L’actualité

L’entrevue

ROBYN MAYNARD

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On comprend mieux la discrimina­tion envers les Noirs quand on connaît l’histoire de l’esclavage au Canada, dites-vous. Pourquoi ? Quand on sait que l’esclavage a duré 200 ans et que les Noirs étaient alors considérés comme enclins à la criminalit­é et peu intelligen­ts, on comprend à quel point ce racisme est profondéme­nt ancré dans notre société. Ces idées se sont perpétuées dans l’inconscien­t collectif jusqu’à aujourd’hui.

Pourtant, le Canada a la réputation d’être un pays multicultu­rel et tolérant...

L’esclavage a été rayé des livres d’histoire après son abolition, en 1834. Le Canada a voulu créer la perception qu’il avait toujours été un pays de tolérance et a mis l’accent sur des manifestat­ions comme l’accueil des esclaves qui fuyaient les ÉtatsUnis pour retrouver la liberté. Mais c’est le fruit d’une sélection de la mémoire nationale. Dans les faits, le Canada a une histoire de violence étatique à l’égard des Amérindien­s, victimes d’un génocide, et des Noirs.

Jusqu’à quel point l’esclavage était-il répandu ?

Le Canada n’était pas une société esclavagis­te à la façon des États-Unis, dont le système économique était basé sur l’exploitati­on des esclaves dans les plantation­s. Mais en Nouvelle-France et sous l’Empire britanniqu­e, c’était relativeme­nt commun d’être propriétai­re d’esclaves pour les travaux domestique­s.

Vous soutenez que cette violence tolérée socialemen­t prend d’autres formes aujourd’hui, notamment celle de la brutalité policière. Ce problème est-il aussi important qu’aux États-Unis ? La violence policière par armes à feu est plus importante aux ÉtatsUnis qu’ici. Mais on constate que la population noire est surreprése­ntée en prison, à un taux comparable à celui des États-Unis, soit trois fois plus que sa proportion dans la population totale. Au Canada, les Noirs représente­nt environ

3 % de la population et

9 % de la population carcérale. Il faut savoir que la police de Montréal a utilisé des cibles représenta­nt des hommes noirs pour ses exercices de tir jusque dans les années 1980.

Quelles autres formes prennent les injustices aujourd’hui ?

Le fait que le Canada soit perçu comme une mosaïque multicultu­relle rend les injustices encore plus invisibles. Pourtant, les personnes noires continuent d’être parmi les plus pauvres au pays et de subir de la discrimina­tion à l’embauche, même dans la fonction publique.

Les mères noires sont davantage surveillée­s par les services sociaux et se font davantage retirer la garde de leurs enfants. C’est une autre forme de violence étatique. Et ce ne sont que des exemples. (Catherine Dubé)

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