LES BEAUX MÂLES : RENÉ BOLLIGER (1911-1971)
Fidèle à leur habitude, les éditions Au bonheur du jour nous offre l’opportunité de plonger au coeur de l’oeuvre d’un artiste dont certains ignoraient peut-être jusqu’alors l’existence, René Bolliger. Ce côté presque confidentiel s’explique sans doute du fait que ses illustrations érotiques furent bien souvent publiées au coeur d’ouvrages au tirage relativement restreint ou même sous le couvert du manteau. Certaines publications se distinguent même, comme le de Paul Verlaine, en ce qu’il n’existe qu’une seule copie réalisée de manière artisanale ou alors, dans le cas du de Jean Genet, qu’une édition hors commerce. Originaire de Bâle, en Suisse, il oeuvre en France de 1940 et 1970, où il se fait rapidement connaître des amateurs d’art homoérotique. Cette publication longtemps clandestine s’explique également du fait que jusqu’aux années 50, la censure interdisait la publication de contenus à connotation homosexuelle.
René Bolliger a par ailleurs connu un parcours tourmenté. Né d’une mère célibataire et d’un père absent, il se cherche pendant de nombreuses années. En 1934, il se retrouve même en foyer de redressement où on l’affuble d’un diagnostic de «psychopathe homosexuel, moralement déficient». Considérant la position du corps médical de l’époque au regard de l’homosexualité, on peut toutefois s’interroger sur la valeur réelle de l’analyse. Pour l’époque, il ne manquait également pas d’entregent et même d’un certain culot. À preuve, en 1947 il s’acquitte d’une facture de son dentiste en lui proposant un dessin représentant le fils de ce dernier dans une pose non équivoque avec un soin tout particulier consacré à bien représenter l’entrejambe de ce dernier. L’histoire ne dit cependant pas si l’oeuvre finit ses jours dans l’album de famille.
Sa production se distingue par une omniprésence d’hommes bien baraqués aux membres fièrement dressés, le sourire aux lèvres, croquées en plein ébats, dans des poses lascives ou simplement abandonnées les uns contre les autres. Il faut également signaler toute une série de dessins en rose et noir présentant l’enlacement d’hommes caucasiens et d’origine africaine. À noter finalement une importance manifeste accordée à la représentation de couples ainsi qu’aux rencontres à trois ou à quatre. Au risque de faire de la psycho-pop, cette inclinaison pour le «plus de deux» venait peut-être contrebalancer la solitude vécue au cours de ses premières années. L’éditrice Nicole Canet nous présente une superbe édition limitée à 500 exemplaires dans laquelle on retrouve les dessins de l’artiste réalisés entre 1950 et 1970 ainsi que quelques curiosités, dont une singulière carafe en cristal Baccarat gravée d’un couple d’hommes nus. L’ouvrage est accompagné d‘une préface de l’éditrice et d’une biographie ainsi que d’une présentation signées Florent Paudeleux. Comme à son habitude, l’ouvrage se distingue par son extrême qualité tant au regard de la qualité de l’impression, que du choix des oeuvres et de leur présentation. Un incontournable qui rend un hommage bien mérité à un artiste d’exception!
INFOS | LES BEAUX MÂLES : RENÉ BOLLIGER (1911-1971) / NICOLE CANET. PARIS: GALERIE AU BONHEUR DU JOUR, 2020. 263P. DISPONIBLE AUX ÉDITIONS AU BONHEUR DU JOUR • WWW.AUBONHEURDUJOUR.NET
«"Avant le droit de vote" était un angle intéressant pour découvrir comment ces femmes prenaient leur carrière en mains malgré leur dépendance à leur époux… L’année 1940 limite également les droits photographiques», précise Sylvain qui a constitué ce dictionnaire seul, à compte d’auteur et en autoédition. Cet ouvrage ne relate pas moins de 458 vies consacrées à l’art, la musique, le théâtre, la radio, etc., et fait des liens avec leurs proches, etc.
Démêler l’écheveau amoureux et saphique
Membre de notre communauté, bénévole à la Chambre de Commerce LGBT du Québec, Sylvain admet que relever certaines personnalités lesbiennes s’est avéré «un processus plutôt ardu parce qu’au début du 20e siècle, rien n’était officiel et les journaux restaient relativement discrets sur ces questions privées». Ce qui a bien changé depuis…
Par ailleurs, nombre d’entre elles se sont mariées, certainement pour les convenances. Comme Rose Ouellette, la Poune, qui aura une fille, Denise, avec Marcel Dequoy. On pense aussi à la grande amitié d’Yvette Brind’Amour et Mercédès Palomino. Deux couples ressortent toutefois: La pianiste Yvonne Hubert et «sa fidèle compagne, Yvette Lamontagne, violoncelliste» (Le Devoir, 10 juin 1988). Et Marthe Létourneau «et son amie Irène Lafontaine» (La Presse, 11 décembre 1998). Pour les autres, il faut lire leurs vies entre les lignes, parce qu’elles sont restées célibataires ou veuves au long cours, ou sans enfant…
«À moins qu’on ne découvre des journaux intimes, j’ai plus de questions que de réponses, admet l’auteur Sylvain Bazinet. Il y en a sûrement beaucoup d’autres, des personnalités fortes, qui ne voulaient pas s’en laisser conter.»
INFOS | «DICTIONNAIRE DES ARTISTES QUÉBÉCOISES AVANT LE DROIT DE VOTE», DE SYLVAIN BAZINET, À LA LIBRAIRIE L’EUGUÉLIONNE (1426, BEAUDRY, MONTRÉAL) OU SUR SYLVAINBAZINET.CA OU BOUQUINBEC (33$, TAXE ET FRAIS DE PORT EN SUS).