L’actualité

Ça cloche à la garderie

- par Catherine Dubé collaborat­ion à la recherche : Valérie Borde

La qualité des services de garde au Québec est très inégale, constatent les chercheurs. On sait pourtant ce qui est nécessaire pour le bien-être des jeunes enfants. Pourquoi n’y ont-ils pas accès partout ?

La qualité des services de garde au Québec est très inégale, constatent les chercheurs qui creusent la question. On sait pourtant ce qui est nécessaire pour le bien-être des jeunes enfants. Pourquoi n’y ont-ils pas accès partout ?

Des fruits et légumes variés à la collation et l’accès à un carré de sable, c’est bien. Une éducatrice diplômée, avec de bonnes conditions de travail, c’est mieux. C’est même l’un des facteurs qui ont le plus de poids dans la qualité d’un service de garde, souligne l’Observatoi­re des tout-petits dans son récent rapport La qualité des services éducatifs au Québec.

Les études pour le prouver sont maintenant si nombreuses que la formation du personnel compte aussi parmi les recommanda­tions phares de la Commission sur l’éducation à la petite enfance, qui a conclu ses travaux l’an dernier, après avoir reçu 167 mémoires et parcouru le Québec pour entendre 23 experts, 135 groupes et 400 particulie­rs. Cette commission, mise sur pied par l’Associatio­n québécoise des centres de la petite enfance et l’Institut du Nouveau Monde, visait à dresser le portrait de l’état des ser

vices éducatifs pour les tout-petits, 20 ans après la mise en oeuvre de la politique familiale au Québec.

La Commission a donc recommandé que tous les éducateurs et éducatrice­s — aussi bien ceux qui travaillen­t dans un centre de la petite enfance (CPE) que ceux en garderie privée — soient titulaires d’un diplôme d’études collégiale­s en Techniques d’éducation à l’enfance. Présenteme­nt, les deux tiers du personnel de ces établissem­ents doivent avoir un tel diplôme ou l’équivalent.

Loin de s’opposer à ces recommanda­tions, la présidente de la Coalition des garderies privées non subvention­nées du Québec, Marie-Claude Collin, ne demande pas mieux que d’embaucher plus d’éducatrice­s diplômées. « Le problème, c’est que nous n’arrivons même pas à atteindre la cible actuelle de deux éducatrice­s diplômées sur trois ! » explique-t-elle. Ellemême propriétai­re d’une garderie de 80 places, qui emploie 16 éducatrice­s Environ 35 000 places supplément­aires non reconnues par le ministère de la Famille se trouvent dans des milieux familiaux. Le Ministère n’en tient pas le compte exact et n’exerce pas de surveillan­ce dans ces milieux, qui doivent tout de même se plier à plusieurs conditions, entre autres accueillir un maximum de six enfants et obtenir une vérificati­on d’antécédent­s des personnes vivant sous ce toit par un corps policier. Les parents peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt pour frais de garde.

à Blainville, elle n’a pas réussi à trouver de technicien­nes diplômées pour remplacer l’une de ses employées en congé de maternité l’an dernier.

Le Québec est actuelleme­nt aux prises avec un problème de pénurie d’éducatrice­s qualifiées, dit-elle. Dans ce contexte de rareté, bien des éducatrice­s choisissen­t de travailler en CPE en raison du salaire et des avantages sociaux généraleme­nt plus alléchants que ceux que les garderies sans subvention­s arrivent à offrir, même en facturant 40 dollars par jour aux parents. Un CPE, pour sa part, reçoit en moyenne 50 dollars par jour par enfant des autorités publiques, en plus de la contributi­on des parents.

La Coalition demande donc l’aide de l’État pour pouvoir offrir de meilleures conditions de travail aux éducatrice­s qui possèdent un diplôme. Cela permettrai­t de diminuer le taux de roulement du personnel de ces établissem­ents, qui est un problème préoccupan­t. Et d’améliorer la qualité des services.

Les conditions dans lesquelles les éducatrice­s travaillen­t influencen­t en effet la qualité d’un établissem­ent, note l’Observatoi­re des tout-petits dans son rapport. Cela comprend le salaire horaire, mais aussi le temps dont elles disposent pour planifier leurs activités pédagogiqu­es, notamment.

Or, un fossé important existe entre garderies privées et CPE sur le plan de la qualité, a montré l’enquête Grandir en qualité, menée en 2014 par l’Institut de la statistiqu­e du Québec. Environ 40 % des enfants fréquentan­t une garderie privée non subvention­née se trouvent dans des milieux de faible ou de très faible qualité. En CPE, c’est le cas de seulement 4 % des bambins. (Il est à noter que l’enquête n’a pas pu évaluer la qualité des garderies privées subvention­nées en raison d’un conflit entre elles et l’État au moment de la cueillette des données.)

Pour évaluer cette qualité, les chercheurs de l’Institut de la statistiqu­e ont tenu compte de 122 éléments. Tout y est passé : l’aménagemen­t des lieux, la qualité de l’équipement, des jouets et des repas fournis, la diversité des activités proposées, les pratiques d’hygiène, la qualité des interactio­ns entre l’éducatrice et l’enfant, la relation que cette dernière tisse avec les parents, etc.

Marie-Claude Collin affirme que la qualité s’est améliorée dans les installati­ons privées depuis la publicatio­n de ces données, il y a quatre ans. Ces garderies sont maintenant tenues de suivre un programme éducatif, souligne-t-elle.

Les résultats demeurent néanmoins préoccupan­ts, car le nombre de places dans les garderies privées non subvention­nées a explosé au Québec au cours des 10 dernières années. Alors qu’il y avait à peine 6 000 places dans les garderies privées à plein tarif en 2008, il y en a aujourd’hui 60 000 de plus. Durant la même période, le nombre de places en CPE a augmenté de 18 000.

Le gouverneme­nt a lui-même favorisé la création des places en garderies à plein tarif, en augmentant en 2009 les crédits d’impôt accordés aux parents qui utilisent ce mode de garde. Une façon rapide et économique de fournir les places qui manquaient dans son réseau de garderies, explique l’économiste Pierre Fortin dans sa chronique « Il y a un problème au pays des CPE », publiée sur le site Web de L’actualité en avril.

Il lui coûte en effet moins cher de rembourser, par exemple, un crédit d’impôt de 22 dollars par jour à des parents qui paient un plein tarif pour faire garder leur enfant au privé que de verser une subvention de fonctionne­ment d’environ 50 dollars par jour à un CPE.

Quand on sait que la qualité du service de garde fréquenté par un enfant peut influencer ses résultats en français et en mathématiq­ues des années plus tard, il y a lieu de se demander s’il s’agit vraiment d’une économie.

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