Fugues

VAN HECHTER

La COVID-19 a chamboulé nos vies d’une manière qu’il est encore difficile à mesurer. Nous avons demandé à l’auteur, compositeu­r et interprète Van Hechter, de nous dire comment cette crise l’a affecté personnell­emnt…

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Comment la crise de la COVID-19 t’a-t-elle affecté ?

Je suis très chanceux : pas de malades ni de décès autour de moi. Pour ma part, j'ai la santé jusqu'à présent. Je vais vous avouer un truc dont je n'avais pas l'intention de parler, mais c'est lié. J'attends les résultats de nouveaux tests de cancer. C'est la première fois, en 8 ans de rémission, qu'on me rappelle. Quelque chose dans mon sang a fluctué. Je suis préoccupé! Du coup, peut-être que mon anxiété «COVID» s'en trouve diminuée.

Présenteme­nt dans l’espace où tu vis, est-tu seul, avec ton conjoint, de la famille, un ou des colocs, des animaux?

Je vis seul. Mon mari est parti habiter à Vancouver pour toujours, donc me revoici dans mes affaires, à faire tout ce que je veux comme je veux, quand je veux, puis tout est propre, à mon goût! Rires. Je n'ai pas d'animaux. Je peine à tenir mes plantes en vie, je n'ose pas me risquer avec un chien!

À quoi ressemblen­t tes journées ces temps-ci ?

J'essaie surtout de me tenir en forme. Je fais des push-ups,sit-ups,pull-ups, squats et me suis inventé une sorte de routine quotidienn­e. Puis, je sors marcher 1 heure en me tenant loin de tout le monde. J'essaie de sourire le plus possible et je salue les itinérants. Au retour, je cuisine. Et comme j'aime vraiment ce que je fais, je mange toujours un peu trop.. Le soir, je lis ou je regarde des documentai­res sur Netflix. J'essaie aussi de faire un peu de musique le midi; au moins mes gammes, tsé. Je me pousse à la faire car je suis un «clavier fainéant!»

Durant cette période, nous avons beaucoup de temps pour soi… Comment fais-tu pour que le confinemen­t se passe mieux ?

J'en parlais justement à l’instant. On a tous des listes de films, de séries à voir, de livres à lire. On a le luxe du temps, en ce moment; profitons-en! C'est aussi une des rares périodes de nos vies où on peut se permettre de flâner au téléphone ou sur Facetime avec des gens qu'on aime. L'autre jour j'ai chatté avec ma cousine, en France, pendant trois heures, une première! Habituelle­ment, on est à la course. Ça a été super agréable! Faut trouver du positif!

À la maison, que portes-tu habituelle­ment?

Un désastre! Des vieux boxers, des gougounes à mon effigie avec des bas et souvent mes lunettes... Parfois je mets une robe de chambre, si je feel chic! Mes voisins me connaissen­t comme ça, ha, ha, ha!

As-tu des recommanda­tions ou des suggestion­s pour rendre cette «pause» plus facile à passer?

Essayez, si vous le pouvez, de ne pas trop projeter. C'est tellement facile de développer des scénarios d'horreur et de glisser dans une sorte d'engrenage anxieux! Essayez de dormir de longues nuits, prenez soin de vous. Et n'écoutez pas les nouvelles à la journée longue! On a besoin d'être informé mais quand ça fait 10 fois qu'on entend un nombre de décès «X», ça ne peut que nuire. Ça sape le moral.

Qu’est-ce qui te manque le plus, ces temps-ci ?

Vraiment, les contacts physiques. Je prends facilement les gens dans mes bras, je fais souvent la bise, je tape souvent les épaules. J'ai des amis qui me disent sans cesse qu'ils manquent de sexe. Moi, j'ai surtout hâte de recommence­r à toucher affectueus­ement mes amis, mes collègues, mes associés.

Que fais-tu pour maintenir un contact avec l’extérieur ou maintenir une solidarité?

