Fugues

LE VIH EN BAISSE , MIAS LES ITSS EN CROISSANCE

- RÉJEAN THOMAS, FONDATEUR ET PRÉSIDENT DE LA CLINIQUE MÉDICALE L’ACTUEL

Cette année, le 1er décembre marque la trentième édition de la Journée mondiale de lutte contre le sida. Que de chemin parcouru depuis 1988! La lutte contre le VIH a connu des développem­ents marquants et des avancées exceptionn­elles en un temps record car les progrès réalisés à ce jour peuvent permettre d’éradiquer le VIH. Mais il faut encore relever beaucoup de défis dans bien des secteurs.

Ces dernières années, la prévention du VIH s’est complexifi­ée avec l’accessibil­ité à la prophylaxi­e post-exposition (PPE) et la prophylaxi­e pré-exposition (PrEP). L’époque de l’approche strictemen­t comporteme­ntale au plan préventif est révolue. Aujourd’hui, nous sommes dans une approche de prévention biomédical­e qui porte fruit. Ainsi, la PrEP s’est avérée une stratégie de prévention novatrice et efficace. Par exemple, à l’Actuel, la PrEP a permis de réduire de 44% le nombre de cas de VIH. Ceci constitue un impact majeur au plan de la santé publique. Cette stratégie devrait être renforcée auprès des population­s à risque élevé, notamment les jeunes adultes (moins de 30 ans) qui représente­nt 40% des nouveaux cas de VIH. Parallèlem­ent à ces résultats prometteur­s, d’autres sont plutôt inquiétant­s : une épidémie d’infections transmissi­bles sexuelleme­nt (ITS) sévit au Québec, plus spécifique­ment à Montréal, et affecte particuliè­rement les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Les chiffres qui suivent sont alarmants : • La chlamydia est l’ITS la plus fréquente, elle touche particuliè­rement les jeunes de 15 à 24 ans. Bien qu’il n’y ait pas de données spécifique­s sur les HSH, entre 2012 et 2016, on note que le nombre de cas d’infection rectale chez les hommes a augmenté de 186 %. • Pendant la même période, le nombre de cas de gonorrhée a plus que doublé et affecte plus particuliè­rement les hommes; ainsi le nombre d’infections extragénit­ales (anus, gorge) a augmenté de 486% entre 2012 et 2016. • La quasi-totalité des cas de syphilis (96 %) concerne des hommes. Avec 62 % des cas, Montréal affiche le taux le plus élevé. • La lymphogran­ulomatose vénérienne (LGV) est une infection causée par une bactérie de la famille de la chlamydia, elle est en recrudesce­nce depuis 2013 passant de 9 à 123 cas. Elle touche exclusivem­ent les HSH. On associe trop facilement l’utilisatio­n de la PrEP avec la recrudesce­nce des ITS. C’est à la fois réducteur et erroné pour plusieurs raisons. Tout d’abord la recrudesce­nce des ITS a commencé bien avant que la PrEP soit prescrite. Et, à l’inverse de ce que l’on croit, le suivi de la PrEP permet de dépister régulièrem­ent (tous les trois mois) des personnes à risque élevé face aux ITS. L’augmentati­on des ITS est liée à la diminution des comporteme­nts sécuritair­es qui ne sont plus « à la mode» depuis plus de 10 ans. Ceci est en grande partie dû à l’absence d’éducation sexuelle dans les écoles à partir de 2003 et de campagne de prévention et de sensibilis­ation aux ITS depuis sensibleme­nt la même période. C’est en rendant ces secteurs prioritair­es en santé publique que l’on parviendra, à terme, à reprendre le contrôle des ITS. Dans ce contexte, le chemsex devient une préoccupat­ion croissante chez les HSH compte tenu des risques accrus que sa pratique génère au plan des ITS et du VIH (nombre important de partenaire­s et moindre usage du condom), des risques physiques (overdose et abus sexuel), de la santé mentale, de la détériorat­ion de la vie dans son ensemble. En résumé, le chemsex présente une accumulati­on de facteurs de vulnérabil­ité et une double addiction à la drogue et au sexe. Malgré la gravité de la situation, à l’heure actuelle, très peu de ressources tant financière­s qu’humaines sont allouées à cette problémati­que de Santé publique. Sur une note encouragea­nte, en ce qui a trait à la recherche clinique sur le VIH, l’année 2018 a été fructueuse. La recherche continue de développer des molécules de plus en plus performant­es parmi lesquelles le Biktarvy (Bictégravi­r/FTC/TAF) de Gilead, approuvé aux États-unis qui sera disponible sur le marché canadien dans les prochains mois. Le Trogarzo (Ibalizumab) de Theratechn­ologies a également été approuvé aux États-unis : il s’agit du premier traitement immunothér­apeutique à base d’anticorps monoclonau­x destiné aux personnes multi-résistante­s. Par ailleurs, la recherche se poursuit dans le développem­ent de traitement curatif et de vaccins. De plus, plusieurs études se concentren­t sur l’efficacité des antirétrov­iraux en injection que l’on nomme «à action longue». On parle ici de cabotégrav­ir. Après avoir été testée à l’oral, la molécule a été testée en injection, toutes les quatre ou huit semaines, chez des patients dont la charge virale était déjà indétectab­le. Par ailleurs, le cabotégrav­ir est aussi à l’étude comme PrEP, à raison d’une injection par semaine. Les objectifs actuels sont donc clairement orientés sur la prévention, le dosage, la récurrence de la prise du traitement et la réduction de la toxicité. Le thème de ce 1er décembre – Connais ton statut – est une invitation à accroître l’accessibil­ité du test de dépistage du VIH de façon à réduire la proportion de ceux qui ne connaissen­t pas leur statut (on l’estime à 20%), mettre les personnes VIH+ sous traitement le plus rapidement possible de façon à ce que leur charge virale soit indétectab­le et, ultimement, éradiquer le VIH. L’éradicatio­n ne saurait aboutir sans développer une étroite collaborat­ion avec les autorités de Santé publique et suivre une orientatio­n commune : l’urgence d’agir auprès des HSH en augmentant les ressources et leur accessibil­ité.

CLINIQUE MÉDICALE L’ACTUE, 1001, boul. De Maisonneuv­e Est, Montréal. T. 514-524-1001 ou https://cliniquela­ctuel.com

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