Fugues

LES ROUTES PAVÉES DE BONNES INTENTIONS

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Dans l’Amérique des années 60, il valait mieux pour un Noir américain de se munir du Green Book avant de partir sur les routes du pays. Ce guide, répertoria­nt les établissem­ents accueillan­t des Noirs, notamment dans les États du Sud où la ségrégatio­n battait encore son plein, donne son titre au long métrage qui retrace l’histoire vraie d’une improbable amitié. Celle d’un pianiste noir qui part en tournée à travers le Sud des États-Unis et de son garde du corps d’origine italienne. Rien ne les avait préparés à ce compagnonn­age. Les mauvaises manières de Tony tranchent avec le raffinemen­t de Don, sans compter leurs clivages culturels, même si le premier aime davantage Aretha Franklin que le second. Tout semble opposer Tony Lip, grossier homme de main à l’humour bourru, au solitaire, homosexuel et virtuose pianiste Don Shirley. L’associatio­n forcée d’un garde du corps au chômage et d’un artiste soucieux de se protéger donne lieu à une amitié touchante où l’un vient compléter l’autre. De Don, Tony apprendra comment se tenir en situations mondaines et à écrire des lettres d’amour à sa femme. De Tony, Don apprendra à renouer aussi bien avec la soul et le jazz qu’avec la nourriture propre aux communauté­s afro-américaine­s. Cet échange renverse délibéréme­nt les stéréotype­s et constitue le terreau principal de l’humour de GreenBook. Pour tirer le meilleur parti comique de ces effets de contraste répétés, le réalisateu­r peut remercier l’impression­nante transforma­tion physique de Viggo Mortensen (Tony Lip) et son accent d’Italien new-yorkais irréprocha­ble, ainsi que de la performanc­e maîtrisée de Mahershala­a Ali (Don Shirley). Racisme, homosexual­ité, alcoolisme, musique, inégalités sociales: les problémati­ques effleurées par le film sont nombreuses et variées, mais lorsque surgit la question de l’homosexual­ité à la faveur d’une visite impromptue de Don dans un YMCA, et la présence de policiers zélés, l’affaire est vite expédiée. S’il reste conformist­e dans sa réalisatio­n et léger dans son ton, ce film n’en reste pas moins un film abouti réussissan­t à divertir le public tout en le sensibilis­ant à l’acquisitio­n difficile des droits civiques. 6 YVES LAFONTAINE Sur les écrans

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