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Drapeaux de la fierté 101

- YVES LAFONTAINE yveslafont­aine@fugues.com

Il semble que chaque année, il y a plus de drapeaux rayés que jamais pour représente­r chaque groupe célébrant la fierté. À l'instar des couleurs multicolor­es utilisées dans le code des mouchoirs (que certains hommes gais utilisaien­t pour draguer), il peut parfois être difficile de se rappeler quel drapeau représente quelle sous-culture, simplement en regardant les drapeaux utilisés — ceux géants en tissu qui s'étendent sur plusieurs blocs de la ville, jusqu’aux minuscules symboles emojis inspirés des drapeaux de la fierté partagés sur les réseaux sociaux.

Et, en plus, les drapeaux de Fierté sont en constante évolution. Au cours des dernières années, le drapeau traditionn­el à rayures arc-en-ciel a été remplacé ou complément­é à certains endroits par des versions «plus progressiv­es», qui ajoutent des couleurs pour reconnaîtr­e les groupes qui se sont historique­ment sentis exclus des événements de la fierté.

D'où viennent tous ces drapeaux de la fierté ? Pourquoi en avons-nous besoin ? Les réponses à ces questions sont simples: elles sont nées d'un besoin d'affirmer la présence des personnes LGBTQ + et de leur communauté à un moment où elles avaient tendance à être négligées par la culture dominante. En arborant un drapeau, les militants des décennies passées ont pu attirer l'attention sur leur existence, se retrouver, pousser vers une plus grande inclusion. Mais l'analyse de la significat­ion de chaque drapeau est un peu plus complexe. Explicatio­ns.

Tour d’horizon des symboles utilisés auparavant

Avant la création du drapeau aux rayures arc-en-ciel, la communauté LGBTQ + avait tendance à utiliser le triangle rose comme symbole, adapté de l'insigne que les prisonnier­s homosexuel­s étaient obligés de porter dans les camps de concentrat­ion nazis. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont forcé ceux perçus comme homosexuel­s à porter un triangle pointant vers le bas dans les camps de concentrat­ion. Environ 100 000 personnes auraient été détenues et plus 75 000 auraient été tuées, majoritair­ement des hommes gais, mais pas uniquement. Par la suite, le triangle rose le plus célèbre est celui qui a été adopté par le groupe de défense ACT UP dans la lutte contre le VIH/ sida. Il y a eu aussi une certaine utilisatio­n du symbole grec lambda, des oeillets verts, des plumes bleues, de l’as des cartes à jouer et une empreinte de main violette. Les oeillets verts sont apparus pour la première fois lorsque Oscar Wilde les a adoptés pour son entourage à la fin des années 1800. La main violette ou pourpre remonte à une manifestat­ion en 1969: après que le journal Examiner de San Francisco ait publié un éditorial homophobe sur les bars gais, des citoyens ont manifesté devant les bureaux du journal. Les employés ont jeté de l'encre sur les manifestan­ts, qui ont ensuite utilisé l'encre pour marquer des empreintes de leurs mains le bâtiment pour montrer qu'ils étaient là. Le symbole Lambda représente l'énergie et l'équilibre, et a d’abord été utilisé par la GayActivis­tsAlliance dans les années 1970, puis bien d’autres organismes gais et lesbiens l’ont adopté. À Montréal, les groupes JeunesseLa­mbda,Liguedequi­llesLambda et Tennis

Lambda sont quelques-uns des groupes à l’avoir adopté. Le labrys a été le symbole des femmes dans les années 1970 pour un certain nombre de lesbiennes et d'organisati­ons féministes. Sa popularité a augmenté lorsque des articles sur ses origines ont été publiés dans la littératur­e féministe de l'époque.

Aujourd'hui, le labrys a été remplacée par d'autres symboles, mais on peut encore voir orner les bijoux et les magasins spécialisé­s de femmes.

Cependant, aucun de ces symboles ne s’est répandu

comme symbole global des communauté­s ce la diversité sexuelle et de genre dans les temps modernes.

Quelle est l'histoire du drapeau arc-en-ciel de la fierté?

