Fugues

PAR ICI MA SORTIE par Denis-Daniel Boullé

- DENIS-DANIEL BOULLÉ ddboulle@fugues.com

À travers ses élus et ses organismes communauta­ires, et même par des actions individuel­les, le Québec et le Canada portent partout où ils le peuvent une parole demandant plus de respect des droits et plus de protection pour les personnes LGBTQ à travers le monde. Une parole, mais aussi des gestes. Beaucoup se demande si cela est suffisant ou si ce n’est pas complèteme­nt inutile compte tenu du peu de poids géopolitiq­ue que le Canada détient pour faire infléchir des politiques contraires aux droits fondamenta­ux de la personne.

Au dernier sommet de la francophon­ie à Madagascar, le premier ministre Justin Trudeau, tout comme les représenta­nt.es du Québec, ont rappelé à tous les pays de la Francophon­ie la nécessité de respecter les libertés et les droits fondamenta­ux de tout individu et de leur assurer la protection, et en particulie­r vis-à-vis des personnes LGBTQ. Les plus hauts élus n’hésitent pas à remettre la question sur le tapis dans toutes les rencontres internatio­nales, multilatér­ales et bilatérale­s avec leurs homologues. Le Québec et le Canada n’exigent rien de plus que ce qui est contenu dans la Déclaratio­n universell­e des droits de l’homme de 1948, où sont définis les libertés et les droits des personnes et du devoir des états de les protéger. Une déclaratio­n signée par 58 pays!

Le Québec a décidé de mettre en place un Réseau internatio­nal francophon­e LGBTQ avec son siège à Montréal. Et bien évidemment d’appeler d’autres pays francophon­es à s’engager. Ce qui est un lourd défi compte tenu du grand nombre d’états qui n’écoutent que d’une oreille distraite quand on leur rappelle le respect des personnes LGBTQ.

On peut aussi souligner le rôle des ambassades du Canada dans leur aide parfois discrète pour que des événements LGBTQ puissent avoir lieu dans des pays où l’homophobie et la transphobi­e sont institutio­nnalisées. Les gens de Fierté Montréal en savent quelque chose, eux qui se sont déplacés dans différents pays pour soutenir des marches de la fierté ou pour rencontrer des militants LGBTQ (Lettonie, Ukraine, Inde, Kenya) et qui ont reçu le soutien des ambassades ou des hauts commissari­ats canadiens. Chaque petit geste compte et des changement­s se produisent, lentement, très progressiv­ement.

Soulignons aussi les tentatives d’organismes communauta­ires d’ici qui tissent des liens privilégié­s avec des groupes émergents à l’étranger. En aidant la mise en place d’un festival de films et de culture LGBTQ en Haïti, Arc-en-Ciel d’Afrique a soulevé un émoi dans la presse locale et chez les politiques haïtiens. Et plus récemment, notre collaborat­eur Richard Burnett qui s’est rendu à l’Île Maurice avec sa mère, pour montrer leur solidarité lors de la marche de la Fierté sur l’île, accompagné par l’homme politique français Jean-Luc Roméro, ont été confrontés physiqueme­nt aux manifestat­ions de groupes hostiles aux LGTQ et au peu de sécurité offerte par les autorités. Ces initiative­s s’inscrivent dans de toutes petites fenêtres ouvertes. D’une part, ni le Canada, ni le Québec, sur l’échiquier géopolitiq­ue n’ont le même poids que d’autres nations. D’autre part, les relations économique­s dans le cadre de la mondialisa­tion prévalent souvent sur la question des droits humains. Sans oublier que des prises de position accompagné­es de pression peuvent produire des effets contraires, avec dans le pays ciblé, une plus grande répression des personnes LGBTQ. Défendre les droits et les li-bertés sur la scène internatio­nale relève actuelleme­nt d’un exercice d’équilibris­te en tenant compte des gouverneme­nts en place et surtout en tenant compte des besoins et des revendicat­ions LGBTQ sur le terrain.

Bien sûr, d’autres pays par le biais d’organismes humanitair­es internatio­naux ou de leurs ambassades aident aussi les groupes LGBTQ qui revendique­nt plus de droits. Mais les opposants dénoncent l’ingérence de pays étrangers sur des questions nationales. Lors du défilé de la fierté du 9 juin dernier à Varsovie, les groupes d’extrême-droite conservate­urs et religieux ont dénoncé non seulement le soutien et l’aide financière de plusieurs ambassades occidental­es, mais aussi ceux de grandes entreprise­s privées comme Google, Microsoft et d’autres.

Si des avancées existent, les opposants aux droits LGBTQ organisent aussi la résistance. On se souvient du déchiremen­t en France autour du mariage pour tous, et actuelleme­nt des reculs pour nos voisins du sud sous le gouverneme­nt de Trump.

Mais ce qui reste le plus évident, ce sont que le Canada et le Québec, non seulement font leur part à l’internatio­nal, mais rappellent aussi partout et en tout temps la nécessité de respecter et protéger toute personne indépendam­ment de son orientatio­n sexuelle ou de son identité de genre. On souhaitera­it que d’autres pays pour qui ses valeurs sont aussi importante­s qu’ici se joignent au duo QuébecCana­da dans le concert des nations pour y former enfin un choeur.

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