LA PREP POUR PÉVENIR LES INFECTIONS AU VIH
La prophylaxie pré-exposition, PPrE ou PrEP, est de plus en plus populaire dans la communauté LGBT. Dr Robert Pilarski, fondateur de la Clinique médicale La Licorne, clinique spécialisée en traitement du VIH, d’autres ITSS et de la PrEP, nous a accordé une entrevue sur le sujet.
Très impliqué dans le traitement du VIH dans le but de son éradication, le Dr Pilarski suit aussi de multiples patients pour la prophylaxie pré-exposition sexuelle pour le VIH mieux connue sous l’acronyme de la «PrEP». Le but de la PrEP est d’éliminer ou de réduire au maximum de nouvelles infections au VIH. À Montréal, les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) et étant les plus actifs sexuellement ont accès au Truvada ou à son équivalent générique TDF-FTC depuis 2014. Au Canada et surtout au Québec, il y a deux écoles de pensées : soit qu’on prend la PrEP juste avant et après une relation sexuelle non protégée par le condom (PrEP sur demande) ; soit qu’on utilise le médicament quotidiennement (PrEP en continu). Dans un cas comme dans l’autre, les patients diminuent significativement le risque d’éventuelles infections au VIH et, ainsi, protègent leurs partenaires d’éventuelles transmissions. «De mes patients à moi, depuis le début de l’utilisation de la PrEP, et chez ceux qui l’utilisent fidèlement, il y a eu 0 infections. Malheureusement, on a enregistré trois infections chez ceux qui ne suivaient pas le traitement tel qu’indiqué et un patient avait déjà été infecté en débutant la PrEP. C’est toujours malheureux de constater que des patients s’infectent. La raison principale de nouvelles infections chez les patients prenant la PrEP est la prise inconstante ou inadéquate de la PrEP . La PrEP, si prise adéquatement et, surtout, si prise en continu, est très efficace pour protéger contre le VIH. Par contre, elle ne protège aucunement contre les autres ITSS comme la gonorrhée, chlamydia ou la syphilis dont nous voyons une hausse importante en nouvelles infections. » souligne le Dr Robert Pilarski. «À Montréal, justement en raison de la PrEP, on voit une baisse de la transmission du VIH chez la population HARSAH. Par contre, le taux de nouvelles infections du VIH reste stable à environ 2 000 infections par an dans tout le Canada avec la communauté autochtone étant la plus touchée. On devrait pousser pour que la PrEP soit encore plus disponible et accessible en la rendant plus abordable afin de faire diminuer les infections au Québec et au Canada», ajoute le Dr Pilarski. Comme on l’a vu plus haut, la PrEP peut être prise de deux façons qui, jusqu’à présent, ont démontré leur efficacité. «L’an dernier, les données présentées à la Conférence internationale du SIDA à Paris, ont démontré un taux du TDF (molécule active dans la PrEP) suffisant dans la muqueuse anale déjà après deux doses de TDF et dans la muqueuse vaginale déjà après 3 doses. D’où, l’idée de la PrEP sur demande. Il faut souligner que la PrEP sur demande n’est pas une recommandation unanime et certains pays dont les Etats-Unis ne la recommandent pas. On pense que la PrEP sur demande est aussi efficace que la PrEP en continu. L’étude PROTEGES de Dre Cécile Tremblay semble le confirmer », ajoute le Dr Pilarski. Lors de la toute dernière conférence internationale HIV Research for Prevention, qui s’est ouverte à Madrid le 22 octobre dernier, les scientifiques et les médecins ont discuté l’offre et l’accessibilité à la PrEP aux patients séronégatifs dans le but de prévenir de nouvelles transmissions du VIH et ce, en l’absence d’un vaccin dont l’avenir reste incertain. Ayant dit plus haut qu’il y a moins d’infections chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres
