Rien pour le postsecondaire
Après avoir tourné la 46e et dernière page du plan stratégique du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES), Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps, a piqué une sainte colère. Pendant plusieurs minutes, celui qui dirige le regroupement des 48 collèges publics de la province a arpenté son bureau de long en large pour se calmer. « Le Ministère a fait un plan juste pour dire qu’il en a un ! Il n’a plus de leadership. » Bernard Tremblay n’est pourtant pas réputé pour ses sautes d’humeur. Mais cette fois, c’en était trop. « Tout le monde dit que l’éducation est la clé dans notre société du savoir, mais quand vient le temps de passer aux actes, il n’y a rien. C’est décourageant », a-t-il lancé. La Fédération des cégeps, qu’il dirige depuis trois ans, a maintenant la difficile tâche de créer son propre plan stratégique, à partir des nouvelles orientations du MEES. Or, non seulement ce plan est flou et doté de très peu d’objectifs chiffrés, mais il est aussi particulièrement mince en ce qui concerne l’enseignement postsecondaire. Il y a bien une cible afin d’augmenter le nombre d’étudiants handicapés dans les cégeps et un objectif mineur pour accroître le nombre de remboursements anticipés de bourses d’études. Puis, rien. Le désert pendant des pages et des pages. Par exemple, le Ministère ne vise pas à améliorer le taux de diplomation au cégep, alors qu’à peine 63 % des étudiants terminent leur cheminement technique ou préuniversitaire en moins de cinq ans — ce qui est déjà au moins deux ans de plus que la durée prévue. Le MEES n’a pas davantage d’indicateurs pour augmenter la fréquentation, même si seulement 68 % des jeunes Québécois entrent au collégial après leur secondaire. « C’est un drame, parce que l’an dernier, 81 % des emplois disponibles au Québec exigeaient un diplôme d’études collégiales ou plus. Pourtant, le Ministère ne s’en préoccupe pas dans son plan d’action », constate Bernard Tremblay. C’est tout aussi mince dans le domaine universitaire, alors que le MEES n’a aucun objectif pour augmenter la qualité de l’enseignement ou le taux de diplomation, même si le décrochage universitaire touche un étudiant sur trois au Québec — la pire performance au pays. Les abandons sont particulièrement élevés dans les universités hors des grands centres, comme Trois-Rivières et Rimouski, qui comptent sur leurs établissements pour retenir une maind’oeuvre qualifiée. Aucun des indicateurs postsecondaires du plan stratégique n’est notable, déplore l’auteur du bulletin des ministères de L’actualité, MarcNicolas Kobrynsky, qui a passé des heures à analyser le document de référence du MEES. Le PDG de la Fédération des cégeps, pour sa part, résume sa pensée en une phrase : « On parle plus de sports et de loisirs dans ce plan que d’enseignement supérieur », s’enflamme Bernard Tremblay.