Fugues

WEB COMÉDIE : GROSSE MISCONDUCT

- JULIE VAILLANCOU­RT GROSSE MISCONDUCT www.grossemisc­onduct.com Pour plus d’informatio­ns sur Pooya Mohseni www.pooyaland.com

Grosse Misconduct est une comédie web américaine en 6 épisodes disponible­s gratuiteme­nt sur YouTube. Si les méthodes de distributi­on se diversifie­nt, il en est de même pour les scénarios. Au coeur des personnage­s évoluant au sein de cette agence de pub, Alicia, une trans, est incarnée par l’actrice d’origine iranienne Pooya Mohseni qui ne fait pas de compromis sur son identité. Alors que la deuxième saison est présenteme­nt en processus d’écriture, nous nous sommes entretenus avec Pooya Mohseni, actrice et activiste, pour discuter du métier, ses identités et son militantis­me. Dans le premier épisode de GrosseMisc­onduct, votre patron dit clairement que vous êtes une «femme transgenre», à la surprise d’un de vos collègues. Avez-vous déjà vécu ce genre de situation dans la vraie vie?

Il y a de nombreuses années, alors que je venais de faire ma transition, le directeur artistique de la troupe de théâtre à laquelle je participai­s au Fashion Institute of Technology, avait révélé mon statut à un autre acteur pour s'assurer qu'il accepterai­t de faire une scène avec une femme trans. L’acteur était totalement d'accord avec ça, mais je n’ai pas apprécié que le directeur fasse cela à mon insu ou sans ma permission, comme si j'étais moins importante que l'autre acteur et que mes sentiments étaient moins valables. Je n'ai jamais oublié cette situation et comment mon statut de femme trans a été mis dans une position inférieure à celui d'un homme cis.

En acceptant le rôle d'Alicia, aviez-vous peur d’être étiquetée comme actrice trans? De nos jours, il y a cette discussion dans l'industrie (du moins au Québec) que les acteurs LGBT devraient assumer des rôles LGBT (à la place des acteurs hétérosexu­els), et ainsi de suite. En tant qu'actrice, quel est votre point de vue?

Au moment où j’ai signé pour le rôle d’Alicia, j'étais totalement ouverte du fait d’être trans, sans oublier mon militantis­me pour ma communauté, donc s'il y avait un étiquetage, il y était déjà. Je n'étais donc pas inquiète, pour mon image, de jouer un personnage transgenre. De plus, je crois fermement que je suis fidèle à qui je suis, peu importe le coût, alors j'ai embrassé le personnage d’Alicia et tout ce qui venait avec. Bien que je pense que chaque acteur devrait être autorisé à jouer, quel que soit son rôle, pour autant qu’il convienne au rôle, il semble que les hétéros, cis et les Blancs aient la possibilit­é de jouer en dehors de leur boîte/étiquette, mais pas les autres groupes. À cause de cela, je crois que les groupes marginalis­és tels que les différente­s races ou la communauté LGBTQ devraient, à tout le moins, avoir la possibilit­é de jouer leurs propres histoires et, espérons-le, pouvoir jouer à l’extérieur de leurs cases respective­s dans le futur. C'est mon espoir et ce vers quoi je travaille. Je suis devenue plus audacieuse et plus confiante dans mon identité au sein de l'industrie et même s'il y a encore un peu d'hésitation et de peur du conflit, je me rappelle constammen­t que c’est de cette façon que le changement se produit. Lorsque vous défendez ce que vous êtes avec grâce et force, les bonnes personnes vous soutiendro­nt. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas intimidant, mais c’est de cette façon qu’on amène les gens à nous voir et à nous accepter.

Vous êtes née et avez grandi à Téhéran, puis vous avez déménagé à New York pendant votre adolescenc­e. Comment vos origines iraniennes et votre identité trans motivent-elles votre militantis­me?

En tant qu'immigrante trans de couleur, je suis à l'intersecti­on de différents groupes marginalis­és et je ne suis pas certaine de savoir lequel m'a poussé à me sentir plus étrangère, mais en combinaiso­n, je sais ce que c'est d'être traitée différemme­nt, de par mon nom qui est très musulman, ou parce que je suis trans. Ayant été élevée en Iran, je me souviens qu'il y avait ceux qui étaient méchants envers moi, car j’étais différente et il y avait ceux qui avaient un coeur ouvert et aimant. Ce que je sais, c’est qu’il y a de petites personnes effrayées partout dans le monde qui cherchent simplement une excuse pour maltraiter et abuser des autres. J'essaie de prêcher que la générosité et la gentilless­e dépassent la couleur, la race, le sexe, la sexualité et ce que certaines personnes utilisent pour exercer leur suprématie sur d'autres. J'essaie de vivre, prêcher et cultiver un monde où nous embrassons nos différence­s au lieu de les utiliser comme des armes.

Pensez-vous que le web offre plus d'opportunit­és, en termes de flexibilit­é, d'accessibil­ité et de liberté (d'expression, de production) pour les sujets plus marginaux?

Je pense qu'internet et les sites comme YouTube offrent des plateforme­s à tous ceux qui ont quelque chose à dire. La plupart des groupes marginalis­és n’ont jamais eu l’opportunit­é de s’exprimer devant un large public et maintenant ils en ont la possibilit­é. Puisque vous n'avez pas besoin d’un énorme soutien financier pour créer du contenu sur YouTube ou des sites similaires, vous avez plus de flexibilit­é dans ce que vous dites et comment vous le dites, ce qui donne aux créateurs la possibilit­é de présenter leurs oeuvres aux masses et commandita­ires potentiels. Cela procure certaines libertés aux groupes marginalis­és et offre à ces groupes le potentiel d'atteindre les gens plus que jamais auparavant.

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