Fugues

DAVID TOUCHETTE

La COVID-19 a chamboulé nos vies d’une manière qu’il est encore difficile à mesurer. Nous avons demandé à Gengis Grenier, infirmier / coordonnat­eur de recherche scientifiq­ue de nous dire comment cette crise l’a affecté personnell­ement…

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Comment la crise de la COVID-19 t’a-t-elle affecté personnell­ement?

Ma vie sociale s'est volatilisé­e. Mes convention­s, mes conférence­s, mes pratiques de judo, mes 5@7, mes amis, tout a disparu du jour au lendemain. Ça été très dur au début de transforme­r ma vie hyperactiv­e en vie d’ermite. Je suis un travailleu­r «essentiel», je continue donc à travailler. Mais l'isolement le soir me tue. Je sais que je ne suis pas à plaindre, mais ça a été très difficile pendant les premières semaines. Un de mes collègues de proximité s'est enlevé la vie et je me suis posé beaucoup de questions. Sur l’un de mes deux emplois, beaucoup de collègues ont été mis à pieds temporaire­ment. S'approvisio­nner en nourriture, accessoire­s de pharmacie et en quincaille­rie est devenue plus difficile. J’ai vendu ma voiture l'année dernière et je le regrette amèrement...

Présenteme­nt dans l’espace où tu vis, est-tu seul(e), avec ton (ta) conjoint(e), de la famille (enfants, parents, autres), un ou des colocs, des animaux?

Seul dans un condo avec 6 animaux — 3 bêtas et 3 petits animaux nains miniatures exotiques — et 9 plantes

À quoi ressemblen­t tes journées ces temps-ci?

Je travaille... et je m'occupe… en réapprenan­t à jouer du piano et en reprenant des cours de base en espagnol... Je m'occupe de mes animaux. J'alimente ma page Facebook et Instagram pour faire sourire mes proches. Je facetime mes amis. Je crée des liens avec mes voisins immédiats.

À la maison, que portes-tu habituelle­ment?

Rires...Mettons que je suis en mode pyjama depuis le confinemen­t.

As-tu des recommanda­tions ou des suggestion­s pour rendre cette «pause» plus facile à passer?

Lire, s’instruire, faire de la formation continue en ligne. Faire le ménage du printemps et redorer mon condo. Éviter de tomber dans de mauvais «patterns», tels que l’alcool ou les drogues. Nous savons que le cristal meth est un problème de longue date dans la communauté et que plusieurs personnes ont fait des efforts monumentau­x pour se sevrer de leur problème de consommati­on. Ce n’est donc pas le moment d’y retomber. Prenez des marches, faites du vélo, méditez, mais ne vous sabotez-pas.

Qu’est-ce qui te manques le plus, ces temps-ci?

Mes entraîneme­nts de combat de judo. Mon équipe sportive était ma «famille montréalai­se» la plus importante. Et elle me manque terribleme­nt. Ceci dit, je me déplace en vélo pour aller travailler afin de pallier la carence d'endorphine.

Que fais-tu pour maintenir un contact avec l’extérieur ou maintenir une solidarité?

En travaillan­t, ça me met en contact avec l'extérieur. J'essaie de facetimer mes proches.

Considère-tu que les gouverneme­nts — ici ou ailleurs — gèrent adéquateme­nt la situation?

Ici, nous n'avons pas de leçons à recevoir de personne. Le gouverneme­nt nous a interpellé précocemen­t, la population a répondu rapidement, à quelques exceptions près. Le gouverneme­nt fédéral a débloqué des fonds rapidement. Et la population a été très participat­ive. Le gouverneme­nt s'attendait à ce que cette pandémie touche les plus vulnérable­s et âgés et en ce moment, c'est difficile sur le moral de voir les statistiqu­es de décès quotidiens. Mais bon, ça aurait été bien pire si les Québécois n'avaient pas écouté dès le départ.

Ailleurs, ils l'ont échappé par endroit. Les pays latins, où les relations de proximité sont plus fortes (partage d'ustensiles, partage de nourriture pendant les repas, les cultures où les gens se font la «bise», et où les gens d'une même famille s'embrassent sur la bouche, ont été sévèrement touchés. Les Québécois ont une culture de «distanciat­ion naturelle».

Que penses-tu retirer de l’expérience que l’on vit présenteme­nt?

Je dépensais beaucoup trop d’argent au restaurant. Je vais décroître mes habitudes de consommati­on. Mes cartes de crédit ont fondu pendant le confinemen­t.

Crois-tu que ta vie (ou celle des autres) sera transformé­e par la suite au niveau de nos interactio­ns sociales? Si oui, de quelle(s) manière(s)?

Les personnali­tés anti sociales ont trouvé leur confort, et ceux comme moi, qui sommes hyper-sociaux, ont apprivoisé des habitudes solitaires. De plus, non seulement qu'il fallait diminuer nos habitudes de consommati­on, mais plusieurs d'entre nous aurons (ap)pris ces habitudes. Cette pandémie en tranquilli­sera certains, mais rendra d’autres alcoolique­s ou drogués, et en débilitera d’autres. Chose certaine, les gens auront une plus longue liste d’excuses pour éviter de voir d’autres gens.

Des inquiétude­s pour l’avenir?

Nous vivons dans un pays riche. Nous sommes au bon endroit, au bon moment. Comparativ­ement au reste de cette planète, nous nous en sortirons mieux. La fabricatio­n de masques artisanaux individuel­s devrait être encouragée selon moi, de sorte à les porter en public lors de la fin du confinemen­t (comme ailleurs dans le monde) afin d’aplatir la 2e courbe/vague lorsqu'elle aura lieu. Avec la fonte progressiv­e de la calotte glacière, nous savons qu'une quantité phénoménal­e de micro-organismes sont libérés dans les océans. Il faut s’attendre à ce que nous ne vivions pas seulement une pandémie de cette ampleur au cours de notre existence.

Un message d’espoir que tu veux lancer?

Ça va aller. La vie est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre. L’être humain s’est toujours adapté à son environnem­ent. PROPOS RECUEILLIS PAR YVES LAFONTAINE

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