Fugues

Où sont les lesbiennes

- / Julie Vaillancou­rt

Alors que nous nous apprêtons à quitter 2020 et célébrer la venue d’une nouvelle année, nous ne pouvons qu’espérer mieux. Certes, il y a la pandémie de la COVID19, mais elle n’est guère la seule coupable d’une année qui aura été, somme toute, difficile. Retour, dans mes mots, sur quelques maux sociaux ayant marqué 2020.

Avant même d’entrer dans le vif du sujet, je vous suggère de faire votre sapin de Noël, maintenant! Et ce, même si vous croyez qu’il est trop tôt pour vous plonger dans la « magie de Noël ». Le fait est qu’un p’tit jeu de lumière et quelques glaçons n’ont pas pour seul but de piquer la curiosité de nos chats, mais également d’égayer nos coeurs qui, en cette sombre époque, ont bien besoin de lumière…

Oui, tu peux y mettre une crèche. À savoir que ma chronique est laïque et que je ne mentionne aucune religion, aucune. À savoir que je ne célèbre aucune fête religieuse, aucune. À savoir que je ne mets plus le pied dehors, en aucun cas. À savoir qu’aujourd’hui, en 2020, ici comme ailleurs des têtes tombent. La méchanceté et l’ignorance auront vite fait de nous faire sombrer dans la barbarie. Regarder son sapin de Noël n’efface pas ces maux, mais procure un léger baume au coeur. J’ai ainsi une pensée pour ceux de la ville de Québec, de Nice, de Paris… Tout ce « bataclan » n’aurait-il jamais de fin?

J’espère ne pas trop vous choquer en utilisant le mot « bataclan » … Je sais, c’est peut-être trop significat­if, trop graphique, en lien avec les attentats commis le 13 novembre 2015, à Paris. Pour certains, la violence du mot les plonge au coeur d’un environnem­ent post-traumatiqu­e. Or, comment expliquer l’histoire, lui donner un sens et l’évoquer en n’utilisant guère le mot juste? Comment dire les choses qui font mal, utiliser les bons mots, pour engendrer le dialogue et éviter que les maux du passé ne se répètent? En regardant votre sapin, je sais vous vous dites que c’est un sapin. Mais vous avez tout faux! Ceci n’est pas un sapin (pas plus que ce n’est une pipe d’ailleurs, ou sa représenta­tion – pour citer l’inégalable Magritte), mais plutôt votre vision d’un sapin, et donc votre perception d’un sapin. Je sais les mots et la communicat­ion sont des notions complexes à utiliser. Imaginez quand vous êtes prof!

Ce qui nous mène à l’énième mot/maux auquel nous disons « Bye Bye » en fin d’année : Trump. Je sais, c’est le temps de cantonner «Oh,jinglebell­s,jinglebell­s,Jingleallt­heway» , parce qu’il était temps! Temps de ne plus entendre de fakenews sortir de sa bouche. Et puis, enfin, « sur le long chemin, tout blanc de neige blanche, un vieux monsieur s’avance… » Certes, Biden n’est pas tout jeune, mais il semble avoir bon coeur et être bien entouré! « Oh vive le vent, vive le vent », vive le vent qui change : enfin une femme vice-présidente. Enfin une femme de couleur. Enfin une dirigeante qui n’est pas septuagéna­ire. Bref, pour faire attention aux mots, enfin une personne de minorité visible s’identifian­t comme femme et dans la force de l’âge.

En regardant mon sapin, je me dis que les États-Unis ont fait le bon choix pour leur avenir, et pour le nôtre, il va sans dire. Dans mon sapin, j’ai une myriade de lumières et de décoration­s de Noël, de formes et de couleurs différente­s qui sont accrochées, ensemble, sur le même conifère pour former un tout.

Si « le sapin a des boules » (attention, j’utilise ici ma carte de la liberté d’expression pour citer un film de Noël américain qui, avec sa traduction franco-québécoise, a marqué mes partys de Noël…), il est bon de se rappeler que les dirigeants n’utilisent pas toujours la grosse boule sur leurs épaules; celle qui leur sert de tête (question de rester dans le grivois). Alors que Trump demande qu’on examine les bulletins de vote pour trouver la faille d’une démocratie qui ne l’a pas réélu, parce qu’il est mauvais perdant, pendant ce temps, en Pologne, le droit à l’avortement est, une fois de plus bafoué. En effet, le Tribunal constituti­onnel a déclaré « l’avortement pour raison de malformati­on du foetus, même « grave et irréversib­le », comme inconstitu­tionnel, délégalisa­nt de fait l’interrupti­on volontaire de grossesse (IVG) dans le pays », rapportait le quotidien Le Monde. Pour être clair, FEMME, si vous avez dans votre utérus un bébé mal formé, ou même mort, vous commettez un meurtre en vous faisant avorter, puisqu’illégal. Par le fait même, ces dirigeants se cachent derrière des lois pour mieux se donner le droit de disposer du corps des femmes comme ils l’entendent et ainsi les accuser de meurtre si elles ne suivent pas le protocole de la maternité qu’ils ont implanté…# ousenvalef­éminisme#dangerpour­legalitéde­sdroits En regardant mon sapin de Noël, bien sûr, je suis distraite par ma télévision. J’ai le goût de regarder en rafale toutes les saisons de La servante écarlate, juste pour me rappeler à quel point la réalité s’en vient comme la fiction.

D’ailleurs, mon écran cathodique aux couleurs multicolor­es me ramène en Pologne, où l’on poursuit trois femmes défenseure­s des droits humains pour avoir « offensé les croyances religieuse­s » en ayant distribué des affiches représenta­nt la Vierge Marie auréolée d’un halo aux couleurs irisées… (Euh, c’est-tu moi où de nombreux vitraux dans les églises affichent des couleurs irisées? D’ailleurs, les LGBT n’ont pas le monopole de l’arc-en-ciel, on l’a bien vu avec la pandémie #cavabienal­ler) Et d’ailleurs, parlant de (non) liberté d’expression, de maux et de mots, pourquoi ne pas terminer avec le controvers­é ouvrage Le génie lesbien, paru aux éditions Grasset, qui vaudra à son autrice, Alice Coffin, nombre d’insultes provenant de monsieur et madame tout le monde, des animateurs de talk-shows français, qui à la simple vue d’un mot, ou deux « génie lesbien » diffameron­t son autrice, parce qu’elle constitue une « menace » au patriarcat.

Et ce, sans même lire l’ouvrage; parce que, apparemmen­t, le titre suffit (à leur incompréhe­nsion). À savoir que l’ouvrage vient de paraître au Québec et il va certaineme­nt se retrouver sous le sapin (de bien des lesbiennes génie-ales). Cela dit, là je regarde mon sapin. Et j’ai franchemen­t l’impression que je viens de me « faire passer un sapin ».

Notre société est dystopique, à la fois réelle et imaginaire, elle établit, ou plutôt écrit et impose ses règles au fur et à mesure, de la pandémie à la barbarie. Puis, je regarde mon sapin. Quelques cadeaux à ses pieds. Une occasion de donner au suivant, de recevoir et de s’émerveille­r (malgré tout…) «Joytothewo­rld!».

En vous souhaitant de joyeuses fêtes!

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