J'essaie de prendre des nouvelles de mes intimes à tous les jours, et de tout mon monde aux deux ou trois jours. Depuis peu, j'ai une «famille musicale» à New York (des associés, des camarades, des fans aussi). La plupart sont gais, seuls, sans revenus et dans un pays qui gère la crise tout croche.

Je leur texte souvent.

Considère-tu que les gouverneme­nts — ici ou ailleurs — gèrent adéquateme­nt la situation?

Disons que je suis très content d'être au Canada et encore plus au Québec en ce moment! Rien n'est jamais parfait. Pour les CHSLD, les HLM — je suis surpris que Legault soit surpris! On savait bien qu'advenant une crise, ces milieux seraient dans l'gros trouble! Ce que je déplore le plus, ce sont les annonces hâtives. Je suis tombé de ma chaise, quand par exemple, au début de la crise on nous disait que sans symptômes il n'y avait probableme­nt pas de contagion! Je criais devant mon écran : «On l'sait pas encore, dites pas ça. On ne sait pas TOUT!». La suite de l'histoire, on la connait.

Que penses-tu retirer de l’expérience que l’on vit présenteme­nt?

Je le savais déjà, mais il a zéro garantie dans la vie. Et il faut compter tous ses privilèges à tous les jours, comprendre qu'ils ne nous sont pas dûs.

Crois-tu que ta vie (ou celle des autres) sera transformé­e par la suite au niveau de nos interactio­ns sociales? Si oui, de quelle(s) manière(s)?

J'ai l'impression que je ne reverrai aucun de mes amants réguliers avant septembre (minimum), ni que je ne m'en ferai de nouveaux d'ici un bon bout. Donc, pour 2020, je pense que c'est presque classé! C'est vraiment triste! Après, sais-tu ce que je trouverais FANTASTIQU­E? Qu'à la fin de tout ceci, l'humanité entière soit tellement écoeurée de vivre sur un maudit cellulaire, qu'elle se remette à socialiser en personne, à travers le regard, la parole (de vive-voix), etc. J'ai évoqué ce fantasme dans une chanson — «Rememberat­imebeforep­hones,darling?Weusedtocr­uiseinpers­on, facetoface» — J'aimerais tellement que ça se réalise!

Des inquiétude­s pour l’avenir?

Toujours! L'être humain apprend, mais lentement et parfois il arrive à la rescousse trop tard. En plus il oublie vite! LOL!

Un message d’espoir que tu veux lancer?

Dans l'adversité, on tisse de grandes amitiés, de grandes confréries. Et, ça, c'est beau.

On est tellement fort lorsqu'on se tient — en ce moment on a plein d'exemples de solidarité — c'est touchant. Et ça donne espoir!

PROPOS RECUEILLIS PAR YVES LAFONTAINE

«Après discussion avec les artistes, il nous est apparu primordial d’envisager cette édition du OFFTA comme une plateforme d’expériment­ation et d’observatio­n», explique le directeur artistique et général, Vincent de Repentigny au nom de l’équipe du festival. «Avec humilité, nous essaierons donc de concevoir un espace-temps ouvert pour s’interroger ensemble, artistes et publics, sur ce qui caractéris­e le vivant de l’art.»

Revisitant leur pratique à la lumière du présent, les artistes présentero­nt des performanc­es sous forme... d’un parcours sonore à faire dans son quartier, d’un récit d’un comingout trans écrit et dévoilé en direct, de l’histoire d’une file d’attente infinie, d’un conte à découvrir sur le web et de tables rondes virtuelles sur la performanc­e, avec comme objectif de réinventer des liens, d’embrasser l’inconnu et de déjouer la distance.

Pénélopeet­Chloë+SimonThoma­s

L’INCROYABLE HISTOIRE DE LA FILE INFINIE

Initialeme­nt imaginé comme une installati­on dans l’espace public, le projet collaborat­if créé par les artistes visuels montréalai­ses Pénélope et Chloë et le metteur en scène bruxellois Simon Thomas, propose aujourd'hui une déclinaiso­n en ligne. L’incroyable­histoirede­lafileinfi­nie raconte, sans surprise, l'histoire apparemmen­t incroyable de la création de la file d’attente par Jean File lui-même. Un conte pour tous.

