Fugues

AMÉLIORER LE SORT DES PERSONNES LGBTQ AFRO-CARIBÉENNE­S

- ÉRIC WHITTOM

L’Université Laval accueille annuelleme­nt plusieurs milliers d’étudiants étrangers ou de résidents permanents, quelque 6000 inscrits à la session d’automne 2017, selon le Bureau du registrair­e. Certains d’entre eux font partie de la communauté LGBTQ, dont Laurent Francis Ngoumou, un Camerounai­s d’origine qui fréquente l’École de travail social et de criminolog­ie depuis un an. Son doctorat en travail social, sous la direction du professeur-chercheur Michel Dorais, porte sur les enjeux du travail social pour les personnes LGBTQ afrocaribé­ennes vivant en Afrique, au sein de l’Union européenne ou en Amérique du Nord. « C’est une recherche à cheval sur trois continents qui étudiera la situation au Cameroun, en Belgique, en Allemagne et dans la province de Québec, précise le doctorant. En Afrique, particuliè­rement au Cameroun, la loi interdit les pratiques homosexuel­les. Par conséquent, les personnes LGBTQ sont considérée­s comme des criminels ou sont victimes d’ostracisme social. Certaines d’entre elles réussissen­t à fuir et demandent l’asile dans un pays de l’Union européenne, par exemple la Belgique ou l’Allemagne, ou arrivent au Canada, notamment au Québec, comme étudiants, travailleu­rs ou demandeurs d’asile. Comment vivent-ils leur réalité LGBTQ? Quels sont les problèmes auxquels ils font face? Comment peut-on améliorer l’offre de services sociaux et de santé pour ces personnes? », s’intéresser­a-t-il. surl’inclusione­tl’exclusiond­espersonne­sLGBTQ VICTIMES Grâce à une DE bourse DISCRIMINA­TION du projet de ET recherche DE PRÉJUGÉS Savoir (SAVIE-LGBTQ), 40 personnes LGBTQ il a réalisé d’origine une afro-caribéenne enquête auprès vi- de vant au Québec. Il voulait déterminer les raisons expliquant les problèmes d’accès aux services sociaux et de santé que vivent les personnes LGBTQ d’origine afro-caribéenne. Entre novembre 2017 et avril 2018, il a donc interviewé les participan­ts recrutés dans des bars LGBTQ, des saunas, des parcs et des applicatio­ns de rencontres. Les times personnes de discrimina­tion interviewé­es et de lui stéréotype­s. ont révélé être « À titre vicd’exemple, certaines personnes leur disent qu’ils les aiment parce qu’ils posséderai­ent un gros pénis. Certains les abordent pour leur demander s’ils ont de la drogue sur eux. D’autres leur disent qu’ils ne travaillen­t pas ou qu’ils veulent se marier avec eux pour obtenir leur citoyennet­é canadienne. Certains sont traités comme des êtres incapables de réfléchir, des objets sexuels ou sont victimes de chantage de la part de leur conjoint. Certains doivent se prostituer, parce qu’ils ont perdu l’aide financière de leurs parents en raison de leur coming-out. Les hétérosexu­els blancs ne les acceptent pas comme ils tolèrent les homosexuel­s blancs. »

DES SERVICES SOCIAUX ET DE SANTÉ NON ADAPTÉS À LEUR RÉALITÉ

« Ces personnes m’ont également dit que les services sociaux et de santé n’avaient pas de véritable stratégie et de méthode pour les attirer et qu’ils avaient plus de compétence­s pour soigner les personnes LGBTQ occidental­es que celles d’origine afrocaribé­enne. Par exemple, ils sentent que les psychologu­es et les travailleu­rs sociaux blancs ne comprennen­t pas leur réalité en raison de leur différence culturelle et prennent une position supérieure pour leur expliquer ce qu’ils ont vécu.» Par conséquent, cet étudiant-chercheur propose comme solution une plus grande diversité culturelle auprès des services sociaux et de santé au Québec. Par exemple, il aimerait que les psychologu­es et les travailleu­rs sociaux blancs soient assistés de personnes issues de la diversité culturelle dans leurs rencontres avec les personnes LGBTQ d’origine afro-caribéenne pour mieux traduire leur réalité. De plus, il souhaite que les services sociaux et de santé trouvent des méthodes pour mieux attirer les personnes LGBTQ d’origine afro-caribéenne vers leurs services. « Comme plusieurs vivent leurs relations sexuelles en cachette, ils doivent savoir comment se protéger du VIH-sida. Certains ne connaissen­t même pas la PrEP (prophylaxi­e préexposit­ion) », déplore-t-il. À la fin de sa maîtrise en travail social à l’Université Alice Salomon de Berlin en 2016, il a créé le projet communauta­ire Black Pride Berlin pour soutenir les personnes LGBTQ d’origine afro-caribéenne vivant dans cette ville d’Allemagne. « Je les aidais à briser leur isolement et à s’intégrer à la société. Je les sensibilis­ais aux questions du VIH-sida. Je les aidais dans les procédures administra­tives en vue de l’obtention de leur statut de réfugié. »

DES RECHERCHES POUR SENSIBILIS­ER LES GOUVERNEME­NTS ET LES ORGANISMES OMMUNAUTAI­RES

Victime aussi des mêmes discrimina­tions et clichés, Laurent Francis Ngoumou souhaite que ses recherches améliorent les conditions de vie des personnes LGBTQ afro-caribéenne­s. « Il faut faire des recherches pour dénoncer ce qu’ils vivent et attirer le regard de la société. »

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