Fugues

UN OVNI QUI PARLE D’AMOUR IMPOSSIBLE

- KARL MAYER

La première scène est une fellation sur-jouée pour un film porno gai. Le décor est planté, le sexe «inséré» théâtralem­ent, flirtant avec le ridicule, devenant comique, mais surtout insouciant. La scène suivante se passe dans un sexclub gai, sans aucun mot. Juste des soupirs, des sons, des gestes, des néons et des flashs dans tous les sens... en éveil. Et puis, tout à coup, un cri. De surprise, de terreur, de souffrance? Karl, jeune acteur porno au visage angélique, vient de se faire poignarder, plus aucun bruit. Et la cible n’est pas le coeur, malgré le titre du film. Dans la scène suivante, Anne (Vanessa Paradis), productric­e de films porno gais, dans une cabine téléphoniq­ue, hurle dans l’appareil. Elle ne sait pas encore que Karl, un de ses acteurs vedette, est mort. Non, le coup vient d’ailleurs: après 10 ans d’amour passionnel, Lois, qui estégaleme­nt la monteuse de ses films, ne veut plus d’elle. Cette fois, le couteau est dans le coeur. Comme si le vrai assassin était l’amour : l’amour interdit entre deux hommes ou l’amour toxique entre deux femmes. Ce soir-là, il n’y a pas qu’un cadavre mais deux... avant d’en avoir bien d’autres. Tout au long du film, le sexe est omniprésen­t mais facultatif, comme un simple support qui sert l’amour, sa puissance mais aussi sa cruauté: l’amour de Guy pour Hicham, interdit et jugé; l’amour d’Archibald, amical et complice, pour Anne, sa patronne; mais surtout celui d’Anne pour sa monteuse Lois, démesuré et néfaste. Ce film parle d’amour passionnel et destructeu­r sans aucune censure ni limite. Il montre qu’un amour contrarié ou usé, peut transforme­r la personne en monstre, en épave alcoolique, en agresseur désespéré, en tueur en série. Le message est clair: l’amour fait des victimes, il rend incroyable­ment vivant avant de tuer froidement. Uncouteaud­anslecoeur c’est un cri d’amour, désespéré et sauvage. Un cri qui joue l’imperfecti­on, l’authentici­té, l’excès, la liberté absolue et l’abandon de soi, bien loin du politiquem­ent correct. Pour incarner le personnage d’Anne, inspiré par une «femme qui a existé dans les années 70» précise le réalisateu­r, Yann Gonzalez, ce dernier a rapidement pensé à Vanessa Paradis, malgré l’innocence que son visage renvoie: «J’ai eu un coup de coeur profession­nel pour elle (…) C’est quelqu’un qui n’a pas de masque». Un rôle pour lequel, Vanessa s’est métamorpho­sée: cheveux courts platines, bottes rouge vif à talons hauts, regard fou, la diction pâteuse d’une alcoolique, le vo- cabulaire crue, les gestes violents… Le rôle est complexe, à la fois sombre et haut en couleurs. «Anne est dure, agressive, alcoolique mais aussi amoureuse, malade d’amour (…) C’est un rôle de folie, comment aurai-je pu passer à côté?» confie-telle dans le communiqué de presse. L’actrice a puisé dans son côté obscur pour incarner Anne tout en lui apportant sa fragilité afin de la rendre menaçante, dangereuse, mais aussi humaine et touchante par son imperfecti­on et sa détresse. Avec Un couteau dans lecoeur, Yann Gonzalez signe un thriller audacieux et inventif. Il est compliqué de classer ce film rempli de poésie dans un genre! C’est un ovni visuel qui parle d’amour impossible dans l’univers de la porno gaie, tout en suivant les codes du fantastiqu­e et du film d’horreur, au sein d’un décor rétro aux couleurs criardes et aux lumières bleutées. Les scènes tantôt angoissant­es, tantôt romantique­s, tantôt sexuelles, tantôt burlesques, tantôt fantastiqu­es se succèdent sans pourtant se ressembler. Un film qu’on ne peut comparer et qui ne laissera personne insensible.

UN COUTEAU DANS LE COEUR de Yann Gonzalez, avec Vanessa Paradis, Kate Moran et Nicolas Maury, sera présenté au Cinéma IMPÉRIAL, le dimanche 2 décembre, à 19h30, dans le cadre du festival Image+nation, qui se tient du 22 novembre au 2 décembre.

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