La santé publique aux aguets
« Ouf ! » Le médecin Réal Morin, de l’Institut national de santé publique du Québec, a poussé un soupir de soulagement en apprenant que la vente de cannabis était confiée à une société d’État, qui priorisera la santé plutôt que les profits. L’expert craint cependant que la légalisation n’entraîne une banalisation de la marijuana dans la population.
Pensez-vous que la consommation va augmenter ?
Dans un monde idéal, 100 % des consommateurs actuels se tourneraient vers le marché licite, et personne ne serait tenté d’essayer le cannabis maintenant que c’est légal. Évidemment, ce n’est pas ce qui va se passer. Mais on ne voit pas venir une croissance phénoménale de la consommation, contrairement à ce que disent les entreprises privées, qui pensent faire des millions de dollars de profits.
Le discours des producteurs de marijuana vous agace ?
Leur discours m’inquiète. Les producteurs laissent entendre que le cannabis sera partout, que c’est le nouveau mode de vie qui s’en vient. Ils promettent des retombées économiques. Mais est-ce que ce sera suffisant pour compenser les coûts sociaux ? Si on regarde l’alcool et le tabac, l’État est loin de faire ses frais. On verra ce qu’il en sera pour le cannabis.
Quels sont les risques pour la santé ?
On possède encore peu d’informations sur le cannabis. De ce qu’on en sait, ses conséquences sont moindres que celles de l’alcool et du tabac, mais il ne faut pas le banaliser pour autant. La consommation régulière de cannabis est associée à des problèmes de mémoire et même à des troubles psychotiques chez certains. Il y a aussi toute la question de la conduite avec les facultés affaiblies. Et au Colorado, les hospitalisations liées au cannabis [dont les cas d’ingestion accidentelle par des enfants] ont augmenté après la légalisation. C’est une des choses qu’on va surveiller au Québec.