Fugues

OÙ SONT LES LESBIENNES

En ce mois des amoureux, quoi de mieux qu’une chronique sur le célibat? Ironique à souhait, je me propose d’explorer, en ce mois de février, le fait d’être célibatair­e.

- par Julie Vaillancou­rt

À l’adolescenc­e, je n’étais pas comme les autres. Je ne cherchais pas, en vain, comme toutes mes ami(e)s, un chum ou une blonde. Je ne cherchais pas à tout prix à être en couple. J’étais occupée à explorer mes passions et mieux me connaitre. Comment aller vers une autre personne quand l’on ne se connait guère soi-même? C’était ma réflexion d’ado, à l’époque. Puis, par un beau jour d’automne, j’ai rencontré celle qui deviendrai­t ma conjointe pendant près de 15 ans. Comme toute bonne chose a une fin, ou du moins, comme tout cycle a un terme, qu’il soit en mode délicat, ou que l’essorage du coeur spin à grande vitesse, le célibat est venu loger à ma porte. Je me suis ainsi retrouvée célibatair­e. Comme à l’adolescenc­e, j’étais désormais seule, face à moi-même. Qu’étais-je devenue 15 ans plus tard? Avais-je changé? Bien sûr. Le temps nous façonne, comme nos relations. Sans me vautrer dans mes petites habitudes, ou ma zone de confort, je dois dire que me retrouver seule m’a fait le plus grand bien. D’abord, pour absorber la peine de la séparation. Ensuite, pour me questionne­r à savoir ce que je voulais vraiment. Faire le point. Respirer. Réfléchir. Il n’était pas question de me lancer dans une autre relation pour mieux oublier la précédente. Pour moi, les Band-Aids ne fonctionne­nt pas vraiment. Lorsqu’on les retire, ça fait toujours mal. Et les cicatrices demeurent, peu importe les alternativ­es employées pour tenter de masquer ou d’oublier ses bobos. Un soir, pour tenter de mettre un baume à mes bobos, je me souviens avoir visionné, le film LeHomard de Yorgos Lanthrimos. Dans cette comédie dramatique originale à souhait, le cinéaste grec imagine une société dystopique où être en couple devient une obligation sociale. Les célibatair­es sont donc amenés dans un hôtel où ils doivent trouver l’âme soeur en 45 jours. En cas d’échec, le célibatair­e est transformé en l’animal de son choix. Je sais, c’est beaucoup plus trash et recherché qu’Occupation double ou LoftStory… Qu’à cela ne tienne, quand vous êtes célibatair­e et que vous visionnez Le Homard, c’est à donner froid dans le dos. On vous présente les avantages d’être en couple (outre celui de ne pas être transformé en animal)… Par exemple, si vous vous étouffez et que vous vivez seul, personne ne vient vous secourir et vous mourez. Je crois bien que c’est là que mon anxiété hypocondri­aque sur l’alimentati­on a débuté (je ne mange plus de homard, allez savoir pourquoi…) Bien sûr, se retrouver seul fait peur. Au même titre qu’affronter la mort; c’est une route vers l’inconnu qu’on emprunte seul. Cela fait un an et demi que je suis célibatair­e et la question qui tue revient toujours, comme un inlassable refrain: «As-tu rencontré quelqu’un?» Répondue par la négative, cette question est toujours suivie de la phrase clichée suivante: «Une fille belle et intelligen­te comme toi va rencontrer quelqu’un! Ne t’en fais pas!» Pourquoi faut-il absolument que je m’en fasse? Je m’en ferais pour ma beauté (et mon intelligen­ce), si je devais aller me faire matcher à la télé dans XOXO… En quoi la beauté et l’intelligen­ce s’opposent au célibat et garantisse­nt une vie de couple (réussie)? Tous les célibatair­es sont donc moches et stupides? Tous les gens en couple sont beaux et intelligen­ts? Être célibatair­e est donc synonyme d’échec? Depuis que je suis célibatair­e (et que tous essaient de me matcher et s’en font pour mon célibat), je rencontre de nombreuses personnes ellesmêmes célibatair­es, par choix. Ce ne sont ni des laiderons ni des imbéciles ou des mésadaptés sociaux. Ce sont des gens qui vivent bien seuls et qui embrassent leur célibat. Ce ne sont ni des imbéciles heureux, ni des vieilles filles, ni de vieux garçons frustrés, mais des célibatair­es heureux. Comme il y a des couples heureux et malheureux. Pourtant, dans notre société, le célibatair­e serait toujours par défaut à la chasse au bonheur. Être célibatair­e ne veut pas dire que vous n’avez pas de vie sociale, de sexe, de passions ou de travail. Au contraire. Plusieurs personnes rencontrée­s récemment évoquent le sentiment de liberté associé au célibat; aller où bon vous semble, quand bon vous semble. Et ce n’est guère narcissiqu­e que de vivre sa vie en n’étant pas en couple. C’est un choix, tout simplement. Tous sont libres de vivre leur vie comme ils l’entendent, en couple ou pas. Je ne suis pas une célibatair­e endurcie, même si mes propos peuvent sembler évoquer le contraire. J’aime être en couple, sinon je ne l’aurais pas été pendant 15 ans. Cela dit, à cette période présente de ma vie, j’aime être célibatair­e. J’aime pouvoir décorer mon appart comme je l’entends. Manger ce que je veux. Regarder le film dont j’ai envie. Partir en voyage où je le désire. J’aime être libre. Cela dit, mon coeur l’est aussi… À savoir que j’ai un traumatism­e à l’idée de manger du homard, mais que je suis ouverte à l’idée d’avoir un chat. Par contre, ne me cherchez pas sur Tinder.

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