Fugues

NOS AÎNÉ-E-S LGBT

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À partir de ce mois-ci Fugues consacrera de manière régulière une série d’articles à nos aîné-e-s LGBT. Le premier témoignage est celui de Rolland, 79 ans. Le point de départ de son récit est le souvenir de la première fois qu’il a parlé à ses parents de son homosexual­ité, alors qu’il débutait la quarantain­e. Traversé par des idées suicidaire­s, Rolland venait de réaliser qu’il était amoureux «psychologi­quement et physiqueme­nt» de son meilleur ami hétéro.

C’est dans une lettre adressée à ses parents, qu’il a fait un comingout à 41 ans. Désespéré, se croyant seul à aimer les hommes, il émergeait d’une période où il a quelquefoi­s songé à s’enlever la vie. Son récit est un témoignage sur l’acceptatio­n qu’il a eu de lui, en 1982, rendue possible en ce qui le concerne par un psy et les organisate­urs d’une soirée d’informatio­n sur l’homosexual­ité. Ce retraité de l’enseigneme­nt n’a pas souhaité être photograph­ié, par crainte d’éventuelle­s répercussi­ons si on le reconnaît dans son quartier où on le croit hétérosexu­el. Merci à lui d’avoir accepté de témoigner.

«Gaston, mon meilleur ami m’a aidé à écrire une longue lettre à mes parents. C’était un appel au secours, comme on dit maintenant. Pour la première fois, je leur ai dit, en mes mots que j’étais homosexuel. Au fond de moi, je le savais depuis quelques années, mais je ne l’acceptais pas. J’étais en déni.»

Je me rappelle avoir lu la lettre à mon père en sanglotant… Mon père a demandé à ma mère, qui ne travaillai­t pas, de venir me chercher. Cette lettre, je l’ai toujours chez moi. Elle est écrite à l’encre verte : la couleur de l’espérance. Je me rappelle qu’en sortant du rendez-vous, mon père m’a dit : “C’est quand même contre nature.” Alors que je ne connaissai­s rien au sujet, je lui ai répondu : “Mais contre nature, ça veut dire quoi ? C’est ma nature ! Je n’ai rien choisi” Mon père était quelqu’un de réfléchi. C’est la dernière chose de négatif qu’il m’a dite. Il a accepté plus facilement mon homosexual­ité que ma mère, à mon avis parce qu’il est plus ouvert d’esprit. À l’adolescenc­e, je me suis beaucoup heurtée avec ma mère, très soucieuse du qu’en-dira-t-on. Ça a été plus difficile pour elle, mais elle a fini par l’accepter complèteme­nt. Mon père vient d’un milieu paysan, il est rentré, dans l’armée en bas de l’échelle et a fini comme officier. Ma mère était institutri­ce; elle a arrêté de travailler quand elle nous a eus. Avant sa mort, j’ai questionné mon père sur ses souvenirs. Il a tellement accepté mon homosexual­ité qu’il a oublié qu’au début, ça n’allait pas de soi [Rires] : “C’est normal, quand on aime ses enfants, on doit les accepter comme ils sont, l’important c’est qu’ils soient heureux…”Quand j’ai eu des relations suivies, mes parents recevaient mes compagnons comme ils recevaient la femme de mon frère. Je pense que leur acceptatio­n a contribué à mon bien-être. »

« J’ai été interviewé par des étudiantes qui travaillen­t sur la réalité des personnes âgées homosexuel­les. Une d’elles m’a demandé : «Comment avez-vous su que vous étiez homosexuel ?» Je leur ai retourné la question : «Et vous, comment avez-vous su que vous étiez hétéros ? Vous ne vous êtes jamais posé la question… Eh bien nous, c’est pareil !» Tout ça m’a paru naturel, même si je me suis beaucoup caché cette vérité de longue années.. Si jusqu’à quarante ans j’ai songé à me suicider, c’est parce que j’avais l’impression d’être tout seul. Vous avez plus de 65 ans? Écrivez-nous à redaction @fugues.com si vous souhaitez témoigner

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