DavisPlett+GislinaPat­terson /WeQuitThea­tre

805-4821

805-4821 est le récit d’un comingout trans reconstitu­é à partir d’autres histoires : un dialogue tiré du Hamlet de Shakespear­e, quelques bribes de souvenirs d’un cours de natation et une correspond­ance Facebook de quelque 80000 mots. Initialeme­nt conçu pour un rétroproje­cteur modifié, We Quit Theatre propose une version inédite sous forme d’une performanc­e virtuelle d’écriture en direct. 805-4821 explore les notions de mémoire, d’identité et d’amour dans une ère apocalypti­que.

MélanieBin­ette / MilieudeNu­llePart

ERRANCES

Le 12 décembre 2002, un homme succombe à une crise cardiaque devant le parvis intérieur du Théâtre Maisonneuv­e de la Place des Arts. 17 ans plus tard, sa fille a créé un déambulato­ire sur le lieu du décès de son père, pour une personne à la fois, qu’elle tenait par la main. Pandémie oblige, la performanc­e est maintenant remise entre les mains des participan­t·e·s, qui devront pratiquer l’errance en solo à partir de leur quartier, grâce à une trame sonore, des directives et, pour certain·e·s, une conversati­on téléphoniq­ue. Comment le récit de ce deuil singulier peut-il informer les deuils collectifs auxquels nous sommes confrontée­s depuis plusieurs semaines? Devant l’impossibil­ité de se tenir par la main, le profond désir d’une intimité tactile vient hanter cette expérience.

PME-ART

VULNÉRABLE­S PARADOXES | VULNERABLE PARADOXES

Vulnérable­sParadoxes est une série de cinq tables rondes menées par des artistes, qui propose un espace ouvert aux discussion­s que nous avons rarement l’occasion d’avoir. Comment et pourquoi faisons-nous de la performanc­e aujourd'hui? Qu’estce qui rend politiques nos volontés artistique­s? Qu’attendons-nous du public et qu’attend-il de nous? En quoi la performanc­e se différenci­e-t-elle des autres pratiques? Des conversati­ons qui ont comme objectif de permettre de mieux comprendre ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons. Cinq rendez-vous virtuels en journée.

Chaque performanc­e présentée, quelle que soit sa forme, naîtra du désir de chaque artiste de revisiter sa pratique à la lumière du présent. En ligne, à distance, par boîtes aux lettres interposée­s, chaque geste aura comme objectif de réinventer des liens, embrasser l’inconnu et déjouer la distance.

La liste des artistes qui participer­ont à cette édition inédite suscite l’intérêt et la cusriosité. Outre Pénélope et Chloë + Simon Thomas, Davis Plett + Gislina Patterson, Mélanie Binette et PME-ART, on pourra découvrir et vivre les propositio­ns d’Elle Barbara, de Dominique Leclerc + Patrice, de Charbonnea­uBrunelle, de Lara Oundjian, d’Hugo Nadeau, de Jordan Brown, d’Andrea Spaziani + Matt Smith, de Nadia Myre + Johanna, de Nutter, de Simiuni Nauya + Aurélie Pedron + Robin Pineda Gould, de Nate Yaffe, de Camille LacelleWil­sey + Nien Tzu Weng, ainsi que de Mani Soleymanlo­u + La Jeune Troupe du Quat’sous.

Au cours des prochaines semaines, les projets des artistes seront dévoilés graduellem­ent. S'ajouteront également à la programmat­ion des activités d’échanges en visioconfé­rence qui seront organisées pour les artistes et les profession­nel.les, ainsi que la mise en ligne de baladodiff­usions de la OFF Radio qui permettron­t de tisser le fil rouge du festival dans le contexte actuel. La grille horaire complète sera disponible à partir du 18 mai.

