PLEIN FEUX SUR LE SUD DU CONTINENT
Il existe un véritable cinéma LGBTQ d'Amérique latine. Ils ont tous un point commun commun, de combler les contradictions de pays coincés entre la modernité et le conservatisme. Des pays où les minorités sexuelles tentent d'émerger et de s'imposer, confrontées à la résistance religieuse et sociale. ElPríncipe(ThePrince),EstonoesBerlín(ThisisNotBerlin) et José en sont encore une fois emblématiques des réalités culturelles au sud des États-Unis et témoignent cependant d'une extraordinaire vivacité cinéma latino.
ElPríncipe(ThePrince) de Sebastián Muñoz, nous ramène au Chili au début des années 70, quelques mois avant l'arrivée au pouvoir d'Allende, Jaime, a égorgé son amant par jalouise. Incarcéré, il se retrouve enfermé dans une cellule et devient tout de suite l'objet sexuel et donc le protégé d'un homme plus âgé. Ce dernier règne sur les autres prisonniers. Un univers sombre et violent où le sexe sert tout aussi bien de protection contre les autres, de récompense parfois, et surtout d'humiliation pour maintenir la cohésion et la hiérarchie du groupe. Mais dans le même mouvement comment naissent des amitiés nécessaires pour survivre qui évoluent parfois vers des histoires d'amour. Comme celle entre Jaime et son protecteur Potro, interprété magistralement par l'excellent comédien Alfredo Castro. Tiré de l'unique roman écrit par Mario Cruz dans les années 70, ElPríncipe, est aussi une critique du conservatisme chilien et de la difficulté d'être homosexuel à cette époque. Le livre a connu un succès confidentiel et n'a jamais été réédité. On ne peut s'empêcher de penser à Genet au visionnement de son film, à un Querelle latino (Jaime lui ressemble par sa beauté qui impressionne même les plus machos) qui peu à peu va s'imposer, et à l'image de son protecteur, pour régner à son tour. La force du film tient aussi par le traitement de l'image, en clair-obscur, laissant apparaître les conditions précaires de vie des prisonniers, où tout se négocient, par le sexe bien entendu, ou par les poings. Des alliances se font et se défont et les jeunes incarcérés doivent se soumettre à la loi des plus anciens pour vivre et peut-être arrivés à prendre leur place. Et entre la violence toujours implicite, de courts moments de joie, ou encore une grande liberté sexuelle, où chacun tente d'exister où la communication est avant tout physique. Signalons que ElPríncipe a reçu le QueerLion du Festival de films de Venise cette année.
EstonoesBerlín(ThisisNotBerlin) se passe commec comme son nom ne l'indique pas au à México City City, dans les semaines qui précèd précèdent la coupe du monde de football (soccer) de 1986. Deux jeunes amis, Carlos et Gera, insatisfaits par leur petite vie d'étudiants et passionnés de musique, décident de suivre la soeur de Gera dans les soirées où elle se rend, en fait dans un club clandestin El Azteca. Les deux jeunes y découvriront le monde interlope, underground, punk de la cité et tenteront de s'y intégrer. Sexe, drogue et rockandroll pourrait être le sous-titre de ce film sur le parcours iniatique de deux jeunes, de l'adolescence à l'âge adulte. Le Mexique de l'époque est encore très conservateur, mais les jeunes sont inspirés par tous les mouvements de contre-culture qui ont inondé les pays occidentaux. Berlin représente pour eux la mecque de la contreculture. Carlos et Gera dont l'amitié sera menacée par la volonté de Carlos de s'émanciper de cette amitié d'ado, passeront de l'autre côté du miroir, entre autres par les drogues, et s'en réveilleront définitivement changés. Le réalisateur Hari Sama, dans la cinquantaine aujourd'hi se souvient à travers ce long-métrage de ses années de formation. De ces lieux où tout était possible, et rien n'était interdit, dont... l'homosexualité. Dans un tout autre registre, José, du réalisateur américain, Li Cheng, se révèle une petite perle, mais sombre dans le monde du cinéma LGBTQ. Avec peu de moyens, des acteurs non-professionnels remarquables, José nous plonge dans le quotidien d'un jeune gai de 19 ans qui vit seul avec sa mère.
Elle est vendeuse sur les trottoirs, José est rabatteur pour un restaurant arrêtant des autos dans la rue pour convaincre les chauffeurs de commander à manger. Le soir, josé rencontre des gars avec qui il baise dans des hôtels louches. Jusqu'à ce qu'il rencontre Luis. Entre les deux se nouent rapidement des sentiments qui dépassent le sexe. Mais si Luis est prêt à tout laisser tomber pour vivre avec José, ce dernier ne peut quitter
sa mère. Une histoire d'amour toute simple et bouleversante par le traitement du réalisateur. Peu de dialogues, la ville de Guatemala est vue à travers les yeux de José, qui promène sa douleur jusqu'à vouloir rechercher Luis dans son village. Une quête vaine, toute empreinte de pudeur, même dans les scènes de nudité, de non-dits révélés par l'image proche de celle d'un documentaire. Au-delà de l'histoire d'amour impossible entre deux hommes, c'est une découverte d'un monde insoupçonné, de toute une population qui tente de survivre dans une des villes les plus pauvres du monde et surtout des plus dange-reuses. En toile de fond impressionniste, la circulation chaotique, la religion, catholique avec ses processions, les évangélistes et leurs messes chantées, les manifestations d'étudiants, ou encore les maras, des gangs de rue qui règnent en toute impunité dans la ville. Li Cheng n'insiste pas sur le contexte, mais à travers les yeux de José nous le fait. Les différents personnages, Luis, José, sa mère, sa grand-mère, sont profondément attachants dans leur vie limitée par la pauvreté et la violence. Le film a reçu plusieurs récompenses dans les festivals dont le QueerLion du festival de films de Venise en 2018.