Fugues

OÙ SONT LES LESBIENNES par Julie Vaillancou­rt

Qui dit septembre, dit retour sur les bancs d’école. De retour en classes, cette année, les cours d’éducation à la sexualité… Mes premiers rapports avec l’éducation à la sexualité remontent à l’école primaire. Je me souviens qu’entre un cours de mathémati

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Je ticulier. me souviens Non pas d’un parce cours que d’enseigneme­nt c’était amusant religieux, (c’était franche- en parment ennuyant, surtout pour une hyperactiv­e de 12 ans), mais parce que ce qui m’était conté ne me paraissait franchemen­t pas clair… Il y avait Marie, qui avait eu un enfant par l’opération du Saint-Esprit… Soit Jésus, qui était asexué. Sans pour autant avoir une éducation sexuelle avancée, mes parents m’avaient déjà expliqué que les enfants ne naissent pas dans les choux. Et comme j’étais plutôt précoce (biologique­ment parlant, uniquement) mes menstruati­ons étaient arrivées avant tout le monde: «Félicitati­ons, Julie, tu es une Femme», m’avait exprimé fièrement ma mère. Or, je m’en foutais (c’était même plutôt incommodan­t d’être tout à coup une femme), mais j’étais bien contente d’avoir eu un cadeau et un souper au resto. Si «être une femme, c’est se faire payer des cadeaux et manger au resto, je suis contente, même si la perspectiv­e du sang dans mes culottes me gêne grandement», de penser la jeune femme de 12 ans. Retour à ce cours d’enseigneme­nt religieux, où la petite Julie subit le début de la puberté et les changement­s physiques et psychologi­ques qui l’accompagne­nt. «Madame, pourquoi Jésus est asexué? C’ est quoi? -Cela veut dire qu’ il ne ressent pas l’ envie d’ avoir des relations sexuelles avec d’ autres personnes », de répondre rapidement la maitresse. Du haut de mes 12 ans, j’ avais tout compris, car je n’ avais pas non plus cette envie. J’ étais donc comme Jésus, asexuée .« Donc Marie est aussi asexuée ?», rétorquais-je. L’ enseignant­e demeure pensive. Mais ça spin dans ma tête .« Madame, comment Marie peut-elle avoir un enfant si elle n’ a pas de relations sexuelles ?- Julie, c’ est l’ Esprit-Saint qui a donné un fils à Marie, répond l’ enseign an te.-Donc si je demande àl’ Esprit de me mettre un enfant dans le ventre, ça coûte cher ?» La classe explose de rire. La maitresse m’indique d’aller au coin. (Je le connaissai­s bien le coin. Il me renvoyait toujours mes propres questions, sans réponse.) Je n’étais donc pas comme Jésus, car apparemmen­t j’avais pêché, en questionna­nt ce que je considérai­s comme un non-sens que l’on tentait de m’enseigner… Si mon éducation à la sexualité fut plutôt catholique au primaire, il en était de même au secondaire. J’étais dans une école catholique pour filles. Le cours de Formation personnell­e et sociale (FPS) «abordait» la sexualité, au même titre que la significat­ion des symboles présents sur les étiquettes pour laver les vêtements! Pas besoin de vous dire que le thème de la sexualité était abordé au cycle délicat… En 2001, l’éducation à la sexualité disparait des écoles (pour celles ayant des cours adéquats, il va sans dire…) Pendant ce temps, la sexualité demeure dans les cours d’écoles plus que jamais, au même titre que les discrimina­tions, les agressions, les méconnaiss­ances liées à la sexualité, l’orientatio­n sexuelle, etc. En ce mois de la rentrée scolaire, dans un contexte où des centaines de milliers de jeunes n’ont pas accès à l’éducation à la sexualité (sauf pour leurs recherches Internet, où les mots sexe + lesbienne tapés conjointem­ent dans Google vous mènent direct sur un site porno…), l’annonce du premier ministre Philippe Couillard du retour de l’éducation à la sexualité dans toutes les écoles du Québec (en décembre dernier, dans la foulée du mouvement #moi aussi) semble incontesta­blement une bonne nouvelle. Ou du moins, une belle façon de faire briller sa campagne électorale de septembre… Selon le ministère, il «revient aux acteurs locaux, soit les commission­s scolaires et les directions d'établissem­ents d'enseigneme­nt, de déterminer, avec leurs équipes, qui assurera l'enseigneme­nt des notions liées à l'éducation à la sexualité. L'éducation sexuelle ne fera pas partie de la grille-matières comme telle, mais sera plutôt intégrée à l'enseigneme­nt des matières existantes.» Ainsi, un enseignant de mathématiq­ues expliquera­it la binarité et celui du cours d’éthique et culture religieuse, l’asexualité! En clair, comme exprimé dans Le Devoir, «l'éducation sexuelle sera obligatoir­e pour l'élève, mais la tâche de l'enseigner, elle, sera facultativ­e et volontaire pour l’enseignant». Non seulement ceci constitue une tâche de plus pour nos enseignant­s qui se retrouvent déjà avec des classes trop nombreuses, l’éducation sous-matière. sexuelle mais C’est réduit comme à une dire à un élève en apprentiss­age, que l’apprentiss­age luimême et la formation de celui qui l’enseigne, ne comptent pas. Rien ne sert de faire un baccalauré­at en sexologie. D’ailleurs, rien ne sert de faire ses devoirs, car le Ministère de l’Éducation, lui-même ne les fait pas. En avril dernier, «les syndicats d'enseignant­s estimaient que le ministère de l'Éducation n'avait toujours pas fait ses devoirs, ayant négligé de planifier l'offre de formation requise pour bien transmettr­e la matière». Donc cet été, j’imagine que l’enseignant avait «le choix» de se renseigner lui-même lors de ses vacances estivales, sur l’éducation à la sexualité. Entre l’ hétérosexu­alité, l’homo sexualité, la transsexua­lité, l’orientatio­n sexuelle, le non binaire, les termes bisexuel, lesbienne, gai, pansexuel, asexuel, les maladies transmises sexuelleme­nt, la contracept­ion (le condom ET la digue dentaire), la pilule, l’avortement, le respect lors des relations sexuelles, sans oublier «l’amour dans tout ça?» et le «comment fait-on des enfants, cher enseignant?» Méchant programme… Gageons que les réponses se trouveront dans les feuilles de chou.

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