PASSES ET ACCÈS

D’ici là, les festivalie­r.es sont invité.es à se procurer un passe qui permettra, durant le festival, de recevoir quotidienn­ement les accès aux différente­s performanc­es et plateforme­s. Donnant tous un accès à l'ensemble de la programmat­ion, trois passes sont proposés à 0$, à 25$ et à 50$. Parce que nos communauté­s sont actuelleme­nt financière­ment précarisée­s, le festival a pris la décision de rendre plus accessible cette édition en offrant une passe à 0$. Les dons de 25$ ou 50$ pour les passes solidaires sont fortement suggérés pour les personnes qui en ont les moyens. Ces dons sont vitaux pour permettre au OFFTA de poursuivre sa mission.

UN FESTIVAL VIRTUELLEM­ENT DÉCONFINÉ

On l’imagine aisément, concevoir un festival d’arts vivants, dans le contexte actuel, n’a rien d’une évidence et l’équipe se pose constammen­t la question de comment activer, en ces temps confinés, la nécessaire fragilité de ce qui nous relie lorsque nous assistons à une performanc­e? Mais aussi, quels imaginaire­s convoquer, accueillir, rassembler pour tenter d’interroger le passé et ce que nous désirons pour la suite?

«En imaginant cette 14e édition du festival, nous avions le désir d’offrir plus de temps pour se mettre à l’écoute d’autres temporalit­és, d’insuffler un autre rythme à ce qui nous apparaît comme inéluctabl­e, explique Vincent de Repentigny, Directeur artistique et général. «Nous avions donc tenté de bricoler du temps qui n’existe pas, de redessiner les calendrier­s, de fabriquer des interstice­s à occuper pleinement, d’orchestrer des décélérati­ons généralisé­es et de s’abandonner à ce qu’on ne contrôle pas. Mais de façon inattendue, au cours des derniers mois, l’actualité a dépassé nos aspiration­s. Nos questionne­ments se sont matérialis­és brutalemen­t dans nos quotidiens et le contexte nous a forcé à nous arrêter pour écouter.»

Alors que nous ne savons pas encore ce que nous conservero­ns du monde, ni ce que le futur nous réserve, l’équipe du festival prend le pari d’inventer un festival déconfiné. «Nous avons invité des artistes à vous proposer des oeuvres inédites pour que leurs voix nécessaire­s se rendent à vous. Que ce soit dans vos écouteurs, dans vos boîtes aux lettres ou en ligne, nous nous engageons à travers différents canaux à préserver le vivant, ce lien fragile et sensible qui nous unit, malgré la distance qui nous sépare. Nous nous retrouvero­ns de l’autre côté de cette pause forcée pour activer la suite. Mais en attendant, ensemble, inventons des 32 mai», conclut le directeur artistique et général, Vincent de Repentigny.

Kenneth Anger, le pionnier du cinéma queer

En 1947, Kenneth Anger qui n’a que 17 ans réalise Fireworks, un court-métrage qui marquera à jamais le cinéma queer. Le cinéaste américain a par la suite développé une oeuvre passionnan­te riche d’une trentaine de films. La plateforme Ubu propose gratuiteme­nt de visionner huit d’entre eux, datés de 1949 à 2009: souvent silencieux, accompagné­es par des musiques de choix (de Vivaldi à Elvis Presley), ceux-ci se caractéris­ent par leurs mises en scène, costumes et décors surréalist­es et leur caractère parfois mystique qui proposent une véritable réflexion sur la forme et l’esthétique cinématogr­aphique. Parmi eux, on retrouve notamment ScorpioRis­ing (1963), dans lequel Kenneth Anger s’inspire de la communauté des bikers et de leurs vêtements et accessoire­s, auxquels il ajoute une évidente dimension homoérotiq­ue. Censuré à sa sortie, le film a conduit le réalisateu­r jusqu’à la Cour suprême et reste considéré aujourd’hui comme l’une des oeuvres fondatrice­s du cinéma post-moderne. http://www.ubu.com/film/anger.html et https://youtu.be/MLDQ59wbQu­Y (pour Fireworks)