hommes, hommes le groupe des jeunes hommes de 15 à 25 ans demeure le plus vulnérable malgré toute l’information disponible sur le web ou ailleurs. Le Dr Robert Pilarski veut sensibiliser la Direction de la Santé publique du Québec (DSPQ) d’offrir gratuitement la PrEP à ce groupe d’âge en particulier. «J’ai bien de jeunes étudiants qui ne peuvent pas se payer des traitements de la PrEP avec leur salaire de 300$ et moins par semaine. Le déductible de 90$ par mois devient un obstacle majeur à la prévention pour les personnes assurées par la RAMQ. On pourrait être plus efficace à prévenir la transmission si on n’avait pas à débourser le déductible pour la PrEP dans le cas des 25 ans et moins. En Colombie-Britannique et en France, la PrEP reste gratuite pour les hommes gais et bisexuels, donc pourquoi ne pas faire la même chose ici ?», poursuit le Dr Pilarski. «La crainte d’offrir la PrEP gratuitement est de créer une inégalité sociale. On compare la prévention au traitement. Si on donne la PrEP gratuitement aux jeunes HARSAH, il faudrait donner d’autres traitements gratuitement aussi. Une logique qui me semble faillée. Si nous ne faisons rien pour empêcher que nos jeunes s’infectent, nous allons finir par les traiter à très long terme pareil. Le coût du traitement est beaucoup plus élevé que le coût de la prévention. Le coût monétaire n’est pas le seul enjeu. Même en 2018, le stigma de vivre avec le VIH est énorme. Essayez de voir un dentiste ou un chirurgien en lui dévoilant votre statut VIH. Le service est souvent expéditif et de base. C’est ce que nos patients VIH doivent toujours vivre avec», continue le Dr Robert Pilarski. « Avec les récentes avancées et la recherche, un nouveau médicament pourrait révolutionner la prise de la PrEP. Il s’agit d’une nouvelle molécule appelée cabotégravir. Le Cabotégravir sera disponible pour le traitement des personnes séropositives avec des injections périodiques. L’étude n’est pas encore terminée donc on ne sait pas si les injections vont être administrées toutes les 4 ou 8 semaines. Le Cabotégravir est étudié également pour la PrEP. On attend cette molécule pour nos patients qui ont de la difficulté à adhérer à la prise des comprimés. Au Canada, il devrait être disponible dans la 2emoitié de 2019 ou au plus tard en 2020. Ce n’est pas pour demain. Il faut donc être encore prudent pour ne pas susciter trop d’enthousiasme. Par contre, s’il est utilisé pour la PrEP, se serait tout un avantage parce que c’est intéressant pour ceux qui oublient de prendre leurs traitements assidument. Le Cabotegravir contient suffisamment de médicament pour qu’il reste dans le système durant une période de trois mois. Ce serait aussi plus simple pour faire le suivi de la personne qui vient faire ses tests de dépistage aux trois mois et recevoir son médicament en clinique», note le Dr Robert Pilarski. « Le Cabotégravir a quand même des désavantages dont le principal est l’arrêt de son utilisation pour la PrEP. Le Cabotégravir reste dans le corps humain jusqu’à 1 an, mais avec une quantité insuffisante pour offrir une protection contre le VIH. Si la personne n’utilise pas d’autre moyen de protection et s’expose au VIH, elle risquera de développer des résistances à cette molécule. C’est notre crainte principale d’utilisation du Cabotégravir pour la PrEP. » ajoute le Dr Robert Pilarski. On le sait, on en parle de plus en plus, le crystal meth fait de plus en plus de ravages dans la communauté LGBT. Certains perdent emploi, conjoint, famille, condo, etc. et, bien entendu, y laissent leur santé mentale et physique au point de devenir sans domicile fixe. Non, la situation n’est pas rose. «C’est une drogue terrible qui fait beaucoup, beaucoup de dégâts dans le milieu, souligne le Dr Pilarski. C’est pourquoi on a mis sur pied un «groupe» crystal meth à la Clinique, avec le sexologue Patrice Bécotte. C’est nouveau, mais Patrice a de l’expérience et de l’expertise pour aider ces hommes. Sur 10 personnes, même s’il n’y en a qu’une seule qui arrête sa consommation de crystal, c’est déjà un succès. Bien sûr, on voudrait qu’il y en ait plus qui s’affranchissent de cette drogue, mais chaque individu est différent et il faut y aller à son rythme. Il faut conserver l’espoir et la seule chose qu’on peut faire c’est de les aider à essayer de s’en sortir et c’est pour cela qu’on a décidé de mettre en place les groupes de Crystal Meth, en particulier.» .