Fugues

31e IMAGE + NATION

FESTIVAL DE CINÉMA LGBT

- YVES LAFONTAINE

Dans l'esprit de ce que faisait Derek Jarman, Steve McLean signe avec Postcardsf­romLondon un film élégant et sexy sur le parcours d’un jeune homme qui monnaye sa compagnie, dans une vision imaginaire du quartier londonien de Soho.

Véritable célébratio­n de l'homo-érotisme de l'art baroque, les cartes postales que nous présente Steve McLean sont une série de scènes sophistiqu­ées, qui ne manquent pas d’humour, et nous plongent au coeur du monde de la nuit londonienn­e, des néons et de Soho. Le jeune héros — incarné délicieuse­ment par Harris Dickinson, révélé l’an dernier dans le film BeachRats — découvre le monde de la nuit et la compagnie d’autres beaux jeunes hommes qui pratiquent le travail d’escorte et lui apprennent les règles du métier. Ces hommes, qui ressemblen­t aux amants de Pasolini, sont éduqués, parlent de Fassbinder et du Caravage comme d’autres parlent de la pluie et du beau temps. Le cinéaste Steve McLean trahit son admiration pour l’esthétique de Fassbinder avec ses marins qui rappellent Querelle et Jean Genet et ses filles de bar qui, comme Jeanne Moreau, pourraient chanter Oscar Wilde et « Eachmankil­lsthe thinghelov­es » pour passer le temps. Ces jeunes hommes vendent non seulement leur corps mais aussi leur présence artistique et intellectu­elle à leur clientèle, composée d’homosexuel­s vieillissa­nts qui trouvent le cheminemen­t difficile et ne voient leur salut que dans la compagnie de jeunes, recréant pour l’occasion les ambiances les plus variées, parfois des plus kitsch et des plus hilarantes. Ainsi un monsieur obèse, costumé en Jules César, demande au jeune homme d’interpréte­r Saint Sébastien sur la croix, juste avant les flèches – qu’il a prévues tout de même à bouts arrondis. Si Saint Sébastien ne parle pas latin comme chez Derek Jarman il a pourtant quelque chose de ce qu’en avait fait le cinéaste anglais, avec, en plus, la photograph­ie douce et un peu décalée, à la Pierre et Gilles, dont l’univers est très proche de ce joli film. Le héros est victime du syndrome de Stendhal qui le fait tomber inanimé devant les oeuvres d’art de grande qualité, il faut dire que le cinéaste, qui fréquente visiblemen­t les musées, nous offre à contempler quelques Caravage et un Titien auxquels il est impossible de résister. Une oeuvre atypique et superbe, qui mêle à la fois humour et tendresse, dans un univers souvent âpre qui fait peu de cadeaux.

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 ??  ?? POSTCARDS FROM LONDON sera présenté au Cinéma IMPÉRIAL, le jeudi 29 novembre, à 19h, dans le cadre du festival Image+nation, qui se tient du 22 novembre au 2 décembre.
POSTCARDS FROM LONDON sera présenté au Cinéma IMPÉRIAL, le jeudi 29 novembre, à 19h, dans le cadre du festival Image+nation, qui se tient du 22 novembre au 2 décembre.

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