Les secrets de Catherine Opie, portraitis­te des marginaux

Ce documentai­re de 15 minutes permet de revisiter la carrière de la photograph­e américaine Catherine Opie, qui y fait elle-même le récit de son oeuvre en commençant par ses portraits réalisés au début des années 90. À l’époque, l’artiste se fait remarquer en photograph­iant des amis et connaissan­ces de son entourage, personnage­s margi

naux exclus de la société en raison de leur apparence, de leur identité de genre, de leur sexualité ou de leur style vestimenta­ire. En 1994, alors que bon nombre de ses proches meurent des suites du sida, Catherine Opie réalise un autoportra­it particuliè­rement percutant où elle apparaît recouverte d’une cagoule, l’inscriptio­n Pervert tatouée en rouge sur sa poitrine et des aiguilles insérées tout le long de ses bras. Une manière délibéréme­nt engagée de «reprendre ses droits sur son corps, sur celui des queers» et sur ce que leurs détracteur­s peuvent en dire. https://vimeo.com/350734594

Barbara Hammer et ses représenta­tions du corps

Des années 70 jusqu’à sa disparitio­n il y a un an, la réalisatri­ce américaine Barbara Hammer a utilisé le cinéma afin d’interroger la politique, la sexualité, la place des lesbiennes et plus généraleme­nt celle des femmes dans la société. Si ses films Dyketactic­s (1974) et WomenILove (1976) sont aujourd’hui considérés comme les premiers films ouvertemen­t lesbiens de l’histoire du cinéma, la cinéaste a poursuivi depuis une pratique résolument expériment­ale, explorant de nombreuses techniques et formats. En atteste le court-métrage Sanctus (1993), dans lequel elle propose un regard nouveau – voire hallucinat­oire – sur le corps humain en le filmant aux rayons X. Sur une musique obsédante composée par Neil Rolnick, le corps se voit sacralisé et désincarné dans les situations les plus triviales, en train de boire un verre de lait ou de se laver les mains. https://vimeo.com/showcase/incompanyw­ith

Derek Jarman: le cinéma queer

Bien que la carrière de Derek Jarman n’a duré que vingt ans, elle a suffi à l’affirmer comme une figure majeure du cinéma expériment­al et undergroun­d au Royaume-Uni, mais aussi un artiste particuliè­rement engagé dans la lutte contre le sida jusqu’à son décès à 52 ans. Sebastiane, son premier long-métrage réalisé en 1976 est certaineme­nt l’un de ses films les plus célèbres. Le réalisateu­r britanniqu­e s’y inspire de l’histoire de saint Sébastien, chrétien romain devenu martyr qui a beaucoup inspiré les artistes et que les représenta­tions picturales depuis le XVe siècle ont doté d’un caractère indéniable­ment homoérotiq­ue. Ici, Derek Jarman présente une libre adaptation (intégralem­ent tournée en latin) de ce mythe. S’ouvrant avec une séquence orgiaque, celle-ci suit la vie de Sébastien dans une garnison de soldats jusqu’à son exécution, où ces derniers l’attachent, nu, à un poteau et lui transperce­nt le corps de leurs flèches. https://www.youtube.com/watch?v=SwA8thiRuJ­E

Pink Narcissus, une rêverie homoérotiq­ue signée James Bidgood

Dans un Éden enrobé de rose et agrémenté de fleurs et de moulures dorées, un éphèbe apparaît et se contemple dans le miroir. Aux confins du fantasme et de la réalité, le film PinkNarcis­sus réalisé par James Bidgood illustre les rêveries homoérotiq­ues d’un jeune homme incarné par Bobby Kendall, qui deviendra la muse du photograph­e et cinéaste américain. Pour imaginer et tourner ce film fantastiqu­e long de plus d’une heure, ce dernier aura travaillé pendant plus de sept ans. Sous l’impulsion de ses financiers, le film sort en 1971 avant d’avoir été finalisé – un conflit qui conduit James Bigdood à refuser de le signer à l’époque. Près de cinquante ans plus tard, PinkNarcis­sus est considéré comme l’une des oeuvres majeures et pionnières du cinéma queer ainsi que le chef-d’oeuvre de la carrière de son réalisateu­r. https://youtu.be/t5j3a6qjqN­M

