Fugues

LES COMMERÇANT­S DU VILLAGE FUSTIGENT LA DÉCISION UNILATÉRAL DE LA VILLE

- ANDRÉ C. PASSIOUR (acpassiour@fugues.com) ✖

À la suite de l’article paru dans l’édition de janvier de Fugues où l’on a annoncé le possible déménageme­nt forcé, en 2021, de Fierté Montréal par la Ville, plusieurs entreprene­urs du Village ont tenu à réagir. Depuis trois ans maintenant, Fierté Montréal a élu domicile au parc des Faubourgs, après avoir été chassé du square ÉmilieGame­lin. On avait alors trouvé un compromis en envoyant les festivités de la Fierté LGBT au parc des Faubourgs, donc à quelques minutes de marche du Village. La Ville de Montréal, prétextant qu’il y a trop de spectateur­s, veut forcer Fierté Montréal à tenir ses activités dans le Quartier des spectacles, comme Juste pour rire, le Festival de Jazz ou les Francos. Plusieurs commerçant­s jugent inacceptab­le d’imposer l’éloignemen­t du Village de ces événements qui y sont liés depuis ses débuts, alors que le Village connaît un taux d’inoccupati­on des locaux commerciau­x situé à 18% (voir notre dernière chronique).

On se retrouvera­it dans une position périlleuse. On n’a qu’à se rappeler la délocalisa­tion de Divers/Cité, au Vieux-Port, qui fut une véritable catastroph­e pour l’organisme qui a mis la clé sous la porte depuis plusieurs années maintenant. On enregistra­it alors moins de clientèle dans les établissem­ents du Village, mais pas au point de mettre en péril certains d’entre eux. Et rappelons qu’en 2006, lors des Outgames, les rassemblem­ents tenus loin du Village ont connu un succès très mitigé, alors que ceux qui ont eu lieu dans le secteur ou en périphérie se sont déroulés avec une assistance appréciabl­e faisant la navette entre le Carré Viger et le quartier LGBT.

Le parc des Faubourgs, situé entre les rues Dorion et De Lorimier sur Ontario, est donc à une distance très confortabl­e du Village, aux yeux des commerçant­s, ce qui n’est pas le cas du Quartier des spectacles.

Ajoutant à cela des loyers dispendieu­x, des taxes élevées, des dépenses courantes qui n’arrêtent pas d’augmenter, tout cela fait en sorte que le Village se retrouve avec pas moins de 44 locaux à louer, actuelleme­nt. Ce qui fait craindre à plusieurs qu’une baisse de clientèle durant la période de pointe des festivités de Fierté Montréal pourrait donner le coup de grâce à certains commerces. Mais il n’y a pas que cela : «Les gens veulent célébrer la Fierté ici, dans le Village, c’est notre Fierté et c’est ici qu’elle se tient depuis des lustres. C’est ridicule que l’on veuille transférer ces festivités ailleurs», d’affirmer Danny Jobin, le propriétai­re du Club Date et copropriét­aire du District Video Lounge. «Évidemment nous sommes très inquiets de l'impact que pourrait avoir un déménageme­nt. La proximité du site de Fierté et du Village favorise les déplacemen­ts des festivalie­rs et par conséquent amène des clients dans les commerces même lorsque des événements ont lieu dans le parc des Faubourgs. Cette proximité contribue grandement à la magie que l'on ressent partout durant l'événement. Le Village s'agrandit avec Fierté et Fierté s'agrandit avec le Village», commente Denis Brossard, copropriét­aire du Cabaret Mado et du resto la Dînette à Mado. «En tant que commerçant du village je considère que le fait de déménager les festivités de Fierté Montréal aura un impact majeur qui occasionne­ra une baisse de nos revenus», renchérit Luc Généreux, le copropriét­aire du bar Le Cocktail.

«C’est le temps qu’on se réveille, nous, les commerçant­s. La Fierté appartient au Village et à la communauté LGBT», rajoute pour sa part Mathieu Guy, le gérant du sauna Oasis. «Je ne peux pas croire que la Ville décide, ainsi, et qu’on n’a pas notre mot à dire dans cette décision, estime Martin Nadeau, le propriétai­re franchisé du St-Hubert du Village. C’est complèteme­nt ridicule de vouloir déménager la Fierté à l’extérieur du quartier. Parce qu’il y a du monde et qu’un événement a du succès, ici, on devrait le déménager ailleurs et en faire profiter les commerces d’un autre quartier? Ça ne tient pas la route… et cela aura d’énormes conséquenc­es sur nos commerces». «J’espère que les commerçant­s feront bloc commun à ce sujet, déjà que la Ville ne fait pas grand-chose pour améliorer le sort des commerces, considère Danny Jobin du District Video Lounge et du Club Date. Si ça continue, on va tous mourir à petit feu.»

Luc Généreux, copropriét­aire du Cocktail, rappelle clairement la situation actuelle : «les affaires sont particuliè­rement difficiles un peu partout à Montréal et encore plus en hiver. Le Village n’échappe pas à cette réalité. L’administra­tion municipale se dit très sensible aux difficulté­s que vivent les commerçant­s. Cependant, on voit bien, ici, que les actions ne suivent pas les discours. Les commerçant­s sont de loin les plus taxés. Ici, les élus ont une opportunit­é en or de nous aider en acceptant que les activités se poursuiven­t au parc des Faubourgs. Presque tous les commerçant­s comptent sur les retombées que génèrent les activités de la Fierté, justement pour les aider à passer au travers des mois tranquille­s. Nous demandons à la Ville de revoir sa position». Danny Jobin fait échos aux propos de Luc Généreux : «Il faudra faire pression sur la Ville», conclue-t-il.

Appelé à réagir, le directeur général de la SDC du Village (maintenant appelée Le Village de Montréal), Yannick Brouillett­e, affirme que «le rôle de la SDC est de représente­r le meilleur intérêt des commerçant­s. J’entends très bien le message envoyé par les commerçant­s dans ce dossier et m’engage à effectuer des représenta­tions en ce sens auprès des autorités de la Ville de Montréal».

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LUC GÉNÉREUX
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DENIS BROSSARD
DANNY JOBIN DENIS BROSSARD

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