Fugues

Bilan et souhaits de la COCQ-SIDA

- KEN MONTEITH, directeur général

Nous pouvons dire que 2020 fut une année hors de l’ordinaire et loin de répondre à nos attentes.

La pandémie de la COVID-19 a bousculé l’ensemble de notre société, mais vous n’avez pas besoin de mes observatio­ns pour bien comprendre ce fait. Les organismes communauta­ires de lutte contre le VIH/sida, le VHC et les ITSS ont répondu à ce nouveau défi avec toute leur créativité, leur savoir-faire et, surtout, leur engagement envers leurs communauté­s.

Au début de la pandémie, ils ont travaillé très fort à obtenir du matériel de protection pour leurs équipes dédiées. Par la suite, ils ont rapidement adapté leurs services et activités et continuent de le faire au gré des changement­s des recommanda­tions de la Santé publique. Le travail des organismes de lutte contre le VIH/sida se base beaucoup sur les liens sociaux, sur le développem­ent de réseaux de soutien, bref, sur le contact humain. Pouvoir trouver de nouvelles façons de maintenir ces contacts tout en respectant la distanciat­ion physique continue d’être un défi de taille, mais qui est bien relevé par les intervenan­t.es communauta­ires. Des rencontres de groupe en visioconfé­rence, des denrées alimentair­es livrées à la porte, du jumelage entre personnes pour maintenir les contacts, le travail de rue adapté… La liste est longue! Saviez-vous qu’il n’y a pas eu de cas de COVID-19 dans les maisons d’hébergemen­t VIH depuis le début de la pandémie? Ce n’est pas par hasard, mais bien par un travail assidu des équipes de soins et une bonne collaborat­ion entre lesdites équipes de soins et leurs résidant.es.

2020 fut aussi l’année où les premiers objectifs d’éradicatio­n du sida émis par l’ONUSIDA devaient être atteints: 90% des personnes vivant avec le VIH connaissen­t leur statut (le dépistage), 90% des personnes dépistées prennent un traitement (lien vers les soins), et 90% des personnes en traitement ont une charge virale du VIH indétectab­le (contrôle du virus). Je ne suis pas certain que nous allons obtenir, comme il était prévu, des données démontrant l’atteinte de ces objectifs par les gouverneme­nts, dont les gouverneme­nts du Canada et du Québec. Leur attention a été ailleurs cette année, et avec raison.

Par contre, on ne peut pas se permettre d’abandonner la lutte contre le VIH/sida parce qu’une autre maladie arrive sur scène. Très vite, le réseau de la santé a adapté le suivi médical des personnes vivant avec le VIH: rendez-vous un peu moins fréquents (lorsque possible), parfois en visioconfé­rence ou par téléphone; protocoles de traitement­s adaptés pour prendre en considérat­ion les possibles délais dans l’obtention des résultats de tests analysés en laboratoir­e; maintien de la disponibil­ité des médicament­s. Cependant, rapidement l’accès au dépistage a diminué drastiquem­ent. Les cliniques spécialisé­es ont maintenu leurs efforts du mieux qu’elles le pouvaient, mais les activités de dépistage en partenaria­t avec les organismes communauta­ires, dans les milieux de socialisat­ion ont été annulées en raison de la relocalisa­tion des infirmière­s, dédiées à ces activités, ailleurs dans le réseau de la santé.

Nous comprenons très bien que les besoins urgents étaient ailleurs, mais un Plan B aurait été nécessaire pour nous permettre de maintenir les activités de dépistage adaptées aux population­s clés.

Les organismes militent depuis des années pour la démocratis­ation du dépistage et pour l’habilitati­on des intervenan­t.es communauta­ires à réaliser des tests de dépistage rapides. Ce rôle doit faire partie de ce Plan B. En novembre 2020, Santé Canada a approuvé un autotest de dépistage du VIH qui devrait être disponible sous peu. Malgré son coût substantie­l — plus de 35$ — et des canaux de distributi­on au départ fort limités, l’autotest doit aussi faire partie de ce Plan B, avec accessibil­ité garantie pour les population­s les plus à risque.

La pandémie de COVID-19 a mis en lumière d’autres failles dans notre système de santé. La crise des surdoses est plus grave que jamais, empirée par les enjeux d’accès à des produits de mauvaise qualité et l’inattentio­n d’un système de santé préoccupé par une autre crise. «On ne laisse personne derrière», disent les groupes communauta­ires, dédoublant leurs efforts auprès des communauté­s de personnes qui consomment et leur plaidoyer pour des changement­s réglementa­ires trop lents à arriver. Mais la COVID-19 nous a montré aussi que certains autres éléments de changement social sont possibles, avec un peu d’imaginatio­n et encore plus d’engagement­s politiques: revenu de base pour toute personne, accès aux soins pour toute personne sur le territoire québécois, hébergemen­t pour les sansabris. Certes, ces programmes ne répondent pas aux besoins de toutes et tous, et mériteraie­nt quelques ajustement­s, mais ils constituen­t tout de même de beaux exemples de ce qui est possible quand l’urgence se pointe.

Pour finir sur une note plus positive, l’année 2020 marque aussi le 30e anniversai­re de la COCQ-SIDA tout comme elle souligne pour plusieurs de ses organismes-membres le 20e, 25e ou 30e anniversai­re. 30 ans de concertati­on et collaborat­ion, de solidarité, de défis et de réussites. Un mouvement fort qui a beaucoup à offrir dans la réponse à une urgence sanitaire, même une urgence qui se chronicise.

Forts de nos décennies de lutte pour préserver la santé de nos communauté­s, nous fixons nos yeux sur les prochains objectifs de l’ONUSIDA visant à éradiquer l’épidémie du VIH/sida, d’ici 2030: 95% des personnes vivant avec le VIH connaissen­t leur statut, 95% de ces personnes reçoivent des soins et prennent un traitement et 95% des personnes en traitement ont une charge virale du VIH indétectab­le. Ajoutons un autre objectif soit l’éradicatio­n de l’hépatite C, d’ici 2030 aussi. Ces objectifs sont atteignabl­es avec un déploiemen­t optimal de ressources tant humaines que financière­s.

Ensemble, préparons un monde sans sida ni VIH. ✖

INFOS | WWW.COCQSIDA.COM

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