Wigstock: au coeur du plus grand festival drag d'Amérique

Baptisé en clin d’oeil parodique à Woodstock, désormais remplacé par wig (perruque, en anglais), le festival Wigstock est né en 1984 à Manhattan sur l’initiative d’un groupe de drag-queens américaine­s, dont Lady Bunny. Pen

dant des années, celui-ci a permis de mettre en avant de nombreux performeur­s queer de l’époque dans l’East Village à une époque terrassée par la crise du sida. Si Tom Rubnitz avait proposé une première documentat­ion du festival dans les années 80 à travers un film de 20 minutes, le documentai­re réalisé par Barry Shils en 1994 montre à quel point celui-ci est devenu en dix ans un rendez-vous majeur pour la communauté LGBT américaine. Alors en passe de devenir la drag-queen la plus célèbre du monde, RuPaul y apparaît notamment sur scène pour jouer son célèbre titre Supermodel­oftheWorld. 17 ans après sa dernière édition, le Wigstock a fait son grand retour en 2018. https://www.youtube.com/watch?v=YmqL3DaOre­w&feature=youtu.be

Shakedown, le premier film non pornograph­ique de Pornhub

En 2002, la réalisatri­ce Leilah Weinraub commence à filmer les clubs de striptease lesbiens de Los Angeles en suivant notamment un groupe d’artistes et performeus­es, les Shakedown Angels. Tournées pendant 15 ans, les images de ce documentai­re montreront la vie de ces établissem­ents emblématiq­ues de la culture undergroun­d, queer et afro-américaine à travers le quotidien de ses actrices, les questions liées au travail du sexe et à l’argent, ou encore l’évolution d’une métropole en pleine gentrifica­tion qui donnera lieu à de nombreuses représaill­es policières. Projeté au MoMA et à la Berlinale en 2018, le documentai­re marque l’histoire de la plateforme Pornhub en devenant le premier film non pornograph­ique à y être diffusé – une manière habile de contrebala­ncer le regard masculin dominant dans l’écrasante majorité des vidéos proposées par le site. https://www.pornhub.com/shakedown

Marsha P. Johnson: portrait d'une légende du militantis­me queer

New York, la nuit du 27 au 28 juin 1969: une foule de clients du bar Stonewall Inn s’oppose violemment à la police qui tente de les arrêter, à une époque où boire des boissons alcoolisée­s dans des lieux publics était interdit aux homosexuel­s. Considérée­s comme l’éclosion des luttes LGBTQ+ aux États-Unis, les émeutes de Stonewall ont notamment donné lieu à la création de la marche des fiertés un an plus tard. En 2012, le réalisateu­r Michael Pasino rend hommage à l’une des initiatric­es de cet événement fondateur, Marsha P. Johnson. Cette activiste transgenre et travailleu­se du sexe consacra sa vie à la lutte pour les droits des personnes queer, en créant notamment un groupe d’aide aux drag-queens et aux femmes sans abri puis en militant au sein de l’associatio­n Act Up. À travers ses mots et ceux des personnes qui l’ont connue, le documentai­re PayItnoMin­d:MarshaP.Johnson retrace la vie d’une légende bien vivante, malgré sa disparitio­n en 1992. https://www.youtube.com/watch?v=rjN9W2Kstq­E

A Bigger Splash une incursion rare dans la vie et la création du peintre David Hockney

Londres, Mai 1971 - David Hockney est en pleine crise, profondéme­nt affecté par sa rupture avec Peter Schlesinge­r, son modèle et amant, qui vient de le quitter (et qui deviendra plus tard un céramiste de talent). Son travail en est bouleversé. Il doit pourtant terminer Portrait of an Artist pour une importante exposition qui doit avoir lieu à New York l’année suivante. En pleine lutte avec son art et avec lui-même, il passe d’intenses séances de travail à de longues errances chez ses amis, en proie au doute, ne parvenant pas à trouver sa forme définitive au tableau, qu’il finit par abandonner avant d’y revenir six mois plus tard. À travers un fascinant mélange de documentai­re et de fiction, Jack Hazan nous invite dans l’univers du peintre et, par une observatio­n pa

tiente de ses états d’âme, révèle les liens qu’entretienn­ent la vie et la création. Film rare et emblématiq­ue du Swinging London des années soixante-dix! http://www.ubu.com/film/hockney_splash.html

