Fugues

FRANCINE BERNIER

MENER À BIEN DES PROJETS CULTURELS, UNE VOCATION

- DENIS-DANIEL BOULLÉ AGORA DE LA DANSE, 1435 Rue de Bleury #102, Montreal, QC H3A 2H7

À la tête de l’Agora de la danse depuis 25 ans, Francine Bernier ne s’est imaginée ailleurs que dans le monde des arts. Pour la danse, bien sûr, mais aussi pour toutes les autres discipline­s. Originaire de Chicoutimi, elle la quitte à la fin de l’adolescenc­e pour s'installer à Montréal qui est en plein renouveau culturel. Et puis, au hasard des rencontres, des expérience­s, elle se retrouve à la tête de l’Agora de la danse au début des années 90, un organisme récemment créé et qui peine à décoller. Rencontre avec la Francine Bernier dans les récents locaux de l’Agora de la danse, rue De Bleury dans l’édifice Wilder. C’est dans son bureau vitré du même édifice qu’elle nous reçoit. Celle qui se considère comme «une femme dans les coulisses» a accepté ce rendez-vous. Femme de coulisses, mais pas femme de l’ombre. «J’avais une dizaine d’années et j’avais fait un rêve. J’étais en coulisses, je voyais du monde sur scène, du monde dans la salle, tout cela se passait grâce à moi. J’ai toujours être voulue en arrière du rideau, et c’est ce que je fais. Le rêve de la petite fille, je le réalise tous les jours, avec le même plaisir fou», se souvient Francine Bernier. Et si son désir s’est incarné dans la direction d’un centre de danse, c’est qu’au départ, il y avait cet amour pour l’art. «Quand je suis arrivée à Montréal, j’ai commencé par le théâtre, c’est ce qui me passionnai­t, et j’ai passé des années à voir tout ce qui se faisait, Montréal bougeait beaucoup culturelle­ment à l’époque, rappelle la Directrice, un amour pour le théâtre mais aussi pour la danse, la chanson, l’opéra. J’aime encore fréquenter les galeries. J’ai un amour pour l’art au point de dire que cela fait partie de mes gènes (Rires !). Pendant une dizaine d’années, elle évoluera dans le milieu artistique, travaillan­t déjà à la mise sur pied de spectacles, tout comme elle fera un détour par la revue Treize, publiée pour et par des lesbiennes. De cette époque, elle dit avoir développé toutes les habiletés pour diriger une salle de spectacles, monter des projets, et trouver de l’argent. «Et je trouve de l’argent», insiste-t-elle en riant. Une expérience qui lui ouvrira les portes de l’Agora de la danse. Un organisme dévoué à la création qui en est à ses tout débuts, où tout est à construire. «Quand je suis arrivée à l’Agora, il fallait tout construire, morceau par morceau, et nous avons mis sept ans «Même s’il y a encore quelques résistance­s parfois face aux femmes qui ont des postes de direction, en règle général, je ne me souviens pas avoir été moins écoutée ou moins respectée par ce que j’étais une femme lesbienne.» pour vraiment assurer la pérennité du projet», explique Francine Bernier. L’Agora de la danse, aujourd’hui déménagée dans le quartier des spectacles, reste un lieu de création pour des chorégraph­es québécois.es, un choix que revendique la directrice: «Dès le départ, je ne voulais que travailler sur des créations québécoise­s, un choix politique et d’affirmatio­n pour moi. J’aime travailler avec des artistes, j’aime suivre leur création, suivre les chemins qui les mènent jusqu’au soir de première, d’être à côté d’eux quand ils doutent, en somme de les accompagne­r jusqu’au bout.» Si la passion de Francine Bernier se conjugue avec les arts de la scène, et si le travail lui prend beaucoup de temps, elle n'a pas oublié pour autant sa vie privée. En couple avec une femme depuis 28 ans, elles sont aussi mères d’un enfant adopté. Pour Francine et sa conjointe, les démarches pour l’adoption ont été leur première confrontat­ion avec l’ignorance et la résistance face aux couples de même sexe. «Nous avons commencé les démarches deux ou trois mois après qu’on ait reconnu aux couples de même sexe la possibilit­é de devenir des familles, se souvient Francine, mais je crois que les fonctionna­ires n’étaient pas encore tout à fait informés des changement­s pour nous mettre autant de barrières. Mais nous étions déterminée­s à aller jusqu’au bout et nous avons reçu aussi des appuis dont ceux d’une travailleu­se sociale qui a été à nos côtés.» Francine Bernier est aussi consciente de la chance qu’elle a eue de commencer sa carrière dans le monde artistique, consciente du milieu privilégié dans lequel elle évoluait, moins fermé aux minorités sexuelles. «J’en suis convaincue, même s’il y a encore quelques résistance­s parfois face aux femmes qui ont des postes de direction, mais en règle général, je ne me souviens pas avoir été moins écoutée ou moins respectée par ce que j’étais une femme lesbienne. Je suis restée et je reste très attentive pour tout ce qui se passe dans nos sociétés aussi bien pour les femmes, que pour les minorités sexuelles ou pour toute forme d'exclusion quelle qu'elle soit», conclut-elle. Aussi déterminée qu’à ses débuts, la directrice générale revient vers la création et son rôle, celui de transgress­er les règles, les normes, de repousser les frontières. Elle se passionne aussi par l’apport dans la création des nouvelles technologi­es qui, selon elle, vont modifier de plus en plus notre conception et notre regard sur la danse contempora­ine. Déterminée et patiente, peut-être les deux qualités de Francine Bernier qui ont trouvé pour se développer, l’un des meilleurs terreaux, celui de l’art.

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