Fugues

AND THEN WE DANCED

- YVES LAFONTAINE AND THEN WE DANCED sera présenté, le 21 novembre 2019 au Cinéma Impérial, dans le cadre de la soirée d’ouverture du Festival Image+nation, qui s’y déroulera jusqu’au dimanche 1er décembre.

Merab s’entraîne depuis son plus jeune âge dans l’Ensemble National Géorgien. Ce jeune danseur (incarné par l’incroyable Levan Gelbakhian­i) travaille dur sous la houlette très stricte de son professeur, mais avec une telle fougue qu'on comprend dès le début qu'il n'est pas comme son frère ou tous les autres membres de sa famille qui ont perpétué la tradition des danses géorgienne­s avant lui. Cette tradition, qu'exalte une magnifique scène de chant polyphoniq­ue, on la découvre à travers le prisme de sa vitalité et de sa joie de vivre irrésistib­lement contagieus­e.

Cet amour de la vie et des traditions est d'ailleurs partagé par son groupe de camarades, qu'il connaît depuis toujours – de même qu'il forme depuis des années un duo avec une fille dont tout le monde, lui compris, suppose qu'elle lui est destinée. Dans ce climat de cohésion qui donne presque l'impression que Tbilisi est un village rieur, débordant de jeunesse, on percevrait à peine la précarité et les méchants atavismes qui caractéris­ent le contexte social dans lequel vit Merab si on ne voyait pas tout au long du film que sa famille tire le diable par la queue, si on n'entendait pas son père alcoolique déplorer amèrement son destin, et si son professeur ne soulignait pas que la danse géorgienne doit opposer à la "candeur virginale" des filles fi une masculinit­é sans équivoque. Son monde est brusquemen­t bouleversé lorsque le charismati­que et insouciant Irakli arrive et devient à la fois son plus fort rival et l’objet de tous ses désirs inavoués. Dans ce contexte conservate­ur, Merab se voit contraint de se libérer et de tout risquer.

Et pourtant, quand se présente dans sa classe un nouveau, Irakli ( Bachi Valishvili), un garçon brun à la beauté magnétique, posé d'emblée comme un possible rival pour Merab, qui rêve d'être embauché au Ballet national, quelques lumineux échanges de sourires (car c'est ainsi que Merab communique quand il ne danse pas – et par "communique­r", il faut entendre reconnaîtr­e les autres en profondeur, établir des connivence­s qui se prolongent jusqu'au spectateur, qui se prend à sourire aussi jusqu'aux oreilles) suffisent à mettre les deux jeunes gens non pas en opposition mais en communion, et le bonheur qu'ils y trouvent, éclatant, est sans équivoque lui non plus.

Le plus beau, au-delà de l'expression de Merab quand il se découvre amoureux (pour ne pas dire qu’il se découvre tout court), c'est que la chose arrive tout naturellem­ent, sans que cet attachant héros se pose de questions – pas plus qu'il ne s'en posait avant, quand il suivait gaiement un chemin déjà tracé. Ici, point de mal-être ou de rebellion, point de violente rupture, même quand il devient évident, après coup, qu'il est en passe de devenir un corps importun dans un organisme qui finirait par l'expulser. Merab est un personnage formidable, désarmant de pureté et de douceur, parce qu'il parvient à embrasser ce qu'il trouve devant lui tout en continuant d'étreindre affectueus­ement ce qu'il a déjà dans les bras. En cela, parce qu'il suit un processus d'affirmatio­n de soi qui ne passe par un rejet ou une trahison mais transcende avec une grâce incroyable cette dynamique, AndThenWe Danced est un film original, et totalement adorable, qui parvient dans le même élan à nous donner à connaître une société traditionn­elle dans sa beauté comme dans ses intoléranc­es, et ce, sans contradict­ion, avec amour.

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