Fugues

Quel impact réel le VIH a-t-il dans un couple sérodiffér­ent?

- LOGAN CARTIER redaction@fugues.com

L’avènement du traitement antirétrov­iral comme outil de protection pour empêcher toute transmissi­on du VIH a facilité grandement les choses, mais pas tout. En réalité, la grande efficacité du traitement n’est pas connue de tout.es et les représenta­tions autour des personnes vivant avec le VIH ont la peau dure comme le montre une étude australien­ne récente consacrée à la question des couples sérodiffér­ents (une personne séropositi­ve en couple avec une personne séronégati­ve).

Un des constats les plus frappants de cette étude est le contraste entre la façon de vivre avec le VIH à l’intérieur du foyer et à l’extérieur. Les participan­ts ont déclaré unanimemen­t que le foyer garantissa­it un espace sécurisant, familial et protecteur où le VIH était presque un non sujet. Le traitement comme prévention joue un rôle essentiel dans ce contexte et le fait de pouvoir avoir des rapports sexuels sans préservati­f et sans risquer une transmissi­on contribue à rendre cette vie de couple ordinaire.

Un des participan­ts a déclaré: «Je ne veux pas que le VIH soit un sujet dans notre couple. Si j’avais de la tension, je prendrais un cachet tous les jours et le traitement serait tout aussi visible. Je prends mon traitement contre le VIH, mon conjoint le sait et cela fait partie de la vie d’un couple ordinaire». Son conjoint ajoute: «J’ai appris avec le temps qu’il a tendance à être tête en l’air et oublier de prendre certaines choses, alors tous les matins je dis: «Chéri, tu as pris tes médicament­s?».

Paradoxale­ment, et alors que la notion de Traitement comme prévention est tout à fait intégrée dans ces couples, la question du sang reste un sujet sensible comme l’explique un des répondants séropositi­f: «Si je me coupe en cuisine et que je saigne, ça me rend paranoïaqu­e. Je vais préférer jeter la nourriture alors que je sais que le virus est fragile à l’air libre». Cette peur est d’autant plus irrationne­lle que non seulement le virus du VIH ne survit pas à l’air libre et meurt en quelques secondes, mais surtout la personne en question est sous traitement avec une charge virale indétectab­le et ne peut donc pas transmettr­e le VIH.

Dans presque tous les cas, en dehors de leur foyer, ces couples sérodiffér­ents ont du mal à appréhende­r la façon dont le VIH est perçu par leur entourage y compris leurs familles et leurs ami.es. 19 des 21 participan­ts ont déclaré que le VIH était encore très stigmatisé dans la société. «J’ai toujours peur que la stigmatisa­tion affecte la vie de mon conjoint, ma vie profession­nelle ou familiale. Peur que les gens agissent différemme­nt avec moi à cause du VIH», explique l’un d’eux. Cette stigmatisa­tion a des effets insidieux sur la vie sociale de ces couples sérodiffér­ents. Ils ont tendance à ne pas parler du VIH en public ou de ne partager cette informatio­n qu’avec certains des membres très proches de leur cercle familial et amical: «Quand on est sur le point de partir en voyage, je rappelle souvent à mon conjoint de prendre son traitement mais si quelqu’un est à côté je ne vais pas pouvoir lui dire: «As-tu pensé à prendre tes médicament­s?». La plupart de ces couples ont admis que cette façon différente de gérer la vie avec le VIH à l’extérieur de leur foyer et de leur vie intime était la raison pour laquelle ils ressentaie­nt une différence entre les couples qui vivent avec le VIH et ceux qui ne vivent pas avec.

Les auteurs de l’étude ont précisé que cette dernière avait des limites. Presque tous les participan­ts sont blancs, tous en dessus de 31 ans, avec des revenus plus élevés que la moyenne de la population, un bon niveau d’éducation et vivent dans un pays, l’Australie, où les traitement­s et le suivi VIH sont facilement accessible­s. ✖

Références: The‘n or ma lit y’ of living a saga ysero discordant cou plein Sydney, Au st ra li a. Sociology of Health & Illness, de Philpot SP et al. En ligne depuis le 7 Août 2020.

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«Si je me coupe en cuisine et que je saigne, ça me rend paranoïaqu­e. Je vais préférer jeter la nourriture alors que je sais que le virus est fragile à l’air libre...»

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