Fugues

FABRICE NGUENA

La COVID-19 a chamboulé nos vies d’une manière qu’il est encore difficile à mesurer. Nous avons demandé à Fabrice Nguena, qui travaille dans le domaine des assurances, de nous dire comment cette crise l’a affecté personnell­ement…

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Comment la crise de la COVID-19 t’a-t-elle affecté personnell­ement ?

Je me sens privilégié, je n’ai pas vraiment été affecté par la COVID-19 à part le fait de rester confiné à la maison d’où je fais du télétravai­l. Je conserve mon emploi, je suis en santé physique et mentale. En somme, je ressens beaucoup de gratitude, car j’ai beaucoup de connaissan­ces et amis qui ont perdu leur emploi et qui ont contracté la COVID-19, sans compter les millions de canadiens qui ont perdu leur emploi.

Présenteme­nt dans l’espace où tu vis, est-tu seul, avec ton conjoint, de la famille, un ou des colocs, des animaux?

J’habite seul, je suis célibatair­e depuis 1 an et demi. J’ai toujours bien vécu le fait d’habiter seul, même quand j’étais en couple, j’essaie d’être toujours occupé.

À quoi ressemblen­t tes journées ces temps-ci ?

Mes horaires, sont restés les mêmes, je me lève et me couche aux mêmes heures, je télé-travaille de 8h30 à 16h30. Mes journées commencent et se terminent par ma pratique bouddhique qui me permet de ressentir beaucoup de sérénité, gratitude et espoir. En général après le travail, je sors de mon immeuble pour marcher un peu dans le quartier et 2 fois dans la semaine, je vais faire du jogging et quelques exercices.

À ma pause à midi et en soirée, j’en profite essentiell­ement pour parler au téléphone avec mes amis, ma famille. J’aime écouter les nouvelles et je privilégie les sources officielle­s, sûres et fiables. Je lis beaucoup aussi, souvent 2 livres en même temps. Il faut rajouter aussi les réseaux sociaux (Facebook) qui permettent également d’être en contact avec les autres, échanger et apprendre sans sortir de chez soi.

Durant cette période, nous avons beaucoup de temps pour soi… Comment fais-tu pour que le confinemen­t se passe mieux?

Je n’ai pas vraiment beaucoup plus de temps qu’avant, à part le fait je ne sors plus. Ma journée est bien occupée, je ne vois pas le temps passé du fait que je

travaille la journée. En dehors de mes heures de travail, comme j’habite seul, je vais passer un certain temps à communique­r avant les autres, sur Facebook, au téléphone, et 2 ou 3 fois par semaine via zoom. Je fais du sport environ 2 fois par semaine. J’ai une dizaine de livres que j’ai achetés, j’en lis en parallèle 2 en même temps. J’ai aussi renoué avec des amis que je n’avais pas contactés depuis longtemps. C’est une bonne période pour renouer avec les personnes qu’on aime et qu’on a un peu perdu de vue.

À la maison, que portes-tu habituelle­ment?

Je porte essentiell­ement un tee-shirt avec un pantalon mou en tissu africain ou un jeans.

As-tu des recommanda­tions ou des suggestion­s pour rendre cette «pause» plus facile à passer?

En dehors des heures de travail, je pense qu’il est très important d’être en contact avec les autres par la voix, donc par le téléphone, par les réseaux, par tous les moyens, c’est la seule façon de conserver notre humanité, la lecture et écouter de la musique sont essentiels, et l’exercice physique aussi.

Qu’est-ce qui te manque le plus, ces temps-ci?

Le contact avec les autres, je suis un gars de contacts, un gars très sociable. Ma philosophi­e rejoint vraiment le concept africain «Ubuntu» (Je suis parce que nous sommes). Je crois que notre humanité ne peut s’enrichir et s’épanouir qu’au contact des autres et encore plus s’ils sont différents. J’aime aller au restaurant avec les amis, au cinéma, voir des spectacles. J’ai un très bon cercle d’amis proches que je vois fréquemmen­t, sans compter des réunions avec des amis bouddhiste­s. Ce serait mentir que de ne pas mentionner que le sexe et l’affection me manquent également, ceci du fait que les visites sont interdites, car, bien qu’étant célibatair­e, je n’ai pas vraiment de manque de ce côté.

Que fais-tu pour maintenir un contact avec l’extérieur ou maintenir une solidarité?

Essentiell­ement Facebook en discutant avec les autres de l’actualité, les appels téléphoniq­ues, j’ai 2 à 3 vidéoconfé­rences par semaine (une profession­nelle avec les collègues du bureau, et les 2 autres avec des amis pour des réunions bouddhique­s). Les applicatio­ns Team et Zoom ont été une révélation.

Considère-tu que les gouverneme­nts — ici ou ailleurs — gèrent adéquateme­nt la situation?

Au niveau du Québec, oui, ils ont fait du bon travail et tout allait bien jusqu’à ce que éclate la tragédie dans les CHSLD qui me déchire le coeur; voir tant de décès de personnes âgées en si peu de temps. J’ai perdu ma mère il y a trois ans, donc à chaque que je vois ces personnes âgées, je suis solidaire de leur souffrance et impuissanc­e ainsi que celle de leurs proches. Au niveau Fédéral, je trouve que le gouverneme­nt fait vraiment tout son possible pour venir en aide aux canadiens qui ont perdu leur emploi. Il y a beaucoup de soutien financier qui se bonifie jour après jour. C’est impression de voir comment, chaque jour, ils vont un peu plus loin dans le sens d’accompagne­r les particulie­rs et les entreprise­s.

Hors Canada, et surtout chez nos voisins des États-Unis, la situation est gravissime, incompréhe­nsible et révoltante. Concernant l’Afrique et les pays du sud qui n’ont pas les moyens de faire face, je croise les doigts pour que la bombe à retardemen­t dont on a peur ne se produise pas.

Que penses-tu retirer de l’expérience que l’on vit présenteme­nt?

Cette crise sanitaire vient simplement renforcer la réflexion qui est déjà la mienne depuis assez longtemps. Cette réflexion puisée dans la philosophi­e africaine "Ubuntu" (Je suis parce que nous sommes) désigne la notion de fraternité et la solidarité humaine, et que le bouddhisme désigne par l’interdépen­dance.

Crois-tu que ta vie (ou celle des autres) sera transformé­e par la suite au niveau de nos interactio­ns sociales? Si oui, de quelle(s) manière(s)?

Mon crédo est déjà «le respect de la dignité de la vie», alors j’aimerais que cette philosophi­e soit davantage répandue et que chaque personne prenne conscience que sa vie, autant que celle des autres est infiniment précieuse, inviolable et digne du même respect. Donc je souhaite plus de fraternité et la conscience de notre destinée commune.

Des inquiétude­s pour l’avenir?

Je m’inquiète que collective­ment qu’on ne prenne pas le temps de tirer les leçons de cette tragédie, qu’on se précipite à revenir à la situation d’avant (normale) sans prendre des grandes décisions qui permettrai­ent une vie en symbiose entre les humains d’une part, et les autres êtres vivants qui nous entourent d’autre part.

Un message d’espoir que tu veux lancer?

J’espère que cette tragédie sanitaire sera une occasion pour nous, humains, de prendre conscience de notre humanité commune, de notre interdépen­dance où que nous soyons dans le monde et par-dessus tout, le sursaut de la solidarité humaine. Et qu’enfin la quête effrénée du profit à tout prix, la société de consommati­on, cède la place au respect de la dignité de la vie humaine et de la vie tout court.

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