LE TRAITEMENT POUR RÉDUIRE LES TRASNMISSIONS
La 22e International AIDS Conference se déroulait à Amsterdam, du 23 au 27 juillet dernier. Dans le milieu VIH-sida, il s’agit là du plus grand rassemblement de médecins, de chercheurs, de groupes communautaires et d’ONG dans le monde. Comme plusieurs dizaines de médecins du Canada, le Dr Benoît Trottier y assistait. Pourquoi on vous en parle maintenant? Parce qu’il y a eu de beaux résultats, des nouvelles très réjouissantes! Le fameux «Treatment as Prevention», ou si l’on préfère «traiter en guise de prévention», fonctionne réellement et une recherche démontre qu’il n’y a pas eu de transmissions! Et il ne s’agissait là que d’une nouvelle intéressante parmi tant d’autres que le Dr Trottier voulait aborder dans l’entretien qu’il nous a accordé.
Il y a eu des conclusions heureuses à plusieurs études! «L’étude américaine PARTNERS, qui a duré de 2010 à 2014, comprenait essentiellement des couples hétérosexuels sérodiscordants (soit un partenaire séropositif et l’autre séronégatif) avec quelques couples homosexuels et démontrait que, lorsque le partenaire séropositif était traité, qu’il était indétectable, il n’y avait pas de transmission au partenaire séronégatif», explique avec enthousiasme le Dr Benoît Trottier, directeur médical à la recherche et clinicien à la Clinique Médecine urbaine Quartier Latin. «Par la suite, on a voulu aller sonder la réalité chez les couples gais avec l’étude PARTNERS II, qui incluait 783 couples sérodiscordants. Après 77 000 relations sexuelles sans condoms et sans que l’autre partenaire reçoive la PEP ou la PrEP, on avait enregistré zéro transmission! C’était beau à voir à Amsterdam! Il y a eu une fête cette journée-là dans le village de la conférence. Les gens étaient fous de joie d’apprendre cette nouvelle-là. J’ai pleuré parce que cela ouvre de nouvelles perspectives de traitements. Cela prouvait aussi que le «Treatment as Prevention» est efficace, que ça marche lorsque les gens sont dépistés, traités et qu’ils deviennent indétectables, donc le virus ne se transmet pas!», Rappelons ici que la PEP (prophylaxie post exposition sexuelle) est un traitement offert au maximum 72h après une relation sexuelle non protégée et que la PrEP (prophylaxie pré-exposition sexuelle), constitué du Truvada, est fourni à un individu en prévention avant et après une relation sexuelle sans condoms. À propos de la PrEP, des données sont aussi sorties à Amsterdam démontrant que ce traitement bien utilisé est efficace pour la prévention des infections. Encore ici, les deux écoles de pensées se rejoignent: que l’on prenne la PrEP en continue ou «sur demande», telle que la recherche IPERGAY en France et au Québec l’a confirmé, on réduit considérablement les transmissions du virus du VIH. «Maintenant que le gouvernement français rembourse la PrEP, il y a eu une nouvelle étude appelée PRÉVENIR, continue le Dr Benoît Trottier. On a étudié 1500 patients gais ou bis, la moitié recevait la PrEP régulière et la moitié était sur la PrEP sur demande et, encore là, les résultats étaient excellents puisqu’il y a eu zéro transmission. C’était une autre très bonne nouvelle qui ouvre la voie à la PrEP comme moyen de prévention.» La PrEP «sur demande» standard consiste à prendre deux doses avant une relation sexuelle sans condom et deux autres doses dans les 48h après la dernière relation sexuelle s’il y en a eu plusieurs au cours d’un week-end, par exemple. «La prise de la PrEP dépend de chacun des individus. Il y en a pour qui il faut être prêt comme un scout, en tout temps, avant une re- lation sexuelle. Pour d’autres, s’ils prévoient surtout avoir du sexe le vendredi soir, par exemple, ils vont la prendre avant et après la relation sexuelle. Dans les deux éventualités, les recherches attestent de leur efficacité», souligne le Dr Trottier qui pratique aussi à l’Unité hospitalière de recherche, d’enseignement et de soins sur le sida (UHRESS) du CHUM. Ici, tout comme le Dr Robert Pilarski (voir l’entrevue), le Dr Benoît Trottier pense que le Québec, par rapport à la Colombie-Britannique et la France, tarde à offrir gratuitement le traitement de la PrEP: «Pour les patients à faible salaire, payer plus de 1000$ par an, c’est trop pour eux. Ils arrêtent périodiquement leurs traitements, ils risquent ainsi de s’infecter et de développer des résistances. C’est le côté sombre de la PrEP. On se doit donc de faire pression pour que la PrEP devienne gratuite.» Selon le National HIV Survey & System des États-Unis, depuis 2012, dans les États où la PrEP est disponible, on observe une baisse constante des transmissions. Ainsi les bénéfices sont réels du fameuse «Treatment as Prevention»! «C’est à la fois individuel et populationnel, c’est-à-dire que la PrEP marche non pas seulement pour l’individu, mais également pour la population parce qu’on diminue les risques d’infections. Lorsqu’on a offert la PPE ou la PrEP, on a vu une baisse drastique des transmissions dans ces Étatslà!» «Mes collègues de la clinique et moi-même avons la nette impression que l'incidence des nouvelles infections au VIH est en baisse constante, depuis 1 ou 2 ans, chez la population d'hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes du Grand Montréal», de dire le Dr Trottier.
Si, du côté des transmissions du VIH, on reçoit de bonnes nouvelles, par contre, du côté de la consommation de crystal meth, les choses semblent beaucoup moins roses. Comme d’autres médecins oeuvrant auprès de la communauté LGBT, le Dr Benoît Trottier s’attriste de voir les ravages du crystal, une drogue hautement addictive. «Depuis cinq ans maintenant, on voit une hausse exponentielle des cas de consommation de crystal meth. Elle amène les gars à avoir des relations sexuelles prolongées durant tout un week-end. C’est très néfaste sexuellement et mentalement pour une personne. On entend, malheureusement, toutes sortes de choses qui circulent sur des gars qui n’arrivent pas à s’en sortir et qui finissent même par se suicider. C’est très dur de s’en sortir. À présent, la consommation de crystal meth est plus problématique que le VIH. C’est une grande tragédie», pense le Dr Trottier. On ne peut passer sous silence, également, la croissance des autres ITSS (infections transmissibles par le sexe et par le sang). «Durant les 15 premières années de ma pratique, je n’ai vu qu’un seul cas de syphilis! Maintenant, j’en vois un à deux par semaine. On peut dire qu’à la clinique, on en voit des dizaines de cas d’ITSS par semaine, des gens de 17 à 77 ans. Depuis cinq ans, les ITSS comme la syphilis, la gonorrhée ou la chlamydia explosent chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH). D’où le fait de se faire dépister plus souvent si on est actif sexuellement afin de pouvoir traiter rapidement ces maladies-là», conseille le Dr Benoît Trottier.
Benoît Trottier directeur médical à la recherche et clinicien à la Clinique de Médecine urbaine Quartier Latin, 1733, rue Berri, 2e étage, Montréal. 514 285-3400 ou cmuql.com https://www.cocqsida.com/babillard/ipe rgay.html