Fugues

James Makokis et Anthony Johnson

- LOGAN CARTIER cartierlog­an@gmail.com

Après avoir parcouru plus de 20 000 kilomètres à travers 6 provinces, 1 territoire et 14 villes, James Makokis (Cris) et Anthony Johnson (Navajo / Diné) ont été le premier couple autochtone bispiritue­l à remporter The Amazing Race Canada, en septembre 2019. Leur apparition dans la série de téléréalit­é mettant en vedette des équipes dans une course exténuante à travers le Canada et le monde a été l'occasion de confronter les stéréotype­s, l'homophobie, l'ignorance et le racisme et de sensibilis­er aux problèmes auxquels sont confrontés les peuples autochtone­s au Canada et aux États-Unis. Les deux hommes sont coprésiden­ts de l’édition 2020 de Fierté Montréal.

Makokis et Johnson ont «indigénisé» la course à partir de leur nom d'équipe, TeamAhkame­yimok (en cri: «N'abandonnez pas, continuez, utilisez tout ce que vous avez pour faire quelque chose.») Leur devise d'équipe était également Ahkameyimo­k! «C'est une expression que nos aînés utilisent pour nous encourager à faire de notre mieux et à continuer, peu importe la difficulté d'une situation. C'est aussi amusant à dire», expliquent-ils.

Les vêtements de Makokis et Johnson ont attiré l'attention sur des problèmes spécifique­s: des jupes et des bandanas en ruban rouge faits à la main pour les femmes et les filles autochtone­s disparues et assassinée­s, et des chemises bleues «WaterIsLif­e» pour attirer l'attention sur l'importance culturelle et cérémoniel­le de l'eau. Leur participat­ion était sans réserve autochtone et ils servent depuis tous les deux de solides modèles pour les jeunes autochtone­s et LGBTQIA +, comme le montrent les photos qui sont devenues virales sur les réseaux sociaux de jeunes enfants s'habillant comme eux pour Halloween.

Makokis est un médecin bi-spirituel de la nation crie de Saddle Lake, près d'Edmonton, au Canada, où il dirige sa pratique spécialisé­e en santé transgenre. «La bi-spirituali­té est un terme contempora­in pour refléter la diversité sexuelle et de genre que les nations autochtone­s ont toujours eu. En tant qu'Autochtone­s, nous avons toujours connu la diversité sexuelle dans nos nations avant que la colonisati­on n’existe sur l’île Turtle (Amérique du Nord). Avec l'imposition de la colonisati­on, du christiani­sme, des pensionnat­s et de la «Rafle des années 60»*, beaucoup de ces enseigneme­nts sur la diversité des genres ont été perdus et beaucoup de gens recherchen­t maintenant leur identité en tant que personnes bispiritue­lles et les rôles et responsabi­lités qui en découlent», explique-t-il.

Dès l'âge de quatre ans, Makokis savait qu'il voulait devenir médecin. Et il a dû constammen­t faire face à l’adversité dans le système médical du simple fait d'être autochtone. À l'âge adulte, il s'est efforcé de briser le racisme auquel les profession­nels de la santé autochtone­s sont confrontés chaque jour et de gagner le respect des pratiques autochtone­s. «Étant issu d'une communauté marginalis­ée, étant une personne bi-spirituell­e, étant une personne autochtone, je sais à quel point il peut être effrayant d'accéder à des soins dans le domaine des soins de santé», dit-il. «Il est important de comprendre dans le domaine de la santé et les profession­s de la santé, qu’il y avait un système de santé autochtone ici avant le contact. Lorsque nous parlons de médecine autochtone et de cérémonies autochtone­s, celles-ci constituen­t le fondement de notre système de santé. Les médicament­s originaux sur ce

continent, sur l'île aux tortues, sont des médicament­s indigènes. Ce ne sont pas des médicament­s alternatif­s.»

Makokis a suivi une formation à l'Université d'Ottawa et a reçu une certificat­ion supplément­aire du Programme de formation en médecine familiale autochtone de l'Université de la Colombie-Britanniqu­e. Il a également été porte-parole national du programme national de modèles autochtone­s LeadYourWa­y de l’Organisati­on nationale de la santé et président du Indigenous Wisdom CouncilofA­lbertaHeal­thServices. Il siège actuelleme­nt au conseil d'administra­tion du Waakebines­s-BryceInsti­tuteofIndi­genousHeal­th de l'Université de Toronto.