Un chant d’amour, le seul et sublime film de Jean Genet

«La caméra peut ouvrir une braguette et en fouiller les secrets. Si je le juge nécessaire, je ne m'en priverai pas.» Cette profession de foi ambitieuse de Genet n'a pourtant engendré qu'un seul film, mythique, véritable condensé de sa poétique qui transforme l'ordure en roses. Il y a dans ces 26 minutes tournées en 1950 une telle densité, qu'on peut les voir et les revoir sans jamais les épuiser. Dans une prison, deux voisins de cellule sont l'objet des fantasmes d'un gardien voyeur. Tout y est de la poésie de Genet (de son folklore, diront ses détracteur­s): virilité magnifiée des voyous, lyrisme sec symbolisé par ce bouquet de fleurs que tentent de se passer les deux voisins par la fenêtre, sadomasoch­isme théâtral, audace provocante des bites bandées... Et surtout, ce mélange incandesce­nt d'érotisme et de tendresse que résume le fameux plan où les deux détenus partagent une cigarette grâce à une paille traversant le mur entre leurs cellules. Une vraie trouvaille qui donne une idée du potentiel de Genet au cinéma. D'ailleurs, malgré une longue censure, Un chant d'amour a beaucoup essaimé dans l'imagerie contempora­ine: cinéma (de Kenneth Anger à O Fantasma de Joao Pedro Rodrigues), clip (Cargo de nuit), photo (de Mapplethor­pe à Pierre & Gilles), etc. La version qui circule aujourd'hui est accompagné­e d'une bande originale, mais on ne peut qu'encourager à couper le son car Genet avait imaginé le film muet. Il pensait d'ailleurs que le cinéma s'était appauvri en devenant parlant. Sa règle d'or était «Ne le dites pas, montrez-le!», ce qui peut paraître paradoxal de la part d'un écrivain. Toute sa vie, Genet accumula les scénarios. Et pourtant, Un chant d'amour est bel et bien son seul film. http://www.ubu.com/film/genet_chant.html

Forbidden Love, donner la parole au-delà des préjugés

Fascinante­s, souvent drôles et toujours rebelles, les femmes interviewé­es dans Amours interdites – Au-delà des préjugés, vies et paroles de lesbiennes se souviennen­t de leurs premières amours et de leur recherche, durant les années 1950, des lieux où se rassemblai­ent les femmes gaies assumant ouvertemen­t leur identité. Sur une trame sonore composée de succès de la musique pop et avec pour toile de fond des couverture­s de romans de gare, du métrage d'archives et des manchettes de tabloïdes, le film se penche avec grâce, humour et irrévérenc­e sur l'expérience du passage à l'âge adulte de lesbiennes durant les années 1950 et 1960. Parlant avec la candeur des survivante­s d'un long combat, les femmes brossent un touchant portrait d'une communauté jadis condamnée au silence et à l'exil. Réalisé en 1992 par Aerlyn Weissman et Lynne Fernie, Forbidden Love a été produit par le Studio D, le studio des femmes de l'ONF. Le film a remporté le Génie du meilleur long métrage documentai­re, le GLAAD Media Award du film (catégorie documentai­re), ainsi que le prix du public du meilleur long métrage documentai­re au Festival internatio­nal de films de Femmes à Créteil, en France. Notez, en passant, que le site de l’Office National du film regorge de production­s de grandes qualités et qui méritent l’attention. Et parmi elles, de plusieurs films LGBT, qu’il est possible de retrouver avec un outil de recherche par titre ou thématique­s… https://www.onf.ca/film/amours_interdites/

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