné par Stanislas Merhar dans Nettoyageàsec. Ses rapports de filiation font écho aux relations compliquées entre Charles Berling et Michel Bouquet dans Comment j’ ai tué mon père. Les comédiens qui interprètent Marvin/Martin — Finnegan Oldfield et le petit Jules Porier — sont incroyables de justesse et donnent au film une mosaïque de sensations et de tonalités. Marvin n’est pas différent, c’est le regard que les autres posent sur lui qui le rendent ainsi. Tout se mêle dans sa tête, l’incompréhension, la culpabilité, le rejet, une envie forcenée d’avancer et de ne pas se laisser écraser par la fatalité. Impressionniste, le montage cherche la vérité du personnage à travers sa multiplicité. Le film prend toute sa force dans le parcours initiatique du jeune protagoniste: lorsqu’une proviseure bienveillante ( Catherine Mouchet) lui permet l’accès à un atelier de théâtre, ou quand un professeur d’art dramatique intransigeant (Vincent Macaigne) lui fait prendre conscience de ses fêlures. Le film trouve une force émotionnelle qui n’est pas sans évoquer le Téchiné de J’embrasse pas ou des Roseauxsauvages, sans que cela ternisse l’originalité d’approche d’Anne Fontaine.
MARVIN OU LA LA BELLE ÉDUCATION, un film d’Anne Fontaine, à l’affiche au Québec à partir du 30 mars