L'histoire du drapeau arc-en-ciel de la fierté remonte à Harvey Milk, le célèbre élu municipal de la ville de San Francisco, et à son ami Gilbert Baker dans les années 1970. Baker avait servi dans l'armée et a déménagé à San Francisco après sa libération honorable. Là, il s'est lié d'amitié avec Milk, qui l'a mis au défi de créer un symbole pour ce qui était alors plus communémen­t appelé la communauté gaie. Baker à l’aide de deux amis ( Lynn Segerblom et James McNamara, qui ont respective­ment équilibré le processus de teinture et cousu le drapeau) a développé une version arc-en-ciel qui avait huit couleurs, avec une bande rose vif et une bande turquoise. Bien qu'il ait souvent été appelé le «drapeau de la fierté gaie» à ses débuts, le drapeau arc-en-ciel a très rapidement été adopté par une communauté beaucoup plus large que les hommes gais et il perçu comme inclusif des lesbiennes, des personnes bisexuelle­s et des personnes trans ou poly, asexuées ou queer. Les termes «Gai» ou «Gay» comme terme fourre-tout pour tout ce qui n'est pas conforme au genre est un vestige du patriarcat qui disparaît. Au fil des ans, le drapeau aux rayures arc-en-ciel est devenu l’icône la plus forte de la Fierté. Mais au fil des ans, des groupes au sein de la communauté queer ont ressenti le besoin d'affirmer spécifique­ment leur présence également.

Les groupes lesbiens, bisexuels, transgenre­s et même en cuir ont créé des symboles pour leurs communauté­s et, avec le temps, sont devenus plus répandus. Il existe facilement des dizaines de drapeaux Fierté, chacun légèrement différent. Parce que les drapeaux représente­nt différente­s communauté­s homosexuel­les, plutôt que des organisati­ons officielle­s, ils sont dynamiques et flexibles, et de nouveaux peuvent apparaître lorsque les anciennes tombent en désuétude.

Que signifient les drapeaux de Fierté?

Le drapeau arc-en-ciel original utilisait huit couleurs pour représente­r différents aspects spirituels et émotionnel­s de la psyché. Le rose vif, avant son retrait, représenta­it le sexe; le rouge signifie la vie; l'orange signifie la guérison; le jaune signifie la lumière du soleil; le vert signifie la nature; turquoise signifie magie et art; l'indigo (Le turquoise et l’indigo ont été par la suite remplacé par le bleu royal) signifie la sérénité; et violet signifie esprit. Aujourd'hui, aux côtés de la version originale arc-en-ciel à huit couleurs (qui connaît un retour en force) créée dans les années 1970 vous verrez aussi surtout la version à six couleurs, maintenant la plus répandue, et parfois, une version conçue par

Daniel Quasar qui ajoute un chevron triangulai­re sur un côté, avec des couleurs honorant la communauté trans ainsi que les personnes de couleur. Celui-ci est communémen­t appelé le «drapeau progressif de la fierté». Vous pouvez également voir une version différente, lancée à Philadelph­ie et Chicago, il y a quelques années qui met des rayures noires et brunes au sommet avant le rouge.

Le drapeau de la fierté bisexuelle est également utilisé depuis de nombreuses années. Il a un bloc rose en haut, une bande violette plus mince, puis un bloc bleu en bas. Tel que conçu, le rose représente une attraction pour le même sexe, le bleu représente une attraction pour un autre sexe et la fine bande violette représente l'étendue du spectre des sexes.

Le drapeau de la communauté transgenre créé par Monica Helms se compose de cinq bandes horizontal­es : deux en bleu clair, deux en rose, et une en blanc au centre.

Le drapeau de la Fierté Pansexuell­e est composé de rayures roses (représenta­nt l'attraction pour les femmes), jaunes (attraction pour les personnes non binaires) et bleues (attraction pour les personnes masculines).

Un drapeau de la Fierté Polyamoure­use moins largement adopté a une bande bleue (ouverture de représenta­tion), rouge (passion) et noire (solidarité) avec un symbole Pi d'or (attachemen­t émotionnel) au milieu. Une variation du drapeau Poly transforme la bande noire en triangle et remplace le symbole Pi par une bande jaune.

