APPLIS VS SANTÉ MENTALE
Grindr, Scruff et cie, ces applications de rencontre pour les hommes gais, bisexuels et transgenres réunissent chaque jours plusieurs millions d’utilisateurs à travers le monde. Selon le psychiatre Jack Turbay, ces applis permettent de trouver des partena
Ce spécialiste du genre et de la sexualité à la faculté de médecine de l'université Harvard étudient de près les applications de rencontres depuis leur apparition pour savoir si elles affectent la santé mentale des utilisateurs et si c’est le cas comment elles les affectaient. Lui-même homosexuel, Turbay s’est donc retrouvé à naviguer parmi des centaines de profils –«actifs / Tops», «passifs / bottoms», «baise maintenant» ou «relation sérieuse»– dans le but de comprendre un peu plus les conséquences de l'utilisation de ce type d’application. Sur son profil Grindr, il «cherche des hommes qui souhaitent parler de leurs expériences». Il choisit des profils «à un kilomètre de chez lui» et pose deux questions: «Pourquoi passez-vous autant de temps sur cette appli?» et «Estce que vous pensez que cette application à un effet négatif sur vos relations amoureuses et sur votre santé mentale?». À partir des réponses de centaines d’utilisateurs, il croit nécessaire de réfléchir sur les potentiels effets néfastes de Grindr et cie sur la santé mentale des hommes gais, bi et queer.
PLUS C'EST FACILE, PLUS C'EST ADDICTIF
La plupart des hommes qu’il a interrogé expliquent qu’avec Grindr ou Scruff les rapports sexuels sont littéralement à portée de main –ou de doigt. En quelques swipes, il est possible de trouver un partenaire sexuel.
Des neuroscientifiques ont étudié le cerveau masculin pendant l’orgasme et ont découvert que les zones du plaisir étaient activées alors que celles consacrées à la maîtrise de soi étaient inactives. Ils en ont conclu que l'orgasme était aussi addictif que l'héroïne ou la cocaïne. Selon Turbay, les utilisateurs auraient alors tendance à associer les applis au plaisir et à se re-connecter inlassablement pour activer leur système de récompense.Le psychiatre souligne que ce type de comportement peut mener à un autre type de dépendance: «Tout comme Facebook, Grindr fonctionne sur le principe de la machine à sous: à chaque connexion, il est impossible de savoir sur quoi on va tomber». Cette surprise pousse les utilisateurs à se connecter le plus souvent possible.
UN MOYEN TEMPORAIRE DE SE SENTIR MIEUX
Les recherches de Jack Turbay exposent une toute autre façade de cette application: les utilisateurs se connectent quand ils se sentent triste, anxieux ou seuls. Grindr est un moyen de panser ses plaies et le sexe est une parfaite
distraction. En 2017, une étude révélait que les hommes homosexuels ont tendance à être plus dépressifs que les hétérosexuels. Pour nombre d'utilisateurs, les messages échangés sur l'application et les rapports sexuels aideraient à combler un vide émotionnel mais comme l'explique Turbay, ce n'est que temporaire: «Certains utilisateurs m'ont raconté qu'ils se sentaient encore moins bien après avoir fermé Grindr ou après avoir couché avec quelqu'un». De nos jours, il est encore difficile pour la communauté LGBTQ de trouver un partenaire. «Le seul endroit où je trouve des hommes gais c'est sur Grindr et en boîte de nuit. La plupart du temps on couche d'abord ensemble et ensuite on propose un deuxième rendez-vous. Maintenant, j'ai ne sais même plus si je peux avoir une relation normale», indique un utilisateur. Malgré tout, tous les utilisateurs de Grindr ne sont pas foncièrement déprimés ou accros. Comme pour les autres réseaux sociaux, tout dépend de l'utilisation que l'on en fait et de l'individu qui l'utilise. «J'ai parlé avec plusieurs hommes qui avaient rencontré l'amour grâce à Grindr. Il y en a aussi qui utilisent l'application pour trouver des partenaires sexuels et qui ne souffrent d'aucune conséquence négative», souligne le psy, pour qui il est temps que des études à plus grande échelle soient effectués sur les répercussions de Grindr sur la santé mentale des utilisateurs. CARTIER LOGAN