Fugues

LA DESCENTE AU SEXGARAGE IL Y A TRENTE ANS

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«Je n'étais ni militant, ni engagé, je n'avais pas une conscience très grande à l'époque, se souvient Puelo Deir, je savais que les gais n'étaient pas acceptés, je savais que j'étais considéré comme un marginal, mais je ne me souciais pas de savoir si les choses pouvaient changer, et encore moins que je puisse participer pour qu'elles changent».

En fait, Puelo est comme beaucoup de jeunes de son époque qui ont relégué leur homosexual­ité dans un recoin de leur vie privée, vivant une vie qui consistait à sortir, à fréquenter les bars, les clubs ou encore les partys privés, les seuls espaces de liberté, mais sous haute surveillan­ce des autorités.

Qu'est-ce qui démarque la descente de police au SexGarage des autres interventi­ons policières, c'est la brutalité avec laquelle les policiers vont intervenir et arrêter les participan­t.es de cette soirée privée qui soi-disant dérangeait par le bruit les voisins, bien qu'il n’y ait, dans la majorité des lieux, que des ateliers fermés la nuit. Mais ce qui démarque surtout, c’est la réaction de beaucoup de gais et de lesbiennes et de quelques personnes trans de ne plus se laisser faire.

Après une manifestat­ion dans le Village le 15 juillet 1990 pour dénoncer la brutalité policière à peine quelques heures après leur interventi­on au SexGarage, un kiss-in est organisé devant le poste de police du centre-ville qui dégénérera. La mobilisati­on pour réagir se fit presque spontanéme­nt. On y retrouva des personnes qui avaient été chassées du SexGarage, des militants d'Act-Up, des militants de quelques groupes gais. «Ce n'était pas des personnes qui avaient l'habitude de travailler ensemble ou, comme moi, qui n'avaient jamais été militants, explique Puelo. Il y avait une diversité de personnes, des lesbiennes, des gais anglophone­s, francophon­es, des personnes trans, les discussion­s étaient musclées, les points de

vue différents, mais il y avait la même volonté d'en finir avec la répression policière. C'était une grande première à Montréal, cela ne s'était jamais fait avant. Mais on a réussi à organiser une grande marche de l'hôtel de ville jusqu'au parc Lafontaine.» Quelques mois auparavant, Puelo Deir avait organisé le Gala des Guilda au défunt bar Le Lézard, on lui a demandé d'organiser un spectacle après la marche. Parmi les artistes qui ont dit oui, il faut souligner la présence de La La La Human Steps en la personne de Louise Lecavalier, soutenant ainsi la marche. «À cette époque, La La La Human Steps était le groupe de danse contempora­ine le plus reconnu à Montréal, se rappelle Puelo Deir, ce qui était extraordin­aire parce que très peu d'artistes à cette époque ne voulaient être associés avec la communauté LGBT.»

Les petites expérience­s dans la création de spectacles conduisent Puelo Deir à être à l'origine avec Suzanne Girard de Divers/Cité, l'ancêtre de Fierté Montréal, qui pendant deux décennies organisera les marches et les spectacles de célébratio­n des communauté­s LGBT, créant une tradition dont le germe a grandi à partir du SexGarage.

«Je considère sans me tromper que le SexGarage est notre Stonewall de Montréal. Il a été un déclencheu­r qui a démontré que nous ne nous laisserion­s plus faire, comme il a été une prise de conscience pour beaucoup de s'engager dans la défense des droits, et quand on voit ce qui se passe ailleurs, je pense que nous nous devons de rester vigilants et solidaires», conclut Puelo Deir.

DENIS-DANIEL BOULLÉ

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