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- PAR CHANTAL HÉBERT

Il fut un temps où chaque scrutin québécois était susceptibl­e d’ébranler les colonnes du temple canadien. Aussi récemment qu’aux élections de 2014, le premier ministre Stephen Harper avait imploré ses homologues de l’opposition et ses pendants provinciau­x de s’abstenir de donner au Parti québécois des munitions susceptibl­es de l’aider à remporter une majorité gouverneme­ntale. On n’assistera pas à ce genre de branle-bas de combat en vue du vote du 1er octobre.

Le recul du PQ dans les intentions de vote et la mise en veilleuse de son projet référendai­re y sont, évidemment, pour quelque chose. Mais surtout, le résultat n’entraînera pas un nouveau brassage des cartes fédéralesp­rovinciale­s de l’ampleur de celui provoqué par le récent changement de garde en Ontario.

Depuis le scrutin ontarien du mois de juin, le courant entre la capitale fédérale et Queen’s Park passe au moins aussi mal qu’aux pires moments de la relation Québec-Ottawa. Dire que l’équipe du premier ministre Doug Ford et celle de Justin Trudeau ne sont pas faites pour s’entendre est un euphémisme.

Par comparaiso­n, le vent de changement qui souffle sur le Québec est nettement moins porteur d’affronteme­nts entre les deux paliers de gouverneme­nt. Si la CAQ, donnée en avance dans les sondages, remporte le pouvoir le 1er octobre, il faudra d’ailleurs éviter de faire un rapprochem­ent avec la victoire de Doug Ford.

Le parti de François Legault, malgré son fonds de commerce plus conservate­ur, est, à bien des égards, en rupture avec le crédo actuel de la droite canadienne.

La CAQ ne remet pas le modèle québécois en cause. Contrairem­ent à l’équipe Ford, le parti de François Legault souscrit à la notion que l’État a un rôle actif à jouer au sein de la société québécoise.

Son chef a été membre du gouverneme­nt péquiste qui a mis en place le réseau des CPE et instauré un régime public d’assurance médicament­s, deux grands programmes sociaux qui distinguen­t le Québec du reste du Canada et dans lesquels aucun parti n’entend mettre la hache.

À Ottawa comme à Toronto et à Edmonton, les conservate­urs ont choisi de diaboliser l’idée fédérale de donner un prix aux émissions de carbone. Selon le magazine Maclean’s, l’ancien premier ministre Stephen Harper prédisait récemment que les

conservate­urs auraient beau jeu de se hisser au pouvoir à Ottawa et dans les provinces en tirant parti du projet de Justin Trudeau de fixer un prix plancher pour le carbone.

En matière de lutte contre les changement­s climatique­s, la Coalition Avenir Québec comme le PQ ont l’intention de poursuivre sur la lancée actuelle.

Enfin, que l’on sache, il n’y a pas au sein de la CAQ de chapelle vouée à restreindr­e le droit à l’avortement ou à faire reculer les droits de la communauté LGBT.

À son arrivée au pouvoir, le premier ministre ontarien, Doug Ford, a retiré l’Ontario de la Bourse du carbone, à laquelle la province participai­t avec le Québec et la Californie. Il a sabré les programmes publics destinés à rendre les logements moins énergivore­s et à favoriser la transition vers des véhicules électrique­s.

Il a fait remplacer la plus récente mouture du cours d’éducation sexuelle qui se donnait dans les écoles de la province par celui qui était au programme… en 1998. À l’époque, le mariage entre personnes de même sexe était illégal. Les transgenre­s n’avaient aucuns droits et la notion de consenteme­nt préalable à un acte sexuel n’était pas tellement dans les moeurs éducatives.

En route pour la compositio­n du premier cabinet Ford, le ministère des Affaires francophon­es a disparu de l’organigram­me gouverneme­ntal. Et le discours du Trône lu à Queen’s Park au début juillet ne contenait pas un mot de français ni non plus une seule référence aux Premières Nations.

La majorité des Ontariens n’ont pas voté pour faire reculer l’horloge sur tous ces fronts. Mais en vertu du système uninominal à un tour, rien n’empêche un gouverneme­nt élu par une minorité d’électeurs d’en faire à sa guise, y compris de jeter le bébé avec l’eau du bain par rapport à son prédécesse­ur.

Rien de tel n’attend le Québec au tournant du scrutin du 1er octobre. Mais si jamais les partis qui forment actuelleme­nt l’opposition à l’Assemblée nationale se retrouvent avec une majorité de sièges, il serait bon de leur rappeler qu’ils se sont engagés conjointem­ent à faire passer rapidement le Québec à un mode de scrutin plus proportion­nel et moins susceptibl­e de se solder par un chèque en blanc à un gouverneme­nt majoritair­e. Bonne campagne !

Le parti de François Legault, malgré son fonds de commerce plus conservate­ur, est, à bien des égards, en rupture avec le crédo actuel de la droite canadienne.

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