Les pionniers de l’or vert
Il y a cinq ans, deux beauxfrères ont fait un pari audacieux en démarrant Hydropothecary. Spécialisée dans la production et la distribution de cannabis à des fins médicinales, cette entreprise maintenant inscrite à la Bourse de Toronto sous l’appellation d’HEXO est le fournisseur privilégié de la Société québécoise du cannabis. Adam Miron, cofondateur et directeur de la promotion de l’image de marque, raconte la surprenante histoire de cette entreprise maintenant évaluée à un milliard de dollars.
Comment avez-vous eu l’idée de cultiver du cannabis médicinal?
Mon beau-frère, Sébastien St-Louis, et moi-même avions tous les deux de l’expérience dans les affaires et recherchions un projet d’entreprise à démarrer ensemble. Un jour, Sébastien m’a dit : « J’ai trouvé, je sais ce qu’on va faire. On va produire du cannabis à des fins médicinales ! » Et j’ai répondu : « Quoi ? Es-tu fou ? » On était alors en 2013. On ne connaissait rien à la marijuana, ou presque. C’était carrément un nouveau monde pour tous. Mais on savait qu’en tant qu’entrepreneurs on était capables de bâtir un plan d’affaires et de l’exécuter. Donc, pendant un an, on a travaillé presque jour et nuit dans mon sous-sol à monter notre offre de services pour obtenir notre permis de production de cannabis auprès du ministère de la Santé du Canada.
Le cannabis étant un sujet un peu tabou dans notre société, avez-vous connu des difficultés particulières ?
Oh oui ! Dans le milieu des affaires, c’était un chemin
non pavé qui faisait alors très peur. Comme presque aucune entreprise ou banque ne voulaient nous parler parce que c’était contre leurs politiques, disaientelles, on a eu d’énormes difficultés à trouver des partenaires et du financement. C’est pourquoi on a dû réhypothéquer nos maisons, liquider des avoirs et demander à nos familles et amis d’investir dans notre projet. Le minimum requis était de 10 000 dollars par personne. Certains ont pris une marge de crédit pour nous aider. On a ainsi amassé 1,13 million de dollars pour lancer notre entreprise. Mais le revers de cette réussite était qu’on ne pouvait pas échouer, car on n’aurait alors même plus eu un canapé où dormir, et notre entourage se serait senti floué. On devait absolument réussir !
Comment a évolué Hydropothecary à la suite de son démarrage?
Après avoir obtenu notre permis de production de cannabis médicinal, on a commencé la production. En 2015, on avait 200 kilos en entrepôt et on attendait d’obtenir notre permis de vente délivré par le fédéral. C’est à cette période que mon père a reçu un diagnostic de cancer. Tout à coup, notre but n’était plus de faire fonctionner une entreprise dans l’industrie médicale, mais bien d’améliorer la qualité de vie de mon propre père, qui était mourant. Quand on a obtenu notre permis de vente, en mai 2015, mon père a été notre tout premier client.
Comment avez-vous réagi à l’annonce d’une possible légalisation du cannabis à usage récréatif au Canada?
On considère que la légalisation du cannabis est une bonne nouvelle pour la société. Aujourd’hui, alors qu’il peut être difficile pour les adolescents d’acheter de l’alcool, c’est super-facile pour eux de trouver n’importe quel pot dans la rue. La légalisation permettra de combattre le marché noir, ce qui fera que le cannabis sera progressivement moins accessible pour les personnes mineures, dont mes propres filles, qui seront un jour adolescentes. Évidemment, pour nous, c’est aussi une occasion d’affaires extraordinaire. Donc, après avoir célébré la nouvelle environ 30 secondes, on s’est dit : oh, mon Dieu ! On a du pain sur la planche ! Et puis on s’est vite remis au travail, car la légalisation élargissait tout à coup nos possibilités de développement futur. Tout en continuant de produire du cannabis thérapeutique, on a créé une filiale, HEXO, pour investir le marché du cannabis à usage récréatif et courtiser une nouvelle clientèle adulte, soit des gens qui consomment déjà du cannabis ou qui veulent explorer ce produit de façon récréative. Parallèlement, notre entreprise continuera d’utiliser sa marque existante Hydropothecary pour le marché du cannabis médicinal, et la production de cannabis pour les deux marques se fera encore à Gatineau dans nos installations, qui sont en grande expansion. Dans les deux marchés, notre entreprise a comme mission d’offrir des produits de cannabis innovants et de première qualité.
Quel rôle jouerez-vous auprès de la Société québécoise du cannabis (SQDC) ?
Nous avons été le premier producteur autorisé de cannabis médicinal au Québec, et nous sommes le seul parmi les grands producteurs qui a son siège social ici. En avril 2018, on a signé une entente avec la SQDC, une filiale de la Société des alcools du Québec, en vertu de laquelle HEXO sera le fournisseur privilégié de produits de cannabis pour le marché québécois lors des cinq premières années suivant la légalisation. Selon les modalités de l’entente, on pourrait fournir, en fonction de la demande, environ 200 000 kilos de cannabis durant cette période. C’est une grande source de fierté pour nous, en plus de marquer une étape importante dans l’exécution de notre stratégie de croissance, qui met l’accent sur le marché québécois, notamment par l’agrandissement de nos installations de Gatineau et l’embauche de centaines de nouveaux employés au cours des prochaines années. On s’est aussi engagés à collaborer avec la SQDC à la formation des employés, de même qu’avec le gouvernement du Québec et d’autres partenaires à la mise en oeuvre de campagnes de sensibilisation visant à promouvoir la consommation responsable de cannabis. Nous allons également soutenir la recherche et l’éducation liées à sa culture et à sa transformation, ainsi que contribuer à diversifier l’offre de produits de cannabis thérapeutique et non thérapeutique au Québec.
Nous avons été le premier producteur autorisé de cannabis médicinal au Québec, et nous sommes le seul parmi les grands producteurs qui a son siège social ici.