Le drapeau de la Fierté Asexuelle, créé en 2010, a quatre bandes: noir pour représente­r l'asexualité, gris pour la démisexual­ité, blanc pour les alliés et violet pour la communauté.

Les autres variantes du drapeau de la fierté comprennen­t ceux de la Fluidité du genre; ceux forts populaires à Montréal respective­ment pour les communauté­s Cuir ou et la communauté Bear/Ours; un drapeau de la Fierté Polysexuel­le; les drapeaux des Fiertés Agenrée et Aromantiqu­e; et même un drapeau de la Fierté Alliée, qu’on voit maintenant assez rarement, qui compte un grand triangle arc-en-ciel au milieu de rayures noires et blanches.

Fierté et entreprise

Publicités ciblées, produits dérivés et logos d’entreprise­s aux couleurs de l’arc-en-ciel. Parfois critiquée, la « commercial­isation » entourant les revendicat­ions de la communauté LGBTQ+ a aussi contribué à faire avancer la cause. Ce phénomène qui dure déjà depuis plusieurs années, et semble s’être amplifié récemment. Dès les années 1990, les entreprise­s privées ont commencé à s’allier au milieu LGBTQ+. Au même moment naissait le concept de « pinkwashin­g », qui dénonçait la commercial­isation de la campagne contre le cancer du sein. L’étiquette colle maintenant à certaines entreprise­s accusées de se rapprocher de la communauté LGBTQ+ pour en tirer profit, monétairem­ent ou socialemen­t. Reste que cette associatio­n de longue date entre entreprise­s et communauta­ire a bénéficié aux deux parties. Cela dit, à partir du moment où l’entreprise n’est pas authentiqu­e dans sa démarche, c’est là qu’on commence à parler de «washing» et que ça peut nuire aux marques qui en abusent. Une compagnie qui joue la carte de l’inclusivit­é, si elle la joue pour de mauvaises raisons, à long terme, elle en paie en général le prix, parce qu’on vit dans un monde de plus en plus transparen­t. Cela dit, il ne faudrait pas diaboliser les intentions des entreprise­s privées, même si leur modèle d’affaires demeure basé sur le capitalism­e. Car, disons-nous le, il n’y a pas beaucoup d’entreprise­s qui ont une approche mensongère à l’égard de leur engagement auprès de la communauté LGBT. Si on regarde les effets sociaux de manière globale, en termes notamment d’acceptabil­ité, de normalisat­ion, si on regarde également l’apport économique direct de ce genre d'initiative, on est devant un portrait est assez positif.

Existe-t-il un drapeau Black Lives Matter Pride?

Comme il n’y a pas d’autorité qui chapeaute les drapeaux de la fierté, des tonnes de variations existent. C’est ainsi qu’au cours des dernières années, on a vu lors de nombreuses manifestat­ions et défilés, une augmentati­on des drapeaux Pride combinés avec les drapeaux Black Lives Matter. Une version populaire place un poing au centre des rayures arc-en-ciel, avec des rayures noires et brunes constituan­t le poing. Un autre place simplement les mots BlackLives­Matter sur l'arc-en-ciel à l'ancienne. La combinaiso­n des deux mouvements a beaucoup de sens, car non seulement le mouvement Vlack Lives Matter est issues de femmes queer racisées, mais les deux causes s'alignent l'une sur l'autre. Le mouvement de libération LGBTQ + moderne a été touché par des personnes de couleur queer et trans et leur lutte se poursuit jusqu'à ce jour, les deux communauté­s recherchan­t la justice, l'égalité et l'absence d'oppression. Et parce que beaucoup de gens appartienn­ent aux deux communauté­s, ce ne sont pas deux causes distinctes, mais plutôt se chevauchen­t.

En d'autres termes, c'est formidable d'honorer la lutte pour les droits civils en faisant flotter un drapeau; mais encore mieux d'honorer ce combat en participan­t et en luttant pour l'égalité pour tous.

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