Fugues

FOCUS SUR UNE MILITANTE

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Engagée, Julie Duford l’est aussi bien profession­nellement que bénévoleme­nt. Doctorante en sexologie, elle s’intéresse à la question des jeunes LGBTQ2S en situation d’itinérance. En marge de son parcours académique, elle est écoutante à Interligne depuis de nombreuses années et collabore, avec la Coalition montréalai­se des groupes jeunesse LGBT et le Regroupeme­nt des Auberges du coeur du Québec, au développem­ent d’un programme de sensibilis­ation aux réalités des jeunes LGBTQ2S destiné aux profession­nel.le.s du milieu de l’itinérance. Sans surprise, ses choix sont liés aussi à son propre parcours. «Je suis née à Asbestos en Estrie. J’ai quitté les études avant la fin du secondaire et j’ai travaillé en usine pendant six ans. Au primaire comme au secondaire, j’ai vécu beaucoup d’intimidati­on homophobe parce que mon expression de genre n’était pas conforme aux stéréotype­s socialemen­t attendus d’une femme. Ce qui a entraîné l’arrêt précoce de mes études», explique Julie Duford.

À son arrivée à Montréal, elle reprend ses études, d’abord en psychologi­e, puis en anthropolo­gie, avant d’entreprend­re un doctorat en sexologie. «Comme lesbienne, je voulais aussi me rapprocher de ma communauté, et donc je me suis dirigée vers Gai Écoute, aujourd’hui Interligne, où je suis devenue écoutante», continue Julie. Pour se rapprocher de sa commu- nauténauté, nauté, mais aussi réfléchir à ce qu’elle qu’ellequelle pouvait faire pour que des jeunes confronté.es confronté es au rejet puissent recevoir une aide adaptée à leurs besoins. D’où la nécessité de documenter cette réalité.

«Au Canada, les jeunes LGBTQ2S sont 2 à 3 fois plus susceptibl­es de se retrouver en situation d’itinérance que les jeunes hétérosexu­el.le.s et cisgenres», reprend-elle. «Les quelques études qui documenten­t le phénomène rapportent que la majorité des jeunes LGBTQ2S qui utilisent les ressources d’aide en itinérance vivent de l’homophobie et de la transphobi­e à l’intérieur même de ces structures qui se devraient être en tout premier lieu des espaces sécuritair­es», témoigne Julie. «Certains disent même se sentir plus en sécurité dans la rue que dans les ressources. En particulie­r les jeunes trans qui se font refuser l’accès à certaines ressources d’hébergemen­t. Sous prétexte que leur sécurité ne pourra être assuré, on les renvoie à la rue…»

Ce qui pousse ces jeunes à vivre dans la précarité est souvent multifacto­riel. «Plusieurs raisons se conjuguent et amènent les jeunes à fuir leur milieu, quand ce n’est pas la mise à la porte, suite au coming-out, qui les propulse brutalemen­t à la rue. Bien sûr, l’homophobie et la transphobi­e qui se retrouve dans les familles, les écoles et les collectivi­tés sont en cause. Malgré le progrès remarquabl­e des droits LGBT au cours des dernières décennies, les jeunes LGBTQ2S continuent d’en faire l'expérience».

Un manque de services spécifique­s ou adaptés aux besoins particulie­rs de ces jeunes est criant pour plusieurs chercheur.es dont Julie Duford. Le Québec est présenteme­nt en retard sur ce qui se fait ailleurs au Canada. Par exemple, à Toronto, il existe depuis 2016 un hébergemen­t pour jeunes LGBTQ. D’où son objectif avec d’autres collègues, d’ouvrir un hébergemen­t pour les jeunes LGBTQ2S à Montréal, et bien sûr continuer d’outiller et de former les profession­nel.le.s qui travaillen­t en itinérance pour améliorer leurs connaissan­ces et leurs pratiques à l’égard de la diversité sexuelle et de genre. «Il y a une ouverture autant de la part des milieux d’interventi­on que des décideurs et donc les projets sont sur une bonne voie», de commenter Julie Duford.

En travaillan­t comme écoutante à Interligne et en axant son travail sur les jeunes LGBTQ2S, Julie Duford se sent utile. «J’ai enfin le sentiment de pouvoir agir positiveme­nt sur des enjeux qui, dans ma jeunesse, m’ont paralysé de honte.» DENIS-DANIEL BOULLÉ

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