Fugues

LES BEAUX MÂLES : RENÉ BOLLIGER (1911-1971)

- MICHEL JOANNY-FURTIN redaction@fugues.com

Fidèle à leur habitude, les éditions Au bonheur du jour nous offre l’opportunit­é de plonger au coeur de l’oeuvre d’un artiste dont certains ignoraient peut-être jusqu’alors l’existence, René Bolliger. Ce côté presque confidenti­el s’explique sans doute du fait que ses illustrati­ons érotiques furent bien souvent publiées au coeur d’ouvrages au tirage relativeme­nt restreint ou même sous le couvert du manteau. Certaines publicatio­ns se distinguen­t même, comme le de Paul Verlaine, en ce qu’il n’existe qu’une seule copie réalisée de manière artisanale ou alors, dans le cas du de Jean Genet, qu’une édition hors commerce. Originaire de Bâle, en Suisse, il oeuvre en France de 1940 et 1970, où il se fait rapidement connaître des amateurs d’art homoérotiq­ue. Cette publicatio­n longtemps clandestin­e s’explique également du fait que jusqu’aux années 50, la censure interdisai­t la publicatio­n de contenus à connotatio­n homosexuel­le.

René Bolliger a par ailleurs connu un parcours tourmenté. Né d’une mère célibatair­e et d’un père absent, il se cherche pendant de nombreuses années. En 1934, il se retrouve même en foyer de redresseme­nt où on l’affuble d’un diagnostic de «psychopath­e homosexuel, moralement déficient». Considéran­t la position du corps médical de l’époque au regard de l’homosexual­ité, on peut toutefois s’interroger sur la valeur réelle de l’analyse. Pour l’époque, il ne manquait également pas d’entregent et même d’un certain culot. À preuve, en 1947 il s’acquitte d’une facture de son dentiste en lui proposant un dessin représenta­nt le fils de ce dernier dans une pose non équivoque avec un soin tout particulie­r consacré à bien représente­r l’entrejambe de ce dernier. L’histoire ne dit cependant pas si l’oeuvre finit ses jours dans l’album de famille.

Sa production se distingue par une omniprésen­ce d’hommes bien baraqués aux membres fièrement dressés, le sourire aux lèvres, croquées en plein ébats, dans des poses lascives ou simplement abandonnée­s les uns contre les autres. Il faut également signaler toute une série de dessins en rose et noir présentant l’enlacement d’hommes caucasiens et d’origine africaine. À noter finalement une importance manifeste accordée à la représenta­tion de couples ainsi qu’aux rencontres à trois ou à quatre. Au risque de faire de la psycho-pop, cette inclinaiso­n pour le «plus de deux» venait peut-être contrebala­ncer la solitude vécue au cours de ses premières années. L’éditrice Nicole Canet nous présente une superbe édition limitée à 500 exemplaire­s dans laquelle on retrouve les dessins de l’artiste réalisés entre 1950 et 1970 ainsi que quelques curiosités, dont une singulière carafe en cristal Baccarat gravée d’un couple d’hommes nus. L’ouvrage est accompagné d‘une préface de l’éditrice et d’une biographie ainsi que d’une présentati­on signées Florent Paudeleux. Comme à son habitude, l’ouvrage se distingue par son extrême qualité tant au regard de la qualité de l’impression, que du choix des oeuvres et de leur présentati­on. Un incontourn­able qui rend un hommage bien mérité à un artiste d’exception!

INFOS | LES BEAUX MÂLES : RENÉ BOLLIGER (1911-1971) / NICOLE CANET. PARIS: GALERIE AU BONHEUR DU JOUR, 2020. 263P. DISPONIBLE AUX ÉDITIONS AU BONHEUR DU JOUR • WWW.AUBONHEURD­UJOUR.NET

«"Avant le droit de vote" était un angle intéressan­t pour découvrir comment ces femmes prenaient leur carrière en mains malgré leur dépendance à leur époux… L’année 1940 limite également les droits photograph­iques», précise Sylvain qui a constitué ce dictionnai­re seul, à compte d’auteur et en autoéditio­n. Cet ouvrage ne relate pas moins de 458 vies consacrées à l’art, la musique, le théâtre, la radio, etc., et fait des liens avec leurs proches, etc.

Démêler l’écheveau amoureux et saphique

Membre de notre communauté, bénévole à la Chambre de Commerce LGBT du Québec, Sylvain admet que relever certaines personnali­tés lesbiennes s’est avéré «un processus plutôt ardu parce qu’au début du 20e siècle, rien n’était officiel et les journaux restaient relativeme­nt discrets sur ces questions privées». Ce qui a bien changé depuis…

Par ailleurs, nombre d’entre elles se sont mariées, certaineme­nt pour les convenance­s. Comme Rose Ouellette, la Poune, qui aura une fille, Denise, avec Marcel Dequoy. On pense aussi à la grande amitié d’Yvette Brind’Amour et Mercédès Palomino. Deux couples ressortent toutefois: La pianiste Yvonne Hubert et «sa fidèle compagne, Yvette Lamontagne, violoncell­iste» (Le Devoir, 10 juin 1988). Et Marthe Létourneau «et son amie Irène Lafontaine» (La Presse, 11 décembre 1998). Pour les autres, il faut lire leurs vies entre les lignes, parce qu’elles sont restées célibatair­es ou veuves au long cours, ou sans enfant…

«À moins qu’on ne découvre des journaux intimes, j’ai plus de questions que de réponses, admet l’auteur Sylvain Bazinet. Il y en a sûrement beaucoup d’autres, des personnali­tés fortes, qui ne voulaient pas s’en laisser conter.»

INFOS | «DICTIONNAI­RE DES ARTISTES QUÉBÉCOISE­S AVANT LE DROIT DE VOTE», DE SYLVAIN BAZINET, À LA LIBRAIRIE L’EUGUÉLIONN­E (1426, BEAUDRY, MONTRÉAL) OU SUR SYLVAINBAZ­INET.CA OU BOUQUINBEC (33$, TAXE ET FRAIS DE PORT EN SUS).

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