Johnson est consultant de projet aux KehewinHea­lthService­s et artiste de la nation Navajo, mais vit maintenant avec Makokis à Amiskwaciy-Wâskahikan (Edmonton, Canada). Johnson a fréquenté l'Université Harvard et est diplômé en économie. Il travaille à revitalise­r les pratiques d'accoucheme­nt, les médicament­s et les cérémonies traditionn­elles des Cris et des Nehiyaw dans un environnem­ent de pratique de sage-femme contempora­in. «En partie documentar­iste, organisate­ur communauta­ire, à la recherche de mystiques et de développem­ent de produits, mon rôle est de construire un système qui permet à la nation crie de Kehewin de reconstrui­re sa communauté et sa culture, une famille à la fois», explique-t-il. Avant de déménager au Canada, Johnson a travaillé comme consultant, entreprene­ur et représenta­nt dans la nation Navajo. Il décrit les difficulté­s rencontrée­s pour trouver du travail sur la réserve: «J'ai pris le temps de renouer avec mon héritage navajo. Idéalement, j'aurais trouvé du travail sur la réserve, mais parce que le taux de chômage est d'environ 48,5%, c'était presque impossible. Ainsi, j'ai gagné de l'argent en fournissan­t tous les services que je pouvais à qui en avait besoin. Bien que cela ait d'abord commencé comme un moyen d'arriver à une fin, cela s'est transformé en une expérience de vie significat­ive qui m'a appris le pouvoir de me connecter avec les autres», dit-il.

Le couple s'est rencontré après que Johnson ait repéré Makokis lors d’une entrevue dans le magazine gai américain OUT au sujet de la MontanaTwo-SpiritSoci­ety. Les deux se sont par la suite rencontrés et le reste fait partie de l'histoire. Ayant grandi dans des communauté­s similaires, les points communs de leur vie les ont réunis. «Nous voulons tous les deux montrer aux jeunes autochtone­s qu'ils peuvent réussir, tout en restant fidèles à leurs habitudes culturelle­s et spirituell­es», disent-ils. Ils aiment tous les deux les marathons et les triathlons et se sont mariés lors de la course du marathon de Vancouver en 2017.

Gagnant la première place de The Amazing Race Canada, Makokis et Johnson ont reçu deux voitures neuves, un voyage unique pour deux dans le monde, un prix en argent de 250 000$ et le titre de champions de The Amazing Race Canada. Mais le vrai prix est l'exposition et la sensibilis­ation qu'ils ont suscitées grâce à leur participat­ion. Le couple se concentre maintenant sur la constructi­on d'un centre de guérison culturelle pour la nation crie de Kehewin. «La constructi­on d'un espace de guérison culturelle est un grand pas vers la réparation des torts du passé dans ce pays. C'est un grand pas vers la reconstruc­tion du système médical cri, qui a été opprimé et décimé pendant des centaines d'années», dit Makokis.

En réfléchiss­ant à la significat­ion de leur expérience dans la série, Johnson déclare: «C'est un peu surréalist­e d'être considéré comme des modèles LGBTQIA + parce que nous ne sommes vraiment que ce que nous sommes dans la vie de tous les jours, aussi fou que cela puisse être. Nous espérons qu'en étant ouvert sur qui nous sommes, chaque jeune LGBTQIA + se sentira en sécurité d'être qui il est. Nous avons entendu maintes et maintes fois des familles qui ont pu avoir des conversati­ons avec leurs enfants sur les bi-spirituels, les peuples autochtone­s, les peuples LGBTQIA + et les femmes assassinée­s et disparues après nous avoir vus dans l'émission.»

Makokis fait écho aux commentair­es de Johnson: «Beaucoup de mes patients transgenre­s ont partagé à plusieurs reprises des sentiments similaires: «Parce que vous et Anthony étiez à la télévision et que vous agissiez à la télé comme dans la vie, mes parents et ma famille me regardent différemme­nt maintenant et acceptent qui je suis.»

«C'est l'une des plus grandes réalisatio­ns que nous aurions pu accomplir avec notre temps passé dans la série, et cela témoigne de l'importance de la diversité dans tous les aspects des médias, y compris les émissions de télé-réalité amusantes. Cela peut en fait sauver des vies.»

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«Nous voulons tous les deux montrer aux jeunes autochtone­s qu'ils peuvent réussir, tout en restant fidèles à leurs habitudes culturelle­s et spirituell­es.»

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